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Télomérase et neuroblastomes

Chapitre II : Les neuroblastomes

C. Télomérase et neuroblastomes

1. La télomérase dans le développement des neuroblastes et dans la tumorigenèse des neuroblastomes

Chez le fœtus, le nombre de neuroblastes de la glande surrénale tant à augmenter jusqu'à la 20eme semaine de développement embryonnaire. Ces neuroblastes fœtaux expriment une activité télomérase (AT) faible, uniquement au cours de la 16ème à la 18ème semaine du développement alors qu’au delà de cette période et après la naissance l’AT n’est plus détectée dans ce tissu (Hiyama et al., 1995). Au cours de cette courte fenêtre d’expression, le niveau d’AT dans les neuroblastes de fœtus est similaire à celui des neuroblastomes de pronostic favorable. En revanche, les neuroblastomes de mauvais

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mérase dans ces tumeurs survient au cours de la tumorigenèse. Comme une forte expression de la télomérase corrèle avec d’autres facteurs connus pour être associés aux tumeurs agressives, il semblerait que la réexpression de la télomérase dans ces tumeurs soit secondaire à des altérations comme l’amplification de N-Myc qui pourraient être à l’origine du comportement agressif de certaines tumeurs.

L’étude des neuroblastomes de type 4S représente un excellent modèle pour étudier le rôle de la télomérase dans la progression tumorale. Tous les cas de stade 4S agressifs télomérase-positifs ont également une amplification de N-Myc (Brinkschmidt et al., 1998; Hiyama et al., 1995; Poremba et al., 1999). Dans les rares cas de stades 4S agressifs qui n’ont pas d’amplification de N-Myc, la présence d’une forte expression d’hTR suggère que la télomérase (mesuré par l’expression d’hTR) semble être un facteur pronostique indépendant et que l’activation de la télomérase survient indépendamment de l’amplification de N-Myc.

Le mécanisme à l’origine de l’activation de la télomérase dans les cellules tumorales issu de tissus télomérase-négatif, reste encore inconnu. Deux hypothèses peuvent être évoquées. Premièrement, les neuroblastomes peuvent acquérir une AT à partir des neuroblastes fœtaux qui n’auraient pas réprimé la télomérase au cours du développement, deuxièmement, la réactivation de la télomérase pourrait être la conséquence d’autres

90 altérations génétiques. La corrélation entre le stade tumoral avec l’AT, suggère que la plupart des neuroblastomes de mauvais pronostique ne dérivent pas de cellules possédant déjà une AT mais plutôt de cellules ayant réactivé la télomérase au cours du développement tumorale et de la progression de la maladie. Le fait que la plupart de ces tumeurs agressives sont retrouvées chez des enfants de plus de 1 an est également compatible avec l’hypothèse que ce type de tumeurs auraient pu émerger suite à l’accumulation d’altérations génétiques au cours des divisons cellulaires successives.

Les neuroblastomes de bon pronostic quant à eux, semblent partager des liens avec les neuroblastes fœtaux. En effet, la plupart des tumeurs de pronostic favorable chez les enfants de moins de 1 an ont moins d’altérations génétiques. Le développement des neuroblastes requiert la présence de NGF et son récepteur NTRK1 (Raffioni et al., 1993). La majorité des tumeurs de pronostic favorable ont une expression de NTRK1 forte (Nakagawara et al., 1993) ce qui est compatible avec le fait que ces tumeurs pourraient être des vestiges des neuroblastes fœtaux.

Dans certain cas, notamment dans les stades 4S, l’absence d’activité télomérase peut être reliée à une régression de la tumeur. Dans ces neuroblastomes particuliers le niveau d’AT est insuffisant pour maintenir la longueur des télomères, la tumeur continue de proliférer, ses télomères raccourcissent et il en résulte une sénescence ou une mort cellulaire selon le contexte. Une défaillance dans le maintien des télomères pourrait donc être un mécanisme permettant à certains neuroblastomes de régresser spontanément.

Ainsi, il a été proposé que la forte AT observée dans les neuroblastomes agressifs soit la conséquence de la réactivation de la télomérase par la tumeur au cours de la progression tumorale alors que la faible AT dans les neuroblastomes de bon pronostic suggère que ces tumeurs seraient issues de neuroblastes fœtaux ayant perdu la capacité de réprimer leur activité télomérase durant le développement embryonnaire.

2. La télomérase comme marqueur biologique et facteur prédictif des neuroblastomes

Une des caractéristiques particulières des neuroblastomes est leur grande hétérogénéité clinique. C’est pourquoi, il est important de discriminer les différentes caractéristiques

91 biologiques de ces tumeurs grâce à des marqueurs cellulaire et moléculaire. Certains marqueurs comme le nombre de copies du gène N-Myc et la perte d’hétérozygotie du chromosome 1p ou 17q permettent d’identifier les neuroblastomes de mauvais pronostic. Basées sur ce principe, des études ont établi une corrélation entre la télomérase et la longueur des télomères avec le stade de la maladie et la survie. La télomérase (et les télomères) pourrait donc constituer un marqueur moléculaire pronostique efficace (Brinkschmidt et al., 1998; Hiyama et al., 1995).

