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Comme nous l ’avons noté, les flux de données transfrontières ne sont économiquement viables que s'ils s'accompagnent d'un système de perception des redevances établi dans le cadre de la coopération inter­ nationale. Cette considération s'applique plus à certains types de mou­ vements internationaux de données qu'à d'autres. Si on ne trouvait pas un autre système que celui existant déjà entre les entreprises de trans­ mission, on continuerait à observer un nombre considérable de transac­ tions entre établissements à l'intérieur des grandes sociétés multinatio­ nales car, du point de vue de ces dernières, l'utilisation des données constitue une transaction purement interne. En revanche, l'absence d'un système de redevances applicable aux données elle s-même s est susceptible d'entraver fortement le développement des moyens d'édition électroniques. Aussi, dans les paragraphes qui suivent, envisageons- nous le cas, particulier mais important, de la création d'un système de rémunération des services fournis par les bases de données du secteur public.

Les coûts de la prestation de services d'information en ligne peu­ vent être divisés en trois catégories, suivant qu'ils se rapportent :

- à la création de l'information et à sa conversion en une forme assimilable par machine ;

- à son maintien dans une mémoire à accès sélectif dotée d'une interface de liaison appropriée avec le réseau ;

- à la prestation d'un service de recherche et de transmission de l'information souhaitée au client.

La création et le stockage de l'information représentent la quasi- totalité des coûts d'exploitation du service, le coût marginal afférent à la vente d'un accès supplémentaire à ce service étant négligeable. Dans ces conditions, le non-paiement par des clients ne représente pas une perte que le vendeur doit rembourser, et les imperfections du système de paiement sont plus tolérables que dans le cas de la vente de produits. Frankston (1) a relevé la nécessité d'un système financier au ser­ vice des participants. Le droit de l'utilisateur de refuser de rétribuer des services qui laissent à désirer et celui des vendeurs de refuser un nouvel accès à leurs services doivent être garantis. Des différends ne manqueront pas de se produire, aussi faut-il disposer d'un mécanisme permettant de les régler.

L es services assurés par la voie des télécommunications se carac­ térisent notamment par le fait que le vendeur et le client n'ont pas be­ soin d'être en contact direct. Ils n'ont pas besoin de se rencontrer pour marchander et essayer de tirer chacun le maximum. Si le client est

1) Frankston J. "The Computer Utility as a Marketplace for Computer Services" (La compagnie d'informatique en tant que marché de ser­ vices informatiques), Project MAC, Report M AC-TR -128, MIT, mai

une institution importante, comme une entreprise, il n’y a pas de pro­ blème. IL existe des mécanismes bien établis de crédit et de perception; le client ne disparaîtra pas ; il a en gage de gros investissements. Le problème est tout différent lorsqu'il s'agit de petites ventes unitaires à des clients se trouvant à leur domicile ou en transit : ou le vendeur doit créer un grand organisme de vente et de perception, ou il doit d'une manière ou d'une autre automatiser la perception des redevances.

Il y a plusieurs moyens de parvenir à cette automatisation. L'un consiste à installer des machines à sous, comme les machines à repro­ duire dans une bibliothèque. Cela implique cependant des équipements spéciaux largement disséminés et, partant, une grosse exploitation. En outre, la possibilité d'une généralisation des faibles coûts engendrée par l'utilisation des postes de télévision et de téléphone comme term i­ naux s'en trouve éliminée. Une solution consisterait alors à confier le soin d'encaisser les factures, soit à la compagnie téléphonique, soit à l'entreprise chargée de la pose des câbles. La première a déjà mis en place, cependant que la deuxième compte établir, un système très éten­ du d'équipements atteignant tous les utilisateurs en puissance des se r­ vices d'information, qui est lié à la prestation des services et qui com­ porte un organisme de facturation et de perception. L'organisme qui fournit les canaux de transmission pourrait, moyennant une redevance, ajouter à sa facture le prix demandé pour le service assuré par l'inter­ médiaire de ses canaux.

C'est pourquoi le réseau téléphonique constitue un modèle qui, de prime abord, présente de l'intérêt pour le système de transactions fi­ nancières ; dans ce réseau, l'utilisateur ne traite qu'avec un vendeur, sa compagnie locale de téléphone, bien que le service puisse être assuré par de nombreux vendeurs (compagnies de téléphone indépendantes, ad­ ministrations étrangères des P & T). Tous les vendeurs d'information travaillant avec ce réseau imputeraient au réseau le prix des services fournis, et le réseau répercuterait sur chaque utilisateur le prix des services reçus. Tout comme avec le système téléphonique mondial, les administrations des P & T se chargeraient de toutes les opérations de perception à l'intérieur de leur propre pays et, seulement à ce m o- ment-là, procéderaient au règlement des balances globales entre pays. Le projet britannique MPrestel Viewdata1’ (ancienne appellation) illustre le cas où les P & T jouent le rôle de percepteur. Les fournis­ seurs de données déposent leurs pages dans l'ordinateur du General Post Office (GPO) moyennant une taxe fixe (environ une livre par an). Le GPO ne procède à aucune sélection ni contrôle de qualité. Les abon­ nés appellent à partir d'un cadran, sur leur écran de télévision, la page qu'ils souhaitent voir. A ce titre, ils payent une taxe de raccordement et même peut-être une redevance au fournisseur des matériaux ainsi consultés, suivant la nature de ces matériaux. C'est ainsi que les an­ nonces sont en règle générale fournies gratuitement, les annonceurs prenant à leur charge le droit de dépôt. D'autres éditeurs font payer l'information affichée (l'abonné en étant informé au moment où il com­ pose son appel). Toutes les taxes sont portées sur la facture mensuelle des abonnés.

