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1.4 Séparation par taille de molécules d’ADN

1.4.1 Taille d’un polymère

L’ADN, acronyme d’Acide DésoxyriboNucléique, est une chaîne d’acide nucléiques support de l’in-formation du vivant. Elle consiste en quatre blocs de base que sont l’Adénine (A), la Guanine (G), la Thymine (T) et la Cytosine (C). Elle existe essentiellement sous sa forme de double hélice, découverte il y a soixante ans par Watson et Crick, [Watson and Crick, 1953], et consiste en l’appariement de deux brins par des interactions spécifiques A-T et G-C. L’enchaînement de ces monomères constitue un

codesource pour la synthèse des protéines, selon le dogme central de la biologie, bien que des résultats récents laissent à penser qu’il existe une certaine marge dans l’interprétation des plans contenus

industrialisation.

Comme plus tôt mentionné, les procédés de séquençage reposent sur une étape de séparation par taille. Nous discuterons dans le passage suivant de la définition physique de ce paramètre pour l’ADN. On remarquera que les expressions qui seront données sont valables pour les polymères libres, non confinés, si bien que les laformedes molécules n’est dictée que par la maximisation de leur entropie conformationnelle. La lecture du code contenu sur une molécule sous forme de pelote est difficile-ment réalisable. Notons que le paragraphe suivant est libredifficile-ment inspiré de la revue de Reisner 2012 [Reisner et al., 2012], qui traite plus spécialement de la manipulation conformationnelle d’ADN avec les outils micro- et nano-fluidiques modernes.

Longueur de contour et longueur de persistance

Sous sa forme en double brin, l’ADN peut être vu comme un polymère issu de l’enchaînement de blocs constitutifs que sont les paires appariées de bases nucléotidiques. Dans son état hydraté double brin (hélice B), l’espacement entre deux bases consécutives est de 0.34 nm. La longueur de contourLc, correspond à l’idée detaillela plus simple d’une molécule d’ADN. Elle correspond à la longueur bout à bout de la molécule soitLc=Nbp∗0.34 nm. Considérant que le génome humain est constitué de

Np=3.109paires de bases (3 Gbp), qu’il existe deux copies de ce génome dans chaque cellules (6 Gbp)

implique qu’environ 2 m linéaire d’ADN sont condensés au sein de chacune d’entre elles.

Sachant que 2 m linéaire d’ADN sont présents dans chaque cellule humaine, il convient d’introduire de la flexibilité pour permettre sa compaction dans des volumes de10µm3 9. Cette notion de flexibilité est liée à la grandeur caractéristique dite de longueur de persistance. Cette dernière définit la longueur au bout de laquelle la corrélation sur le vecteur tangent au squelette de la molécule est perdu. En d’autres termes, cette longueur correspond à celle au delà de laquelle l’énergie d’agitation thermique suffit àtordrel’ADN. Si l’on définit un vecteur tangentT(s,t) et une coordonnéesle long de la molécule, tel qu’illustré avec la figure 1.11, une définition plus formelle de la longueur de persistance (P) est donnée par la fonction de corrélation surT(s,t) comme [Doi, 1988] :

T(s,t)T(s,t)〉 =exp µ |ss ′| P (1.26)

9Remarquons ici que cette vision reste naïve lorsque la condensation sous forme de chromatine via les histones est mise dans la balance.

1.4. Séparation par taille de molécules d’ADN

FIGURE1.11 –Schéma illustrant la longueur bout à bout et le vecteur tangentT(s,t) d’une chaîne de polymère.

Pour une molécule d’ADN dans une solution de force ionique supérieure à 10 mM,P50nm. Cette valeur cache toutefois certaines disparités. La première provenant du fait que les propriétés mécaniques locales de la molécules sont séquence-dépendantes. Aussi cette valeur ne doit-elle être vue que comme une valeur moyenne. Cette quantité est également dépendante de la concentration en ions du milieu. En effet, un abaissement de la force ionique conduit à un plus faible écrantage des interactions électrostatiques intra-chaine et à une augmentation subséquente de la longueur de persistance. Ce paramètre est accessible expérimentalement et décrit par la théorie de Odijk, Skolnick et Fixman [Odijk, 1977] [Skolnick and Fixman, 1977]. Une formulation utile de ces théories a été donnée par [Baumann et al., 1997] :

P=P+0.0324M

I nm (1.27)

AvecI=P

izi2nila force ionique du milieu etP50nm. Cette théorie a été récemment rediscutée, ce qui a amené à une nouvelle expression pourP[Dobrynin, 2006] :

P=46.1+1.9195p M

I nm (1.28)

Dans les deux cas, l’écrantage des interactions électrostatiques conduit à une valeur seuil proche de 50 nm ce qui correspond à environ 150 paires de bases. Cette définition nous permet de classer l’ADN dans la classe des polymères semi-flexibles, pourvu que celui-ci soit de taille supérieure à1000 bp, puisqu’alors la longueur de persistance est grande devant la taille du monomère, mais reste faible devant la longueur de contour.