2.1. La longueur des télomères dans les neuroblastomes

A l’inverse de la télomérase, l’utilisation de la longueur des télomères comme facteur pronostique dans les neuroblastomes a été relativement peu étudié.

Quelques études (Hiyama et al., 1992; Hiyama et al., 1995; Ohali et al., 2006) analysé la longueur des télomères à partir de l’ADN génomique extrait des tumeurs et l’ont comparé avec l’activité télomérase et le stade de la maladie. Ces études ont révélé que les tumeurs ayant une forte activité télomérase ont des télomères de tailles variables, alors que les neuroblastomes ayant peu ou pas d’activité télomérase détectable ont des télomères raccourcit ou de longueur inchangé en comparaison avec les télomères du tissu sains (Hiyama et al., 1992). De plus, dans certains cas, la présence de longs télomères malgré une faible AT est signe de mauvais pronostic. Il n’y a pas donc pas de corrélation entre la taille des télomères et la forte activité télomérase de certaines tumeurs (Hiyama et al., 1992). En revanche, la présence de télomères courts dans la plupart des tumeurs de stade 4S suggère que l’activité télomérase faible ou inexistante peut être associée aux raccourcissements des télomères (Hiyama et al., 1995) et donc représenter un des facteurs de la régression spontanée caractéristique de ce genre de tumeurs.

Pour Ohalie et al., la taille des télomères peut être utilisée comme un facteur pronostique. En effet, la présence de télomères longs ou inchangés est associée à un pronostic défavorable alors que les neuroblastomes ayant des télomères courts sont de meilleur pronostic. De plus, la longueur des télomères permet de discriminer les patients de « bon » ou « mauvais » pronostic dans le groupe de patients à haut risque (Ohali et al., 2006).

Même si de façon générale, la télomérase semble être à l’origine du maintien de la longueur des télomères dans les neuroblastomes, il a été rapporté que certaines de ces

92 tumeurs ont des télomères très long maintenus par le mécanisme ALT. Cette absence de corrélation entre l’AT et la longueur des télomères suggère que le maintien de la taille des télomères dans les neuroblastomes peut être le résultat de l’activation du mécanisme ALT ou d’une régulation par d’autres facteurs tels que les protéines associées aux télomères ou TBPs (Telomere binding protein) (Onitake et al., 2009). L’équipe d’Onitake et al., a récemment mis en évidence qu’une faible expression de l’ensemble des TBPs analysées (TRF1, TRF2, RAP1, TIN2, POT1, TNK1, TNK2) corrèle avec l’allongement des télomères et de leur extrémité 3′-OH (Onitake et al., 2009) et la forte activité télomérase. L’inhibition de chacune des TBPs par ARN interférence ou par l’expression d’une protéine dominante négative montre que les TBPs régulent négativement la longueur des télomères des cellules télomérase positives. Des modifications dans la biologie des télomères pourraient être intimement corrélées à l’hétérogénéité clinique et biologique des neuroblastomes.

Le maintien des télomères par l’activation de la télomérase constitue un des facteurs importants de l’agressivité des neuroblastomes. Des niveaux d’AT important et la stabilisation ou l’élongation des télomères sont des facteurs cruciaux de la progression tumorale et du potentiel invasif de ces tumeurs. De plus, le mécanisme ALT peut être activé dans certains neuroblastomes de mauvais pronostic et pourrait expliquer la résistance de ces tumeurs à la chimiothérapie. L’analyse de la longueur des télomères pourrait ainsi constituer un outil prédictif permettant de distinguer les différents comportements tumoraux, quelque soit l’âge du patient, le stade tumoral et le statut de N-Myc des neuroblastomes.

2.2. L’activité télomérase dans les neuroblastomes

L’AT dans des cohortes de patients atteints de neuroblastomes a pu être analysée par la technique du TRAP (Brinkschmidt et al., 1998; Hiyama et al., 1997; Hiyama et al., 1995; Poremba et al., 2000a; Poremba et al., 2000b; Poremba et al., 1999; Reynolds et al., 1997). Dans la majorité des études, la présence d’une forte AT dans les extraits de tumeurs primaire de neuroblastome est fortement corrélée avec un mauvais pronostic et une progression de la maladie. A l’inverse, une AT faible ou indétectable est associée à des tumeurs de bon pronostic et une survie favorable. D’autre part, l’analyse de l’AT est également très prédictive de la survie des neuroblastomes particuliers de stade 4S. En effet, une AT indétectable ou faible est fortement associée avec les neuroblastomes de stade 4S (Choi et al., 2000; Hiyama et al., 1995; Poremba et al., 1999). Les stades 4S sont des tumeurs de bon pronostic, capables de régresser spontanément. En revanche, dans les rares cas où une tumeur de stade 4S

93 présente une AT élevée, il a été observé une évolution défavorable de la maladie (Brinkschmidt et al., 1998; Hiyama et al., 1995). En effet, dans l’étude réalisée par l’équipe de Hiyama, une seule tumeur de stade 4S sur les 9 analysées présente une forte activité télomérase associé à une amplification de l’oncogène N-Myc et une chimiorésistance. De ce fait, il a donc été possible de distinguer 2 sous groupes de « bon » et « mauvais » pronostic dans le groupe des tumeurs de pronostic favorable (Poremba et al., 2000a) tel que les stades 4S (Brinkschmidt et al., 1998; Hiyama et al., 1995).

