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LE SYSTEME DES HUKOU

Dans le document Les Systèmes de Villes en Inde et en Chine (Page 44-50)

EN INDE ET EN CHINE

ENCADRE 2 LE SYSTEME DES HUKOU

Hukou signifie « nombre de personnes/bouches à nourrir par foyer » (hu, 户, signifie

foyer et kou, 口, signifie bouche).

Le système des Hukou classe la population chinoise selon deux catégories :

(1) les Hukou de « localisation résidentielle » ou Hukou Suozaidi ( 户 口 所 在 地 ,

Suozaidi désignant un « endroit », une « localité »), relatifs à la localité où le détenteur du Hukou est né ou celle où il réside et s’est fait enregistrer. Le Hukou Suozaidi définit les

droits d’une personne pour de nombreuses activités dans une localité spécifique.

(2) Le Hukou de « statut » ou littéralement de « classification » Hukou Leibie (户口类 ), qui peut être de type agricole (Nongye, 农业) et non agricole (FeiNongye, 非农业) ou Hukou urbain (HukouChengZhen, 户口城镇), octroyés selon le statut urbain ou non

urbain du lieu de naissance (Yeh et al., 2011). Jusqu’en 1992, il définissait entre autres le

droit d’une personne à bénéficier de rations de nourriture (commodity grain). Jusqu’à la nouvelle politique mise en place en 1998, les Hukou Suozaidi et Hukou Leibie étaient transmis par la mère - appelé aussi par Sulamith Heins Potter: « birth subscribe

system » (Potter, 1983).

Un système appelé Nongzhuanfei (农转非), consistant à convertir un Hukou agricole en

Hukou urbain, coexiste avec le système précédemment décrit. Pour être éligible à une

telle conversion, une personne doit « satisfy the condition set out in the policy control

criteria »14. Deux voies sont alors possibles pour obtenir la conversion : (i) la voie « régulière », par exemple le recrutement par une entreprise d’Etat (Zhaogong), un établissement d’éducation (Zhaosheng) ou encore des raisons familiales et (ii) la voie « spéciale » destinée à un groupe de personnes spécifiques, le plus souvent des salariés d’entreprises d’Etat, afin de permettre à l’Etat de s’adapter temporairement à des

14« satisfaire aux conditions de contrôle politique », p 823Chan, K. W. et Zhang, L. (1999). "The hukou system and rural-urban migration in China: Processes and changes." The China Quarterly 160: pp 818-855.

44 bouleversements inattendus. Il est également possible à des paysans d’acheter un Hukou urbain en échange de leurs terres (Chan et Buckingham, 2008).

De nombreux observateurs ont relié le système des Hukou au système du Baojia (Baojiazhidu, 保甲制度), antérieur à l’avènement de la République Populaire de Chine et qui consistait à répartir la population en unités (bao, 保) et sous-unités (jia, 甲).

Contrairement à de nombreux pays, le système d’enregistrement chinois n’a pas seulement pour objectif de recenser la population, mais bien de réguler les mouvements migratoires internes. Ce système a été institué en 1951 dans les villes et étendu aux campagnes en 1955, alors qu’au début des années 1950, les mouvements de population étaient relativement libres, la Constitution de 1954 garantissant même aux citoyens le droit de migrer et de choisir librement leur lieu de résidence (droit retiré de la Constitution lors de sa révision en 1975). Le système de contrôle a commencé à se renforcer en 1958 à la suite d’une nouvelle législation instaurant un système de permis de migration et de certificat de recrutement. Durant le Grand Bond en Avant15 (Dayuejin, 大 跃进), cette mesure a encouragé les migrations vers les villes industrielles, en particulier entre 1958 et 1959, mais le véritable chaos économique et la famine qui ont suivi ont contraint le Gouvernement à réajuster la structure économique entre 1960 et 1965, notamment en freinant le rythme d’urbanisation avec un solde migratoire nul (Blayo, 1997). C’est alors qu’au début des années 1960, le système des Hukou proprement dit a été institué afin de maîtriser les migrations internes et le niveau de la population urbaine (Chan et Zhang, 1999).

