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S ASFE , S CENES O BLIQUES ET LEURS PARTENAIRES PUBLICS : INFLUENCES ET INDEPENDANCE DANS UNE RELATION DE 

II. P ARTICIPATION , TRANSVERSALITE ET EVALUATION : L ’ INTEGRATION DE NOTIONS DE POLITIQUES PUBLIQUES AUX METHODES DE TRAVAIL ASSOCIATIVES

2.2. T RANSVERSALITE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET ACTION CULTURELLE

La dimension transversale de l’action culturelle est un des aspects communs à ces projets et semble aussi être entrée dans la méthode de travail de ces associations. Les discours autour de la transversalité de l’action de Scènes Obliques et de Quartiers Libres sont cependant surtout valorisés par les partenaires institutionnels. Comme dans le cas de l’évaluation, on retrouve aussi la transversalité dans les théories de la nouvelle gestion publique (New Public Management), qui la présentent comme vecteur de rationalisation et de réduction des coûts de l’administration publique par la mutualisation des moyens. On retrouve par exemple cette exigence au cœur de politiques nationales mettant directement en rapport transversalité et performance : « Pour certaines politiques interministérielles présentant de forts enjeux budgétaires et de pilotage par la performance, des documents de politique transversale (DPT) ont été conçus afin, en particulier, de présenter des objectifs coordonnés entre les programmes concourant à une politique transversale comme, par exemple, la sécurité routière.117 ». Ainsi, depuis 2005, ces documents de politique transversale sont présentés sous forme d’annexe générale au projet de loi de finances de l’année. Une politique transversale est ici définie comme « une politique interministérielle financée à un niveau significatif par l’Etat, identifiée par le Premier ministre, dont la finalité concerne plusieurs programmes relevant de différents        

117 Qu’est­ce que mesurer la performance de l’Etat ?, Forum de la performance publique, site internet du 

ministères et n’appartenant pas à une même mission. ». On peut donc voir l’intégration de la notion de transversalité au niveau national, par le développement de différents DPT mis en place par l’Etat et favorisant la participation de plusieurs ministères au sein d’un même projet. Si les DPT ne concernent pas le ministère de la Culture118, ce débat semble néanmoins être aujourd’hui au cœur de la question culturelle, comme le souligne Alain de Wasseige : « La culture, conçue comme système de valeurs et comme système de représentation marque bien des politiques en matière économique, sociale, d’agriculture, de relations internationales, de justice, de santé, d’environnement et d’éducation. La question des modèles qui président aux politiques les plus diverses est une question culturelle essentielle même si elle échappe directement à la capacité d’intervention du Ministère qui a la culture dans ses compétences, même si, pour des raisons strictement idéologiques, elle n’est pas reconnue dans ses fondements culturels.119». L’auteur fait donc état d’un décalage existant entre une transversalité qui serait intrinsèque à l’action culturelle et, d’une certaine manière, l’hermétisme du ministère de la culture à ce sujet. Si ce point de vue est défendu par certains auteurs, on remarque tout de même l’existence d’un intérêt pour le lien que peut avoir la culture avec d’autres sujets politiques ou sociaux. L’existence d’un pôle « Publics et territoires » à la DRAC Rhône-Alpes relie culture et développement territorial, et concerne par conséquent de nombreux domaines, comme le remarque Benoît Guillemont : « Donc pour bien comprendre mon action au sein de la DRAC, c’est bien… L’entrée non pas verticale et sectorielle, danse théâtre monuments historiques architecture etc., par discipline, mais plus de manière transversale, horizontale, à partir de la question et de la préoccupation des publics et des territoires. ». Dans le cadre de la politique de la ville, le ministère de la Culture a été intégré à la dynamique Espoirs Banlieue. Si elle peut être considérée comme insuffisante, cette volonté de transversalité se retrouve aussi au niveau de l’Etat.

Les partenaires institutionnels insistent sur la nécessaire transversalité de l’action culturelle. Christiane Audemard remarquait, lors des Rencontres culture et lien social de 2009, la pluralité des professions représentées : « Nous sommes ici dans une réunion de professionnels, venus des milieux de l'éducation, de la santé, du social et de la culture, et c'est le « travailler ensemble » qui est notre raison d'être aujourd'hui120 ». L’action de Culture et lien social est définie comme transversale, concernant l’ensemble des politiques publiques. Christiane Audemard décrit la création de son service : « en sachant très bien que ces        

118 Voir en annexe la liste des DPT associés au PLF 2010 et les ministres chefs de file.  119 DE WASSEIGE A., Op. Cit. 

120Compte rendu de la rencontre des médiateurs « Culture et lien social », 25 juin 2009, Espace 600, 

politiques étaient de fait transversales, que les élus du Conseil général ont choisi de voter à l’unanimité des moyens et de mettre en place une politique qui sera prise en compte par un service de la direction des affaires culturelles, pour conduire ces actions complémentaires à toutes les actions conduites par les différents services de la politique du Conseil général de l’Isère. ».La transversalité de l’action culturelle est aussi valorisée par la direction de la Culture et du Patrimoine, au-delà de l’action du service « Culture et lien social » : « De la solidarité à l’innovation, la culture a son mot à dire : c’est ainsi que l’action culturelle peut, par exemple, aussi bien œuvrer dans le domaine de la lutte contre l’illettrisme que favoriser une recherche qui croise les arts et les sciences.

