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Chapitre III L’imageur TReCam : principe et optimisation pour la chirurgie radioguidée

B. Les composants :

1. La tête de détection :

La tête de détection assure l’étape centrée sur l’interaction sélective des ɣ émis dans le champ et la génération d’un signal permettant d’en mesurer la position et l’énergie. Pour cela, elle associe un collimateur à un scintillateur.

1.1. Le collimateur :

Le collimateur opère le filtrage des ɣ incidents pour ne transmettre que ceux dont les caractéris- tiques (direction, énergie…) correspondent à celles choisies pour former l’image. Premier élément de la chaîne de détection, c’est en général le maillon dont les performances sont limitantes par rapport à celles de l’ensemble des composants d’une gamma caméra. Sa géométrie, qui relève de plusieurs compromis intrinsèques et ergonomiques, doit donc être définie avec soin.

1.1.1 Nature et principe :

La fonction du collimateur est d’opérer une sélection angulaire des ɣ issus du champ de vue pour ne laisser interagir dans le scintillateur que ceux dont la direction coïncide avec la stratégie choisie pour former l’image radio-isotopique de la scène opératoire. En pratique, un collimateur est donc un objet constitué d’un matériau le plus opaque possible aux ɣ (très dense) et percé de trous répartis selon le type d’exploration et les performances recherchées. Il existe de nombreuses géométries pos- sibles de collimateurs à partir de la variation combinée de leur nombre de trous, de leur diamètre, de l’épaisseur de la paroi séparant deux trous (septum) et de leur épaisseur. Un collimateur à trou unique (pinhole) permettra par exemple de former une image de type sténopé, donc à champ de vue et à agrandissement variables. A l’opposé, un collimateur avec un grand nombre de trous parallèles forme une image dont la taille ne dépend pas de la distance source-détecteur. Dans tous les cas, l’image obtenue est une projection de la radioactivité intégrée sur la profondeur du champ de vue (modulo l’atténuation des ɣ) et selon la direction des trous.

Il existe plusieurs variantes de géométries de colli- mateurs (Figure III-2). On les classe usuellement se- lon 4 grandes familles : trous parallèles (perpendicu- laires ou inclinés par rapport à la face avant du colli- mateur), divergents, convergents, et pinholes (y com- pris trous multiples).

44 1.1.2 Le collimateur de TReCam :

Pour favoriser une exploration manuportée de « contact », c’est-à-dire au plus proche de la scène opératoire, d’objets de dimensions de l’ordre du centimètre, et à champ de vue fixe, nous avons choisi d’équiper TReCam d’un collimateur à trous parallèles (trous identiques en forme et en diamètre et perpendiculaires à sa face avant). C’est de cette configuration dont nous allons maintenant discuter en précisant les choix opérés pour sa géométrie.

a. Caractéristiques d’un collimateur à trous parallèles :

Une fois choisi le type de collimateur, il reste à définir, pour un matériau donné, son épaisseur (l) et les caractéristiques de sa maille élémentaire (Figure III-3) : la forme des trous (ronde, carrée ou hexa- gonale), leur dimension (d) et l’épaisseur septale (t) de la paroi entre deux trous (septum). Le choix de ces paramètres dépend de la valeur d’énergie des photons ɣ à détecter. Nous présenterons les résultats à E= 140 keV correspondant au radio-isotope 99mTc utilisé pour la

procédure SNOLL.

Trois critères de performance du collimateur vont guider le choix

combiné de ces paramètres géométriques, sur la base de compromis. Ces critères sont :

 L’efficacité géométrique du collimateur géo : elle caractérise le ratio entre le nombre de ɣ qui

parviennent à émerger du collimateur et celui des ɣ incidents. géo dépend des valeurs de para-

mètres géométriques mais peu de la distance source-détecteur. Son expression analytique est la suivante (69) :

avec 𝑙 = 𝑙 − 2𝜇 : longueur effective d’un trou µ : coefficient d’atténuation linéaire

 La résolution spatiale Rc : elle caractérise, comme introduit au chapitre II, la capacité du détecteur

à discerner deux sources voisines. Rc dépend à la fois des valeurs de paramètres géométriques et

de la distance source-détecteur. Son expression analytique est la suivante (69):

La Figure III-4 montre les résultats de simulations via GATE de variations de Rc et de géo avec

différentes distances source-détecteur pour différentes configurations géométriques de collimateur. Il apparaît clairement qu’une configuration permettant d’optimiser Rc dégrade géo et vice-versa. Un

premier compromis entre ces deux grandeurs est donc indispensable à établir, sur la base des spécifi- cités cliniques. Nous y reviendrons après avoir introduit le troisième critère dont l’importance est grande lorsqu’il s’agit d’optimiser le temps de détection de structures faiblement radioactives situées à proximité de sources plus intenses (ie le cas d’un GS au voisinage de la tumeur et donc du site d’injection).