A la suite des réformes des années 1980, le système de Hukou a montré ses limites devant le surplus de main d’œuvre rurale et sa migration vers les villes. Afin de maîtriser la

15Institué par Mao Zedong et le Parti communiste chinois au printemps 1958, le Grand Bond en Avant est une politique économique qui visait à augmenter la production industrielle chinoise. Il était mis l’accent sur l’industrie lourde, en particulier la production d’acier, au détriment de la production agricole. Des milliers de paysans furent alors déplacés dans les villes pour travailler dans les usines. Le Grand Bond en Avant a débouché sur une surproduction de fer et d’acier, et sur un déclin considérable de la production alimentaire, en particulier entre 1959 et 1961. En 1962, le Gouvernement chinois procéda à une réorganisation drastique de la production en décentralisant les lieux de production et en réduisant les effectifs des unités productions. Peng, X. (1987). "Demographic consequences of the Great Leap Forward in China's provinces." Population and Development Review: pp 639-670.

45 croissance urbaine, le ministère de la sécurité publique a alors mis en place une première vague de réformes du système d’enregistrement des ménages assouplissant le système des

Hukou. Ainsi, diverses responsabilités fiscales et administratives ont été déléguées au

gouvernement de plus bas niveau (Xianjishi) et parmi elles, le droit de fixer leurs quotas de migration, avec ou sans Hukou.

A partir de 1984, les ruraux ont été autorisés à migrer, mais en étant tenus de conserver leur enregistrement à la campagne et d’aller en priorité vers les villages voisins (Blayo, 1998). A cette date, une nouvelle catégorie de Hukou a été instituée : « Hukou with self

supplied food grain » (Chan et Zhang, 1999; Chan, 2009).

En 1985, la carte d’identité de résident ou carte d’identité de citoyen, destinée aux particuliers, et non plus aux seuls ménages, a été instituée. Bien qu’indiquant le lieu de

Hukou, elle ne contient aucune « mention discriminatoire » relative à l’origine de son

détenteur (Chan et Zhang, 1999; Chan, 2009).

La même année a été instauré le « Certificat de résidence temporaire » qui permettait à des détenteurs d’un « Hukou rural » de s’installer en ville pour une période d’un an renouvelable à condition de « subvenir eux-mêmes à leur alimentation ». Cette réforme a permis dans une certaine mesure la migration spontanée des ruraux dans les villes et surtout dans les bourgs (Chan et Zhang, 1999). Avant son instauration, les conditions de mobilité des paysans ayant un emploi temporaire en ville étaient négociées entre les entreprises urbaines accueillant les travailleurs et les communes rurales les fournissant. Cependant, ces « Hukou temporaires » payants ne présentaient pas les mêmes avantages que les « Hukou urbains » et avaient surtout comme but de freiner la migration des paysans dans les grandes villes.

Depuis 1990, les assouplissements à la réglementation des Hukou ont été réels, notamment dans les villes moyennes. Des personnes ont été ainsi autorisées à migrer vers une localité différente de celle où elles étaient enregistrées, en particulier vers les localités orientées vers l’industrie destinée à l’exportation, y compris vers les grandes villes. Cependant les migrants n’acquièrent pas le Hukou local et les droits et bénéfices qui l’accompagnent. De plus, des « blue-sealed Hukou» ou « Hukou quasi-urbain » (Zhun

Chengzhen Hukou) ont été mis en place, permettant aux paysans qui réunissent les savoirs

faire et les capitaux exigés d’accéder à des avantages auxquels seuls les citadins peuvent normalement prétendre, en termes de qualification et de logements (Aubert et Xiande, 2002).

46 Enfin, depuis les années 1990, les gouvernements municipaux peuvent décider des conditions d’attribution de leurs Hukou, ce qui a conduit à des simplifications des procédures dans les villes de Shenzhen, Guangzhou et Beijing.

