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SYSTEMES URBAINS INDIEN ET CHINOIS

Dans le document Les Systèmes de Villes en Inde et en Chine (Page 94-100)

95 Les systèmes de villes sont caractérisés par des propriétés invariantes, dont la distribution hiérarchique et spatiale régulière des villes, qui interpellent depuis longtemps les observateurs (Robic, 2004). Nous avons rappelé en introduction la régularité de l’espacement des villes sur un territoire en fonction de leur taille et de la portée de leurs interactions et de leurs zones d’influences dont la population, plus que la superficie, est proportionnelle à leur taille (Reynaud, 1884; Christaller, 1933). Cette régularité de la distribution hiérarchique des villes sur un territoire a été formalisée par la loi rang-taille ou « loi de Zipf », selon laquelle le nombre des villes suit une progression géométrique inverse de leur taille (Zipf, 1949; Barbut, 2004; Pumain, 2006; Pumain, 2012).

D’après Gibrat, la distribution régulière et hiérarchique de la taille des villes est la conséquence d’un processus de croissance distribuée où toutes les villes ont en moyenne la probabilité de croître au même taux à chaque intervalle de temps. Ainsi, une « distribution log-normale de la taille des villes pourrait s’expliquer

par un processus de croissance de la population des villes, de type exponentiel, dans lequel les taux de croissance (variations relatives de la population des villes) sont des variables aléatoires indépendantes de la taille des villes et d’une période sur l’autre » p82, (Pumain, 1982). Ce caractère « aléatoire » découle des

connexions qui, dans un territoire où sont partagées des règles communes de fonctionnement politique, économique et social, intègrent des villes dans des relations de complémentarité et de concurrence. Sur le très long terme, ces interactions différencient les accumulations de richesse et de population dans les villes selon des distributions statistiques très dissymétriques (Pumain, 1982; Pumain et Moriconi-Ebrard, 1997; Pumain, 2006; Bretagnolle et al., 2007). Bien que la distribution de la croissance démographique puisse s’apparenter à une distribution aléatoire, la tendance à la croissance tant démographique qu’économique est toutefois plus importante dans les grandes villes (Bretagnolle et al., 2008). Ceci résulte de la diffusion des innovations selon une hiérarchie de taille de population et de diversité fonctionnelle des villes, ce mécanisme accentuant les écarts déjà existants entre les villes. Au-delà des processus de répartition de la croissance urbaine en leur sein, les systèmes de villes présentent une « géo-diversité ». Elle est due au fait que le processus de croissance distribuée

96 maintient la structure hiérarchique et spatiale de ces systèmes sur un temps beaucoup plus long que les villes et les individus qui les composent. Ils conservent ainsi leurs structures antérieures et portent les traces de leur histoire (Saint-Julien et Pumain, 1996a; Pumain, 1997; Rozenblat et Cicille, 2003).

Afin de mettre en évidence d’éventuelles structures et processus de croissance qui seraient spécifiques aux systèmes de villes indien et chinois, la forme de la hiérarchie urbaine de ces systèmes et la répartition de la croissance qui en construit la dynamique ont été comparées, à la fois à l’échelle des pays et des régions, en s’appuyant sur des modèles de référence.

Les systèmes de villes indien et chinois sont tous deux le fruit d’une histoire longue et ancienne (Bairoch, 1985) et leurs structures devraient a priori présenter de fortes similarités entre elles. Toutefois, les profondes mutations politiques, territoriales et économiques survenues dans les deux pays au XXe siècle (Durand- Dastès, 1995; Landy, 2001), ainsi que l’amorce de la transition urbaine qui en est issue, pourraient avoir impulsé de nouvelles dynamiques susceptibles de bouleverser et de profondément différencier les structures spatiale et hiérarchique de ces deux systèmes de villes.

Les caractéristiques communes aux systèmes indien et chinois (taille des pays, longue histoire urbaine interrompue par un épisode colonial, accélération brutale de l’urbanisation, décollage des économies,…) pourraient leur avoir conféré des structures et des dynamiques comparables, qui par ailleurs pourraient être analogues, au moins par certains aspects, à celles de systèmes déjà connus. Les structures et des dynamiques des systèmes indien et chinois pourraient également présenter des singularités fortes, dont il conviendrait alors d’identifier les origines. Il s’agirait en particulier de déterminer si l’histoire récente des deux pays et leur configuration politique et culturelle actuelle a infléchi les processus d’évolution dans le temps long de ces systèmes.

Par ailleurs, l’immensité des territoires indiens et chinois posent la question des limites de l’intégration des systèmes de villes et de la pérennisation de sous- systèmes, diverses échelles régionales pouvant éventuellement mieux rendre

97 compte du fonctionnement des systèmes de villes qu’une hiérarchie unique à l’échelle nationale.

Nous avons donc testé l’adéquation de la distribution hiérarchique des villes indiennes et chinoises à la loi de Zipf et nous avons comparé ces deux distributions hiérarchiques et spatiales entre elles et avec les systèmes déjà connus afin de mettre en évidence ce qu’elles ont en commun et ce qui les singularise. Cette analyse a été faite au niveau des systèmes dans leur ensemble (Chapitre 3) et au niveau de sous-régions (Chapitre 4). Lorsque des spécificités ont été observées, elles ont été discutées au regard des éléments susceptibles de les avoir générées au cours de l’histoire urbaine ancienne de ces deux pays. Pour l’Inde, la période étudiée porte sur tout le XXe siècle, siècle marqué par la décolonisation et l’Indépendance, qui ont donné naissance à l’actuelle Nation Indienne. En Chine, seule la période 1964-2000 a pu être renseignée ; elle encadre la rupture entre l’ère maoïste, qui s’est traduite par le maintien d’un faible taux de population urbaine, et la forte croissance urbaine et économique de la Chine initiée en 1978 par Deng Xiaoping, avec les « 4 modernisations » (agriculture, industrie, technologies et défense), puis l’ouverture du pays et la relative libéralisation du système de contrôle des migrations internes (Cheng et Selden, 1994; Chan et Zhang, 1999; Liu, 2005).

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CHAPITRE 3 : DES CONTINENTS DE MEGAPOLES ET DE

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