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Taxonomie de l’ellipse de van Craenenbroeck & Merchant

Ancrages théoriques et pratiques

2. Éléments théoriques : vers une classification opérationnelle 1. Brève présentation de quelques éléments théoriques utiles

2.2. Taxonomie de l’ellipse de van Craenenbroeck & Merchant

Parmi les catégorisations existantes, nous retenons, en dépit de ses problèmes (signalés par le symbole # dans le tableau), celle de van Craenenbroeck & Merchant (2013) puisqu’il s’agit d’une reformulation qui englobe d’une manière élaborée les classifications syntaxiques déjà existantes.

Van Craenenbroeck & Merchant classent ainsi l’ellipse en trois catégories qu’ils nomment predicate, clausal et nominal ellipses au sein desquelles des sous-catégories sont identifiées. Les tableaux ci-dessous synthétisent les différents types d’ellipses tels qu’ils les présentent20 :

18 En dehors des mécanismes de mouvement et d’extraction expliqués par Johnson (2009) dans le cas de gapping.

19 Nous n’entrons pas dans le détail des distinctions établies entre toutes les approches théoriques ayant envisagé le traitement de l’ellipse ni les nuances résultant des débats existant entre elles. Ces débats ont généré des classifications différentes du phénomène et qui varient d’une approche à l’autre, selon la composition syntaxique et l’agencement grammatical ou selon la situation pragmatique, ou encore le contexte proprement dit. Notons au passage que la grammaire de Quirk et

al. (1985, 888), par exemple, classe les ellipses selon le type de récupérabilité. Ils nomment alors textual ellipses celles où la récupérabilité des éléments dépend du co-texte, structural ellipses celles

où la récupérabilité est sous-jacente à la structure grammaticale, situational ellipses lorsque la récupérabilité est exophorique (en-dehors du contexte extralinguistique). Cette classification, qui prend en compte à la fois l’organisation syntaxique et l’interprétation, nous parait à l’origine des classifications syntaxiques existantes à l’heure actuelle dans la mesure où la catégorisation même repose sur les conditions de récupérabilité.

20 Le tableau inclut toutes les ellipses illustrées dans Merchant & van Craenenbroeck y compris celles qui ne sont pas attestées en anglais britannique ou américain. Sauf mention contraire, les exemples sont extraits de van Craenenbroeck & Merchant (2013).

Predicate ellipsis

Sous-catégorie Définition Exemple

VPE Omission du groupe verbal.# John likes candy, but Bill doesn’t Ø.

Pseudogapping Le pseudogapping est une ellipse dans laquelle un verbe lexical (accompagné ou non de ses arguments compléments), après un auxiliaire est supprimé laissant derrière lui des éléments résiduels.

She’ll read something to Sam, but she won’t Ø to Bill.

Deux caractéristiques majeures du

pseudogapping :

La présence d’un auxiliaire est un critère nécessaire pour le déclencher. Le cas pseudogapping avec plusieurs résidus est très rare.

British English do « The former is a British

English construction that is on the surface identical to VPE, but for the presence of a non-finite form of the verb do next to the ellipsis site » # (p 703)

John will eat candy and Bill will do Ø, too.

Modal complement ellipsis

Cette ellipse diffère de la VPE dans la mesure où le déclencheur de l’ellipse est nécessairement un modal déontique.

Jan wil niet meedoen, maar hij moet Ø. (Exemple néerlandais)

Jan ne veut pas participer mais il doit le faire.

Predicate Phrase ellipsis

Predicate phrase ellipsis est

une omission des

compléments (locatifs ou prédicatifs) après be et

have.

Ben will be in the garden, though he’d rather not be Ø.

Clausal ellipsis

Sluicing Le sluicing est l’économie de la proposition entière à l’exception du pronom wh—

Someone knocked at the door, but we don’t know who Ø.

Sprouting Le sprouting est un sous-type du sluicing dans lequel le pronom wh— n’a aucun lien avec l’antécédent exprimé.

Swiping « In

swiping constructions, a wh-PP has been sluiced, but the canonical order of

preposition and wh-phrase (the former preceding the latter: about what) has been inverted. » (p 718)

Ed gave a lecture, but I don’t know what about Ø.

Spading Le spading renvoie à l’économie de la proposition qui est remplacée par un pronom démonstratif.

Jef eid iemand gezien, mo ik weet nie wou da.

Jef has someone seen but I know not who that

(Jef saw someone, but I don’t know who.)

Fragment

answers/Réponses

fragmentaires

« Fragment answers are subsentential XPs with the same propositional

content and assertoric force as utterances of fully sentential syntactic structures. » (p 719)

What did you buy? B: A boat

Gapping Le gapping renvoie à l’omission du verbe fini dans

une ou plusieurs

constructions (parallèles ou propositions coordonnées), laissant apparent des résidus.

