1.3 L’optique adaptative
1.3.3 Syst`emes mesurant la courbure du front d’onde
Le senseur de rayon de courbure de la surface d’onde (plus simplement senseur de
courbure, SC), imagin´e par F. Roddier (Roddier et al. (1988)), diff`ere sensiblement
du syst`eme pr´ec´edent. On pourra lire par exemple Lai (1996) et Roddier (1999) pour
plus de renseignements `a ce sujet.
Analyse du front d’onde
Le SC est bas´e sur la mesure de la courbure du front d’onde (d´eriv´ee seconde de
la phase) et non plus de sa pente (d´eriv´ee premi`ere), comme dans le cas du SH.
“Le signal de courbure” c.`a.d la diff´erence (normalis´ee) de deux images, l’une avant
le foyer du t´elescope et l’autre apr`es (images intra-focale et extra-focale), permet
d’estimer la courbure de la phase et les conditions au bord (tilt) :
I1(~r) − I2(−~r)
I1(~r) + I2(−~r) =
λ
2π
f (f − l)
l
"
∇2φ(ρ) − ∂ρ∂ φ(ρ)δc
#
ρ=f~lr
(1.28)
o`u I1 et I2 sont les images intra- et extra-focales, l la distance extra-focale, f la
focale du syst`eme, ~r est le vecteur des coordonn´ees (x,y,z) o`u z est la direction de
propagation, δc l’impulsion autour de la pupille, ~ρ = ~r · fl. On peut se repr´esenter
de fa¸con imag´ee le fonctionnement du SC (voir figure 1.10). Le front d’onde plan
se focalise au foyer du t´elescope. Par contre, l’aberration sur le front d’onde (la
“bosse”) se focalise avant le foyer et y produit un exc`es d’illumination. Un manque
d’illumination sera produit sym´etriquement par rapport au foyer du t´elescope. La
diff´erence d’illumination entre les plans intra et extra-focaux fera apparaˆıtre la bosse.
Plus la distance (intra et extra-focale) est grande, plus le senseur est sensible aux
basses fr´equences spatiales. Pour mesurer les perturbations atmosph´eriques , on fait
varier la distance intra-extrafocale avec une membrane vibrante, dont la fr´equence
des vibrations est de l’ordre de 2.5 kiloHertz. On obtient ainsi un senseur capable
de mesurer les ´echelles spatiales ad´equates. Cette approche permet d’´echantillonner
suffisamment la scintillation, qui ne se distingue en rien d’un signal de courbure. En
effet, comme le SC mesure des variations d’intensit´e, la scintillation produit un signal
de courbure parasite. Si la modulation est plus rapide que le temps d’´evolution de
la scintillation, la contribution de celle-ci s’annule lors de la soustraction des images
intra et extra focales.
Miroir D´eformable
Un senseur de courbure est g´en´eralement associ´e `a un miroir bimorphe. Une diff´erence
de potentiel appliqu´ee `a un actuateur de ce miroir permet d’obtenir directement une
courbure constante (Laplacien constant). On peut alors ´ecrire une ´equation qui relie
les mesures intra-extra focales et les tensions `a appliquer au miroir :
I1(~r) − I2(−~r)
I1(~r) + I2(−~r) =
f (f − l)
l
Vzdxy
t2 (1.29)
o`u Vz est la tension, et dxy et t des propri´et´es du miroir.
Il est possible de cr´eer exactement la d´eform´ee qui correspond `a la mesure du senseur.
La matrice d’interaction est quasiment diagonale. L’id´ee originelle de F. Roddier
´etait d’ailleurs de se passer compl`etement de calculateur et de relier les actuateurs du
miroir directement sur une sortie analogique du senseur. Cette id´ee a ´et´e abandonn´ee,
car il faut par exemple pouvoir filtrer le mode piston. On construit donc, comme
dans le cas du SH, une matrice d’interaction pour calculer les commandes `a envoyer
au miroir d´eformable.
1.3. L’OPTIQUE ADAPTATIVE 21
Comparaison SH - SC
Dans chaque sous-pupille du SC, on ne fait qu’une mesure d’intensit´e et non plus
une mesure de centre de gravit´e, comme dans le SH. On n’a plus besoin que d’un
pixel par sous-ouverture (au lieu d’un minimum de 4 dans le cas d’un SH). On peut
utiliser des APDs9 qui ont pour avantage de permettre d’atteindre des magnitudes
limites plus faibles. L’utilisation des APDs permet ´egalement d’obtenir une bande
passante sup´erieure `a celle obtenue avec un CCD, car on peut les lire tr`es vite sans
introduire de bruit.