C’est pourquoi le développement culturel concerne tout aussi bien le secteur du social, que ceux de l’éducation, de l’aménagement du territoire, du tourisme, de l’environnement ou de l’économie.121 »

Jean Picchioni défend une certaine vision de la culture comme « liant », l’action culturelle étant perpétuellement reliée à « autre chose ».

Ces projets ont été reconnus par l’ensemble de ces partenaires pour leur dimension transversale, un aspect qui se développe dans les politiques publiques de la culture. Sophie Gouin explique la nécessaire dimension transversale des projets soutenus par l’Espace Belledonne : « deux exigences en terme de transversalité du projet. Donc une transversalité thématique, c’est-à-dire plus le projet va concerner de thèmes, mieux ça sera. Ca peut être un projet patrimonial mais qui a une vocation touristique également, ça peut être un projet de préservation d’un site naturel mais avec un objectif d’ouverture au public. Donc à chaque fois on essaie de mêler un peu comme ça les objectifs. Et puis une exigence aussi de transversalité géographique pour essayer d’apporter de la culture au massif de Belledonne. ». A la transversale géographique, opposée aux flux de circulation reliant les villages de montagne à la vallée, s’ajoute alors une transversalité thématique, dans laquelle s’inscrit parfaitement le projet de Scènes Obliques et du festival de l’Arpenteur. Travaillant sur la promotion des arts de la scène en milieu rural, il s’attache aussi à développer une identité de territoire en Belledonne et à favoriser la mise en place d’une action culturelle cohérente sur le territoire. Culture et développement rural se retrouvent alors dans une seule et même action.

L’action de Sasfé est aussi transversale, comme Francine Mistral-Maître l’in dique. Elle précise que l’action menée dans le cadre de Quartiers Libres concerne trois services de la ville de Grenoble : la direction de l’aménagement du territoire (DAT), Jeunesse et vie associative,        

121 Projet de direction 2008‐2011, direction de la Culture et du Patrimoine, Conseil général de l’Isère. 

mais aussi la direction des affaires culturelles (DAC). Les questions soulevées par Sasfé, dans le cadre du festival Quartiers Libres, concernent à la fois la politique de la ville, la question de la jeunesse et les politiques culturelles.

Les discours sur la nécessité de transversalité dans l’action publique commencent à s’intégrer aux méthodes de travail des porteurs de projets associatifs. Dans Quartiers Libres comme dans le festival de l’Arpenteur, cette dimension est présente et valorisée par les partenaires. On peut remarquer un autre point commun entre ces festivals et les discours présents dans les théories d’action publique : l’importance de la participation des habitants.

2.3. QUARTIERS LIBRES ET L’ARPENTEUR: DES « PROJETS PARTICIPATIFS »   

On constate que les deux associations affichent une volonté de faire participer les habitants des territoires sur lesquels leurs actions s’inscrivent. Les collectivités territoriales insistent aussi sur cette notion dans le cadre du débat autour de la démocratie participative. Le mot « participatif », que l’on retrouve ici dans le cadre de nos projets culturels, est pourtant d’usage récent : en 2002, la loi qui impose la création des conseils de quartier dans les villes de plus de 80 000 habitants est « relative à la démocratie de proximité ».

La démocratie participative en France était, dans les années 70, considérée comme un « processus spontané et informel, avec pour symbole l’assemblée générale122 ». Aujourd’hui, elle est marquée par une volonté de représentativité des publics impliqués et de qualité de discussion dans des débats organisés123. Si la participation des habitants est souvent d’ordre consultatif, les structures participatives connaissent pourtant une croissance importante. Elles sont portées par divers acteurs : mouvance altermondialiste, New Public Management, mais aussi groupes de chercheurs, institutions internationales ou gouvernements nationaux. Elle est en tout cas une dimension incontournable de l’action publique, comme le souligne Yves Sintomer : « En ce début du vingt et unième siècle, la « participation » s’impose de plus en plus comme le terrain obligé de la politique et de l’action publique.124 ». S’il reste impossible d’établir un cadre unique de mise en œuvre de cette notion portée par une multiplicité d’acteurs, on peut cependant remarquer quelques normes invoquées dans les dispositifs         122 SINTOMER Y., La démocratie participative, Collection « Problèmes politiques et sociaux », n°959, La  Documentation Française, avril 2009.  123 Remarquons que si la France est touchée par cette évolution, elle reste cependant en retard par rapport  à d’autres pays européens et même à de nombreuses expériences nord et sud américaines.  124 SINTOMER Y., Ibid.