Mary carries a suitcase, and John Ø a bag.

Stripping Le stripping est considéré comme une catégorie du

gapping. Les deux catégories

diffèrent dans le nombre des résidus : le stripping en autorise un seul, tandis que le

gapping en autorise plusieurs.

Ed likes stiletto heels and Maggy Ø too.

Null complement anaphora

Décrit comme the « odd man out » de la liste, ce type implique l’effacement d’une proposition complément sans qu’il reste de « survivors » (p 719)

Ed wanted Bill to help Mary, but he refused. (p 718)

Nominal ellipsis L’ellipse nominale désigne l’économie du nom, du pronom, ou d’un groupe nominal dont la fonction grammaticale est sujet ou complément (ou une partie) du verbe

Merchant & van Craenenbroeck proposent quatre questions-test pour repérer les ellipses nominales : A : X a-t-il besoin d’un antécédent nominal ou est-il utilisé seul ? L’ellipse requiert un antécédent.

B : X forme-t-il un comparatif ou un superlatif ? Si oui, c’est une ellipse.

C : X peut-il signifier tout ce que peuvent normalement signifier les adjectifs ?

D : X peut-il former un pluriel ayant une morphologie nominale de pluriel (qui diffère des désinences adjectivales)? Si la réponse à cette question est non, il s'agit d'une ellipse.

van Craenenbroeck & Merchant (2013, 732), illustrent ces questions avec le cas de poor

“For example, poor in English is a nominalization by most of the above tests: it needs no antecedent, it does not form a comparative, and it does not have the full range of meanings found when used as a modifier of nouns. (The last test does not give a meaningful result in this case, as the nominalization is a collective, which triggers plural agreement on predicates and cannot be pluralized or used as a predicate itself: *He is a poor.) a. The poor deserve our help. b. If you have money, you should help the poorer (than you).

c. A: Look at the poor kitty stuck in the tree!

B: *That’s no poor – he lives there. d. *The poors are everywhere in this town!”

Tableau 1 : Les catégories d’ellipses par van Craenenbroeck & Merchant (2013)

L’analyse de cette classification soulève un certain nombre de questionnements d’ordre terminologique et classificatoire. D’abord, certaines notions-clefs nécessaires à la compréhension de la classification ne sont pas définies : qu’est-ce qu’un prédicat selon van Craenenbroeck & Merchant ? Faut-il ou non y inclure le modal/auxiliaire ? Dans les exemples illustrés, l’omission s’effectue seulement sur une partie du prédicat et non sur le prédicat dans son entièreté. Dans la mesure où l’auxiliaire et le modal restent toujours apparents et que ce sont eux qui déclenchent l’ellipse post-auxiliaire, ils sont situés en dehors du site elliptique, et ils ne peuvent matériellement être omis. De ce fait, il apparait difficile de parler de l’ellipse du prédicat entier puisque seul le groupe verbal ou une partie de ce dernier

est omis. Nous nous appuierons sur ce constat (tout au long du présent travail), pour déterminer, comme nous le verrons plus loin, l’une de nos conditions classificatoires. Vient ensuite le questionnement lié à la sous-catégorisation établie : est-elle toujours pertinente ? Les flottements existant dans l’établissement de la classification de certaines catégories sont parfois sources d’incohérences, et le

gapping en est l’exemple. Cette ellipse est classée dans les ellipses propositionnelles

alors que seul le verbe est omis (et non l’entièreté de la proposition). De plus, les ellipses nommées predicate phrase ellipses ne requièrent pas une catégorisation distincte et peuvent être associées à la VPE. C’est d’ailleurs ce que la plupart des syntacticiens s’accordent à défendre.

Tous ces questionnements, loin d’être exhaustifs, montrent bien la nécessité d’établir une classification aussi fine que possible pour pouvoir repérer les ellipses automatiquement. La classification proposée par van Craenenbroeck & Merchant est-elle alors pertinente dans notre cas ? Partiellement sans doute. Aussi proposons-nous, afin d’atteindre notre objectif de détection automatique, une simplification dans la catégorisation des ellipses en les classant uniquement par élément déclencheur et en n’établissant pas de sous-catégorie. Les détails de cette classification sont présentés à la fin de ce chapitre. Dans la partie suivante, nous présentons des travaux menés sur certains types d’ellipse à partir d’un corpus d’étude, ensemble de données authentiques exploitables informatiquement, dont l’analyse constitue aujourd’hui l’une des opérations courantes.