Le SC est plus adapt´e `a une mesure d’aberrations de phase de type Kolmogorov
qu’un SH. En effet, l’´equation 1.1 montre que le spectre de puissance est
propor-tionnel `a f−11/3 et il est possible de montrer (voir par exemple Rousset (1994)) que
le spectre des mesures de la courbure est proportionnel `a f1/3 pour un SC et f−5/3
pour un SH. Donc pour un SC, le spectre est quasiment plat et les mesures de toutes
les sous-pupilles sont quasiment ind´ependantes, alors que dans un SH celles-ci sont
corr´el´ees. Le SC est donc plus efficace. Le SC a pour autre avantage sa g´eom´etrie
circulaire, ce qui ´evite les effets de bord du SH.
Le premier syst`eme SC avait seulement 13 actuateurs (Roddier et al. (1991)). Ce
faible nombre de degr´es de libert´e est dˆu `a deux raisons.
– La propagation du bruit augmente plus vite dans un SC que dans un SH, quand le
nombre de degr´es de libert´e croˆıt (Roddier et al. (1988)). En boucle ouverte,
l’er-reur de correction moyenne du front d’onde (dans le cas id´eal d’une compensation
parfaite, sur un point-source non r´esolu) d’un SC est :
< φ2c >open= G(λ/r0)
2
n (1.30)
o`u G est le coefficient de propagation du bruit, n le nombre de photons par unit´e
de surface pendant le temps d’int´egration, λ la longueur d’onde d’observation.
Roddier (1995) montre que la seule diff´erence entre les bruits des deux types
d’analyseurs est dans ce coefficient G. Pour le SH, G ∝ A + B ln N (N est le
nombre de sous-pupilles, A et B d´ependent de la g´eom´etrie du miroir), et pour le
SC en boucle ouverte G ∝ N.
– Une limitation technologique empˆeche pour l’instant de faire des miroirs bimorphes
avec un grand nombre d’actuateurs. La fr´equence de r´esonance du miroir baisse
quand on augmente la taille du miroir, ce qui empˆeche de l’utiliser avec la bande
passante suffisante. Le syst`eme le plus avanc´e actuellement en poss`ede 35
(Hoku-pa’a, Graves et al. (1998)), des syst`emes avec 60 actuateurs sont en d´eveloppement.
C’est un facteur 10 plus faible que les syst`emes SH de pointe.
Cependant, il semblerait que le SC b´en´eficie plus du fait que le syst`eme OA travaille
en boucle ferm´ee que le SH : la fermeture de la boucle OA permet de diminuer la
distance intra et extra-focale sans d´egrader la qualit´e de la correction, ce qui
pense exactement l’effet de la propagation de l’erreur (Roddier (1995)). En boucle
ferm´ee l’´equation 1.30 devient :
< φ2c >closed= G
N
(λ/r0)2
n (1.31)
pour le SC, le SH ne profitant pas dans ce domaine de la fermeture de la boucle.
Cette analyse a ´et´e faite dans la limite des forts flux, mais semblerait montrer un
avantage du SC par rapport au SH, mˆeme pour un nombre ´elev´e d’actuateurs.
Le d´ebat n’est cependant pas clos. Les simulations num´eriques faites pour Gemini10
(Rigaut et al. (1997)), montrent qu’un SH 10x10 et un SC de 56 sous-ouvertures
(tous deux r´ealisables avec des prix ´equivalents), donnent les mˆemes performances
(rapport de Strehl de 0.5 `a 1.6 µm, avec une ´etoile de magnitude R de 14.7). Pour
des objets plus faibles ou plus brillants, peu de diff´erences sont constat´ees, mˆeme si
le SC semble avoir un l´eger avantage pour les objets faibles.
Du fait du faible nombre d’actuateurs, les syst`emes qui sont pr´evus pour fonctionner
avec les ´etoiles laser ne sont pas, en g´en´eral, des syst`emes de courbure. Avec une
´etoile laser, le syst`eme n’est normalement pas proche de sa magnitude limite, en ce
qui concerne la correction des modes plus ´elev´es que le tilt (si le laser est assez
puis-sant). On veut donc ˆetre limit´e par le nombre d’´el´ements de mesure et de correction
du front d’onde, directement li´ees au nombre de degr´es de libert´e (voir `a ce propos
le chapitre 3). Comme les syst`emes de courbures en ont moins, ils ne sont pas aussi
bien adapt´es `a l’´etoile laser.
Dans le document
Etoiles laser pour les grands telescopes: effet de cone et implications astrophysiques
(Page 32-35)