Longueur bout à bout

Ainsi la longueur de contour est-elle la caractéristique de taille la plus facilement accessible, puisqu’elle est la résultante du produit de la longueur d’un monomère par le degré de polymérisation du polymère. Toutefois, celle-ci ne correspond pas totalement à la taillephysiqued’un polymère en solution, qui tend à maximiser son entropie conformationnelle. La taille typique d’une chaîne linéaire peut ainsi être appréhendé par la notion de longueur bout à bout (formellement la distance moyenne entre les deux extrémités de la chaîne tel qu’illustré à l’aide de la figure 1.11). Une modélisation naïve mais puissante consiste à voir la chaîne d’ADN comme une marche aléatoire deN pas de longueurbdite longueur de Kuhn. Chaque pas est alors décrit par un vecteurritel querirj〉 =b2δi j et la longueur bout à bout vautR=PN

i=1ri. Cette vue amène au résultat :

R2〉 = 〈 ÃN X i=1 ri ! ÃN X j=1 rj ! 〉 =b2N (1.29)

pour de longues chaînes, la probabilité d’interaction entre deux segments constitutifs augmente, et les modèles se doivent alors de prendre en compte un paramètre d’exclusion volumique. Ces considérations ont été entreprises par Flory ( Voir [Flory, 1953] ou alternativement [De Gennes, 1979] p 43). Considérant une chaîne constituée deN segments et d’extension caractéristiqueR, l’astuce de Flory consiste en l’ajout d’une contribution énergétique d’interaction de paire entre segments en plus d’une interaction élastique (liaison entre monomères), par l’intermédiaire de l’introduction d’un paramètre donnant le volume exclu associé à chaque monomère. La minimisation de l’énergie totale aboutit alors à une extension de la molécule donnée par le rayon de FloryRF

RFNν (1.31)

Avecν=3/5 à trois dimensions. Ainsi la prise en compte du volume exclu conduit à fairegonflerla taille caractéristique du polymère, puisque l’exposantν=0.6>0.5 caractérisant une chaîne idéale décrite

par une marche aléatoire. Compte tenu de la facilité de repérer et de suivre des molécules d’ADN marquées à l’aide de sondes fluorescentes [Smith et al., 1996], il est intéressant de donner les relations liant coefficient de diffusion du centre de masse d’une molécule à son rayon. Il existe deux modèles théoriques majeurs de la physique des polymères, représentant les molécules comme des chaînes fantômes (pas de volume exclu) constituées de billes et de ressorts harmoniques [Doi, 1988]. Le premier d’entre eux est dû à Rouse [Rouse, 1953]. Pour ce dernier modèle, le coefficient de diffusion évolue suivant la loiDLc1. Ce modèle ne prend toutefois pas en compte les interactions hydrodynamiques entre segments, qui sont alors vus comme se mouvant sans entraîner le fluide environnant. Celui-ci est donc surtout adapté à la description de milieux denses, où l’écrantage hydrodynamique est important, comme dans un gel par exemple. Aussi préférera-t-on la description de Zimm [Zimm, 1956] pour un polymère en solution libre et non confiné. Dans le cadre de ce dernier, le coefficient de diffusion varie commeDRg1, avecRg le rayon de giration de la molécule. Cette dernière quantité est donnée par la distance rms entre les segments de la molécule et son centre de masse. Soit pour une polymère composé deN segments localisés parri:

Rg2= 1 N N X i=1〈(riRG)2 (1.32) avecRG=N1PN

i=1rirepérant le centre de masse de la molécule. Tout comme pour la longueur bout à bout,RgL3/5c selon le modèle de Flory.

1.4. Séparation par taille de molécules d’ADN

FIGURE1.12 –Schéma représentant une sphère négativement chargée de rayonR>λDsous un actionnement par champ électrique.Felreprésente la force exercée sur le nuage de contre-ions et sur la particule.