Ce système n'est cependant pas sans poser des problèmes. Con­ trairement au service téléphonique qui fait intervenir un nombre limité de fournisseurs et des produits normalisés qui ne sont guère soumis à des variations de qualité, le marché de l'information se caractérisera par l'existence de nombreux fournisseurs vendant des produits différents, de qualité variable, à des prix divers. Personne ne reçoit de note télé­ phonique très élevée, alors qu'une facture informatique peut l'être. De

même, alors que dans le cas du téléphone le règlement à l'étranger s'e f­ fectue avec une autre compagnie téléphonique, dans celui des services d'information, le règlement s'effectue avec de nombreux vendeurs. Cer­ tains clients pourraient accumuler des notes atteignant des chiffres a s­ tronomiques et parfois par inadvertance. Bien que le modèle du télé­ phone soit applicable à la vente des services de transmission des don­ nées entre différents réseaux, l'introduction des coûts afférents à l'in ­ formatique et à l'édition de l'information dans le système de facturation des communications ne semble guère devoir séduire les compagnies téléphoniques.

Un autre modèle dont on pourrait s'inspirer est celui du système de transport par avion et chemin de fer ; dans ce cas, le paiement du produit est dissocié du paiement du transport mais l'entreprise de transmission qui dessert le point d'origine fait payer le client pour le compte de toutes les entreprises de transmission ayant contribué à faire parvenir le produit à destination. Ce modèle suppose un vendeur d'information qui, au moment où il recevrait une demande de services portant la référence de crédit du demandeur, vérifierait la solvabilité de ce dernier auprès de l'institution mentionnée dans le cadre de ce ré­ seau avant la prestation des services.

10.1 Projection moins optimiste

On pourrait également concevoir un modèle dans lequel les servi­ ces d'information en ligne à l'intention de petits utilisateurs ne se géné­ raliseraient qu'avec l'avènement des systèmes de transfert électronique de fonds destinés à la même population. Le transfert électronique de fonds exige un système très largement disséminé recueillant l'adhésion quasi universelle et comportant des dispositifs appropriés de contrôle du comportement de ses utilisateurs. Une fois que ce système aura atteint le domicile des particuliers (ce qui n'est pas pour demain), il y aura alors un mécanisme d'encaissement des factures atteignant prati­ quement tous les clients par des moyens électroniques. Il est pour le moins possible que ces services publics d'information de masse, par opposition à des services professionnels et commerciaux, aient de la peine à s'implanter largement d'ici là.

Ce système pose également la question de savoir comment authen­ tifier l'identité du demandeur de crédit. Si le coût des communications était suffisamment bas, on pourrait procéder au codage numérique de la voix des demandeurs qui serait transmise à l'organisme chargé de vérifier la solvabilité afin qu'elle soit comparée à un enregistrement vocal de référence. On peut imaginer d'autres scénarios possibles, dans lesquels des mots de passe seraient échangés entre l'utilisateur et les organismes de crédit. Il est fort probable que seule l'expérience permettra de déterminer si, du point de vue économique, les services d'information exigent un tel degré de sécurité.

Ces problèmes liés à la création d'un système viable permettant d'imputer à de petits acheteurs de services le prix de nombreuses ventes fortuites effectuées par de nombreux petits fournisseurs, lorsqu'il n'y a pas de contrat entre eux, paraissent difficiles à résoudre sur le plan intérieur. Ils le sont encore davantage sur le plan international. On peut imaginer que de nombreux vendeurs s'abstiendront de répondre aux demandes de recherche d'informations ou à d'autres demandes de ren­ seignements de ce type émanant de pays lointains dans lesquels ils n'ont pas de système financier bien établi. La thèse selon laquelle des orga­ nisations comme les P & T devraient jouer le rôle d'intermédiaire dans ce processus pourrait trouver là un argument de poids.

Il se peut que toutes ces considérations amènent au contraire de nombreux vendeurs de service internationaux d'information à se tourner vers l'un des deux autres systèmes suivants : ventes en gros par un intermédiaire local, ou souscription à l'avance d'abonnements - éven­ tuellement pour des services dont la valeur ne serait pas mesurée ou le serait de façon libérale. La technologie des communications n'a pas besoin d'intermédiaires locaux. Les possibilités d'accès direct à fai­ ble coût se développent de plus en plus dans le monde, mais des consi­ dérations d'ordre fiscal pourront obliger les vendeurs à acheminer leurs informations par l'intermédiaire d'un agent patenté localement. L'autre solution qui consiste à souscrire des abonnements à l'avance pour des services relativement illimités correspond aussi à l'économie de ce secteur car les coûts variables des demandes supplémentaires adres­ sées à la base de données sont peu élevés. Peut-être qu'en l'an 2000 le vendeur de revues qui fait du porte-à-porte proposera des services de bases de données.

Bien qu'au stade actuel il ne soit pas possible de savoir comment l'utilisation internationale des services de transmission des données évoluera, nous pouvons avoir l'assurance qu'elle évoluera. Il convien­ drait d'étudier ces divers modes possibles d'organisation des paiements, voire d'élaborer des dispositions juridiques et financières. Des orga­ nisations internationales comme l'OCDE pourront contribuer très utile­ ment à promouvoir la création de systèmes organisés de paiement inter­ national des services fournis par les bases de données du secteur public.