Figure III-3 Caractéristiques d'un collimateur à trous parallèles

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Figure III-4 Simulation de différents collimateurs avec une source de 10MBq de Tc99m

 La pénétration septale Ps : elle caractérise le taux de ɣ d’énergie E susceptibles de traverser sans interagir dans le collimateur, un ou plusieurs septas. Cet échappement potentiel conduit à dégrader la qualité d’image puisqu’il génère une contribution au bruit de fond induite par la détection de ces événements délocalisés mais d’énergie E nominale. Ce bruit est distribué spatialement de façon inhomogène puisque l’épaisseur de septum à traverser pour atteindre le trou voisin dépend de la forme du trou et n’est donc pas isotrope. Une optimisation du choix de Ps a été menée et est définie à partir du critère de Chicago. Elle est développée dans la partie II de ce chapitre.

b. Géométrie et performances du collimateur « TReCam clinique » :

Le collimateur du prototype de TReCam utilisé pour l’évaluation clinique de la procédure SNOLL résulte d’une stratégie favorisant à l’origine la polyvalence de l’imageur (usage per opératoire ou SPECT, versatilité des protocoles). Ces performances intermédiaires nous ont aussi conduit à rejeter des approches à base d’ensembles couplés collimateur-scintillateur pixelisés. Réalisé en plomb, son épaisseur est de 15 mm. Il est percé de 1068 trous hexagonaux de rayon 1,5 mm et séparés d’une épaisseur de septum = 0,23 mm. Les performances de ce collimateur pour une source située à d = 3 cm sont donc : géo = 5.10-4, Rc = 4,6 mm et critère de Chicago Ps = 9,8. A titre de comparaison im-

médiate, voici les performances du collimateur tungstène tel que défini (partie II) pour l’optimisation du SNOLL : géo = 9.10-4, Rs = 5,8 mm et Ps = 12,04.

1.2. Le scintillateur :

Le scintillateur est le deuxième élément de la tête de détection. Sa fonction est de favoriser l’inte- raction des ɣ issus du collimateur et de convertir leur énergie après cette interaction en une distribu- tion spatiale de photons visibles pour transmission au photo-détecteur. Ce processus peut surprendre dans son principe car il s’agit finalement de convertir un photon en un spot d’autres photons d’énergie moindre. Comme nous l’avons vu, une stratégie de détection directe des ɣ dans le détecteur pixelisé existe aussi mais cette solution « scintillation » présente des avantages et connaît aujourd’hui un nou- vel essor grâce au développement des SiPM.

46 1.2.1 Nature et principe :

Fondamentalement, le processus de scintilla- tion d’un matériau peut être divisé en trois étapes (Figure III-5) : l’absorption de l’énergie dé- posée après excitation du milieu (en l’occurrence ici après interaction du ɣ), la conversion de cette énergie en photons de longueur d’onde dans le (ou proche du) « visible » et enfin l’émission de ceux-ci.

Il existe un large spectre de composés susceptibles de répondre par scintillation à une stimulation. Ce spectre couvre tous les états de la matière (gaz, liquide, solide) ainsi que des formes organiques ou inorganiques (souvent en organisation cristalline). Les mécanismes de scintillation sont très variés et une littérature abondante en décrit les principes et propriétés. Nous limiterons ici notre propos aux scintillateurs inorganiques développés sous forme de monocristal pour l’imagerie ɣ en nous concen- trant sur les critères qui ont motivé le choix (matériau, géométrie, revêtement, coût).

1.2.2 Le scintillateur de TReCam :

Partons là encore du cahier des charges clinique qui met en avant la compacité de la caméra et son efficacité de détection. La priorité est de choisir un scintillateur qui favorise un maximum d’interac- tions des ɣ ayant franchi le collimateur pour un minimum d’épaisseur traversée. Ceci nous amène à parler brièvement des processus de la nature des processus d’interaction à l’œuvre. Un ɣ peut interagir avec un des atomes du milieu de détection selon trois processus :

 L’effet photoélectrique : le ɣ interagit avec un électron du cortège de l’atome et ionise celui-ci. L’énergie récupérée est celle de l’électron éjecté qu’il cède au milieu jusqu’à son arrêt.

 L’effet Compton : Le ɣ interagit avec un électron du cortège de l’atome mais ne transfère pas la totalité de son énergie à ce dernier. L’électron est mis en mouvement et éjecté de l’atome qui est ionisé tandis qu’un photon est diffusé. Les énergies emportées par chacune de ces deux particules dépendent de leur angle d’émission. L’énergie cédée au milieu est celle collectée lors du ralentis- sement de l’électron mis en mouvement et celle indirectement cédée par le ɣ secondaire diffusé si celui-ci interagit dans le milieu.