En outre, il existe parfois de grandes variations dans les niveaux de détection de l’AT par TRAP entre les différentes études. Par exemple, que ce soit dans les études menées par l’équipe de Poremba ou Choi, la télomérase n’est détectée que dans 20 à 41% des neuroblastomes analysés (Choi et al., 2000; Poremba et al., 2000b; Poremba et al., 1999) alors que l’équipe de Hiyama et al., ainsi que celle de Kim et al., détecte une AT dans 96,2% et 100% des tumeurs respectivement (Hiyama et al., 1995; Kim et al., 1994). Ces variations dans la détection de l’AT pourraient expliquer le fait qu’une minorité d’équipes comme Choi et al., ne rapporte pas de corrélation entre une forte AT et les tumeurs de haut risque. Cette variabilité inter-études peut être expliquée par la méthode de TRAP utilisée (TRAP conventionnel ou modifié), par de mauvaises manipulations ou conservations des biopsies tumorales ou par une hétérogénéité d’expression de la télomérase au sein de la tumeur.

Enfin, une analyse multivariée sur 133 neuroblastomes a rapporté que seule l’AT et le stade sont des facteurs pronostiques indépendants, à l’inverse de la LDH (Lactate déshydrogénase) sanguine, du statut de N-Myc et de l’âge du patient au moment du diagnostic (Poremba et al., 2000b).

L’analyse quantitative d’hTR réalisé sur des extraits de neuroblastomes primaires non traités, a montré qu’il existe une grande variabilité de l’expression de hTR entre les différents tumeurs primaires (Choi et al., 2000; Reynolds et al., 1997). Le niveau moyen d’expression d’hTR tend à augmenter avec le stade de la maladie et corrèle avec un mauvais pronostic vital (Reynolds et al., 1997). D’après Choi et al., une faible expression d’hTR permet de multiplier la survie globale à 5 ans par 2 en comparaison avec les tumeurs exprimant de fort niveau d’ARNm de hTR (Choi et al., 2000). L’analyse en parallèle de l’activité télomérase dans ces mêmes tumeurs à montrer que l’expression d’hTR combiné à l’AT est plus prédictif de la survie des patients notamment des stades 4S, que l’expression d’hTR ou l’AT seul (Choi et

94 al., 2000). En effet, la survie globale à 5 ans passe de 54% à 91% pour les patients tout stade confondu, à la fois TRAP négatif et hTR faible, en comparaison avec les neuroblastomes TRAP positif ou exprimant de fort niveau d’hTR. Ces résultats sont également valables lorsqu’on se focalise uniquement sur les neuroblastomes de type 4S (Choi et al., 2000). En effet, la survie globale augmente chez les patients atteints de stades 4S, TRAP négatif et hTR faible (100% vs 72%) (Choi et al., 2000). Même si l’utilisation combinée de l’expression d’hTR et de l’AT peut constituer un marqueur prédictif de la survie, la corrélation entre les niveaux d’hTR et d’activité télomérase est assez controversée (Avilion et al., 1996; Poremba et al., 2000b).

La régulation de l’AT par la sous unité catalytique hTERT permet d’expliquer en partie l’absence de corrélation entre l’expression d’hTR et l’AT de certaines études. Pour l’équipe de Poremba et al., (Poremba et al., 2000b) l’expression en ARNm d’hTERT est fortement corrélée à l’AT. En effet, sur les 23 neuroblastomes TRAP positif, 22 d’entre eux expriment l’ARNm d’hTERT à des niveaux équivalent en AT. Autrement dit, les tumeurs exprimant un niveau faible, intermédiaire ou fort d’hTERT présentent un niveau faible, intermédiaire ou fort en AT respectivement. En revanche, même si l’expression de TERT corrèle avec l’AT dans les neuroblastomes, aucune étude à ce jour n’a permis de démontrer que l’ARNm d’hTERT est un facteur pronostique des neuroblastomes

Ainsi, l’ensemble de ces études démontrent l’existence d’une corrélation entre l’activité télomérase, le stade tumoral et la survie (Choi et al., 2000; Hiyama et al., 1997; Poremba et al., 2000a; Poremba et al., 2000b; Poremba et al., 1999; Streutker et al., 2001) et suggère que l’activité télomérase constitue un facteur de mauvais pronostic dont la détection par TRAP pourrait être intégrer aux investigations cliniques réalisées lors du diagnostic des neuroblastomes.