Malgré la libéralisation du système des Hukou et la multiplication des statuts particuliers, la migration illégale de millions de paysans pauvres vers les grandes villes n’a pas pu être évitée. Les « Mingong » (民 工, ouvriers-paysans) sont une main-d’œuvre flexible, contrainte d’accepter des conditions de travail pénibles et précaires. Ainsi, une « population flottante » d’environ 120 à 150 millions de personnes, soit presque 10% de la population, vit en ville sans y être comptabilisée (Armand et al., 2007), ce qui pourrait avoir masqué une partie de la croissance des plus grandes villes.

1.2 – A : EN CHINE, LA VILLE APPARAIT A TOUS LES ECHELONS ADMINISTRATIFS

Le système administratif chinois contemporain se compose de quatre principaux échelons administratifs (Dengji, 等级) : le niveau des Provinces (Sheng, 省), le niveau des Préfectures (Diqu, 地区), le niveau des Districts (Xian, 县) et le niveau des Xiang ( 乡 ), traduit en français par Canton (Blayo, 1997) ou Commune (Gentelle et Pelletier, 1994), échelon administratif rural (Figure 3). Dans ce système, la ville correspond à des entités politiques de différents niveaux administratifs, allant du niveau local au niveau provincial, lequel peut être équivalent en surface à celui d’Etats européens (Chan, 2007). Nous allons détailler les différents échelons avec lesquels la ville peut être définie, en commençant tout d’abord par l’échelon le moins élevé, afin de préciser la logique de coupure d’avec le monde rural, puis en suivant l’ordre de la hiérarchie administrative urbaine.

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FIGURE 3 : EN CHINE, LA VILLE APPARAIT A TOUS LES NIVEAUX ADMINISTRATIFS

Source : Ma Laurence (2005), Blayo (1997)

Les Zhen

Le plus petit niveau de l’administration territoriale chinoise, la « terre d’ancrage » de la population chinoise, est le niveau des Xiang (Xiang signifie également campagne, pays natal et Xiangtu, 乡土, signifie local, terre natale, ville natale ou de résidence).

48 En dépit de son caractère rural, l’urbain est présent à cette échelle sous la forme de Zhen (镇) ou Jianzhi16Zhen (建制镇), traduit en français par bourg, bourgade

ou petite ville (généralement traduit par Town en anglais). Ce sont des villes de tailles relativement petites, dont la population oscille entre 2 000 et 100 000 habitants. D’un point de vue fonctionnel, ce sont des centres administratifs, industriels et commerciaux qui entretiennent des liens étroits avec le monde rural, dont ils constituent le socle industriel. A cet égard, ils sont qualifiés par Pierre Gentelle (1994) de « zone intermédiaire entre le strictement rural et le strictement urbain » p87 (Gentelle et Pelletier, 1994).

Depuis 1979, les Zhen, réceptacles de la migration paysanne (Gentelle et Pelletier, 1994; Chan et Zhang, 1999; Zhu, 2002), ont fortement progressé tant en nombre qu’en taille sous l’influence d’une succession de réformes économiques et de la libéralisation concomitante du système des Hukou (Walker, 1984)- cité dans (Ma Laurence et MaCui, 1987), (Encadré 2). Ces réformes concernent l’implantation du « système de responsabilité agricole / agricultural responsibility system, qui a permis l’émergence d’une économie rurale plus diversifiée et « commercialisable » et du développement parallèle des « Towns and village

entreprises », majoritairement implantées au sein des provinces côtières et plus

tournées vers l’exportation. Ce sont des entreprises collectives rurales ou urbaines, non agricoles, dédiées à la fabrication de produits de consommation, gérées par les travailleurs et/ou dans une plus large mesure par les autorités locales, elles tirent seules profit de leurs revenus et fonctionnent indépendamment des crédits de l’Etat (Costa, 2002).

Depuis les réformes économiques, les Zhen ont remplacé les communes

populaires (Renmingongshe, 人民公社), démantelées en 1984, et 2900 Zhen ont

ainsi été ajoutés aux 2 800 qui existaient déjà. De nombreux paysans y ont monté leurs entreprises et s’y sont installés (Encadré 3).

16 Désigné [officiellement]

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