 La création de paires : cette fois le ɣ interagit au voisinage du noyau de l’atome et donne lieu (sous la condition E > 2mec2 = 1022 keV) à une création d’une paire électron-positron. L’énergie

récupérée par le milieu est celle cédée lors du freinage de l’électron et dépend du devenir du positron.

A 140 keV, le processus de création de paires ne peut avoir lieu. D’autre part, l’interaction pho- toélectrique est à privilégier car la quasi-totalité de E est absorbée au point d’interaction (à cette énergie et dans l’eau, le parcours de l’électron est de l’ordre de la centaine de microns) ce qui permet a priori de conserver à la fois l’information en position et en énergie. Pour ces deux raisons, une forte « interaction » linéique et l’effet photoélectrique sont privilégiés, le scintillateur organique qui pré- sente en général un Z élevé est un excellent candidat comme scintillateur de gamma caméras.

a. Caractéristiques d’un scintillateur inorganique

Le choix du scintillateur inorganique résulte aussi d’un compromis entre plusieurs aspects de la problématique de détection. D’une part, sa capacité à favoriser une forte atténuation. On choisira donc un Z et une densité les plus élevés possibles. D’autre part, le scintillateur doit offrir le meilleur ren- dement de production de photons pour l’énergie nominale E afin de favoriser la mesure la plus pré- cise possible. Une fois les photons de scintillation produits, il est essentiel d’en transmettre un maxi- mum au photo-détecteur (importance du revêtement autour du scintillateur, faible auto-absorption,

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bon couplage avec le photo-détecteur). Il reste alors à optimiser la conversion des photons en une charge mesurable. Ceci impose la meilleure adaptation possible du scintillateur aux spécifications du photo-détecteur. Cette adéquation impose un accord entre le spectre des photons émis et la courbe d’absorption de la photocathode et également une concordance entre la constante d’émission du scin- tillateur et la constante d’intégration de l’électronique de lecture du détecteur. On pourra ajouter à ces critères de performances un bruit de fond de radioactivité naturelle le plus faible possible autour de l’énergie E.Enfin, le conditionnement et le coût sont aussi des facteurs de décision importants. Un matériau hygroscopique impose en effet un encombrement externe important pour garantir l’étan- chéité à l’air.

b. Configuration et performances du scintillateur « TReCam » :

Lors du lancement du projet TReCam, nous avons bénéficié de la mise sur le marché du scintilla- teur LaBr3(Ce) conditionné sous différentes formes. Ce scintillateur breveté par Saint Gobain Crystals

réunit de solides atouts : rendement lumineux très élevé (63000 photons/ MeV), linéarité satisfaisante de ce rendement (plage d’énergie de 40 keV à 6 MeV), pic de longueur d’onde d’émission de 380 nm proche du maximum de sensibilité de notre photo-détecteur, temps de décroissance rapide (16 ns), Z et densité (5,08 g/cm3) élevés.

Quelques défauts tempèrent ce tableau de scintillateur idéal : il est très hygros- copique, son coût reste très élevé (de l’ordre de 5 k€ pour la lame de TRe- Cam) et il présente une radioactivité na- turelle non négligeable due à la pré- sence (0,09%) de l’isotope 138La au sein

de ce scintillateur. Le tableau III-1 compare les principales caractéristiques du LaBr3 (Ce) et d’autres scintillateurs

inorganiques dont NaI (Tl) qui a long- temps été le scintillateur standard des gamma caméras.

TReCam est équipé d’un scintillateur LaBr3 de 6 mmd’épaisseur qui garantit une atténuation de

82 % du flux de ɣ incidents (incidence normale) à 140 keV. Sa surface utile est de 52 x 52 mm2. Son

rendement de scintillation permet d’atteindre à cette énergie des résolutions d’environ 8 % avec un PSPMT optimisé. La radioactivité naturelle a été estimée à 1,52 cp.cm−3.s−1 sur la plage [0 - 1,5 MeV]

(70). Le choix du revêtement est un enjeu important qui impacte fortement la réponse du détecteur. L’enjeu est de produire un étalement de la lumière générée dans le scintillateur suffisamment impor- tant pour toucher le nombre de pixels nécessaires à un bon traitement de l’événement sans perdre de lumière. Il ressort de l’étude effectuée lors de la conception de TReCam que la configuration « diffu- sant en face supérieure et absorbant sur les côtés » donnait le meilleur compromis entre réponses spatiale et en énergie (67). Nous reviendrons en détail sur cette question d’étalement de la lumière dans la partie optimisation.