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Première'partie!:"Introduction!

2. Le tchèque et le français

2.3 Systèmes supra-segmentaux

La prosodie englobe les procédés d’accentuation lexicale, d’intonation et de rythme qui sont fortement liés et ne peuvent pas être clairement séparés l’un de l’autre sur le plan perceptif, comme ne

6 L’assimilation progressive en français se produit plus rarement et on la trouve par exemple dans le mot ‘chevaux’ [ʃv̥o]

7 L’assimilation progressive se produit lors que la vibrante /ř/ est précédée d’une consonne sourde, comme dans le mot křik [kř̥ɪk] ‘le cri’ (Dvorak, V. (2010). Voicing assimilation in Czech. In: Rutgers Working Papers in Linguistics, P. Staroverov, Ed, Vol. 3, Rutgers University, NJ : LGSA, pp.

115-peuvent l’être les aspects segmentaux et les aspects prosodiques de la parole. Les mêmes corrélats acoustiques sont utilisés et correspondent aux variations de la fréquence fondamentale, de la durée, de l’intensité physique, de la qualité de la voix et aux variations allophoniques (Vaissière, 2006).

Fonagy (1980) définit l’accent du point de vue perceptif comme une mise en relief d’une syllabe par rapport aux autres syllabes de l’unité accentuelle. L’accent primaire en français, issu de l’accent lexical en latin, est fixe et il se trouve en finale de mot. Dans la parole continue, toutes les dernières syllabes de mots ne sont pas accentuées, seule la syllabe finale d’un groupe de sens (ou encore groupe rythmique) l’est clairement. Ainsi comme l’a rappelé Delattre (1939, p. 141), « l’accent appartient non au mot mais au groupe [...]. Ces groupes correspondent généralement aux groupes de sens, exprimant une unité sémantique. ». Vaissière (2010) dénomme le français alors comme une

« langue à frontières ». Le corrélat principal de l’accent primaire (lexical) de mot en français est la durée. Selon Delattre (1939, p. 142) : “C’est celui des trois éléments acoustiques qui est le plus étroitement uni à l’accent et c’est le seul des trois qui en soit toujours un facteur.”. Au niveau du groupe de souffle, entre deux pauses respiratoires, on observe une récurrence de deux mouvements mélodiques qui se terminent par une syllabe soit nettement montante, après un retour sur la ligne de base, soit par deux ou trois syllabes nettement descendantes (Vaissière, 2001). Notons que les montées mélodiques, en fin de groupe, ont une forte saillance perceptive en français.

Outre l’accent primaire qui est final, il existe en français actuel une tendance à renforcer également le début du mot (Vaissière, 2001). Cet accent en début de mot est dit initial et il a une origine emphatique (Garde, 1968). L’accent initial se manifeste par une forte pression sous-glottique.

La syllabe sur laquelle le locuteur insiste est alors réalisée comme plus intense, avec un fondamental élevé, les consonnes occlusives en début de mot peuvent être aspirées ou allongées, les fricatives plus fermées et les voyelles précédées d’un coup de glotte. Ainsi, selon Vaissière (2001, p. 16)

« allongement, aspiration, coup de glotte et ton Haut sont donc liés sur le plan physiologique et hautement compatibles. ». Notons que la première syllabe peut aussi au contraire perdre toute proéminence perceptive qui se déplace alors sur la seconde syllabe, notamment quand elle comporte un e muet, comme dans le mot recompter ou quand les mots commencent par une voyelle comme dans épouvantable (Fonagy, 1980).

Le tchèque fait également partie des langues à accent fixe. Contrairement au français, l’accent primaire est placé sur la première syllabe d’une mesure rythmique mis à part dans les mots d’origine étrangère, comme dans ahoj [aɦoj] ‘salut’ (origine anglaise) ou pardon [pardon] (origine française), qui peuvent être prononcés avec un accent initial ou final (Dubeda, 2002). Lorsqu’un mot lexical est précédé ou suivi d’un mot grammatical, il peut former avec ce dernier une seule mesure rythmique et l’accent se réalise alors à son début (Rigault, 1970).

Les corrélats acoustiques de l’accent en tchèque sont faibles (Volin and Studenovsky, 2007).

Traditionnellement, on stipule que la proéminence accentuelle est créée par l’ajout de l’intensité (Hála, 1941) mais les études instrumentales plus récentes montrent que l’intensité ne joue qu’un rôle secondaire et que l’accent se manifeste essentiellement par les variations complexes de la fréquence fondamentale (Palkova, 1997). La durée, étant utilisée pour créer des contrastes phonologiques entre les voyelles brèves et leurs homologues longues, n’est pas classée parmi les corrélats accentuels malgré l’allongement final qui est attesté en tchèque (Dankovicova, 1997b).

L’accent crée ensuite une proéminence rythmique. Fraisse (1974) décrit deux types de rythme chez les humains : le rythme intensif où la syllabe la plus intense est souvent interprétée comme une syllabe initiale (comme en tchèque), et le rythme temporel où la syllabe allongée est interprétée comme une syllabe finale (comme en français).

Au niveau de la syllabe qui est la plus petite unité rythmique, il existe selon les langues une tendance ouvrante (répétition de syllabes ouvertes), comme en tchèque ou davantage encore en français et en italien, ou fermante (répétition de syllabes fermées), comme en anglais ou en allemand.

La Figure 23 illustre la répartitions de structures syllabiques en allemand, anglais, tchèque, français et italien, selon Dankovicova and Dellwo (2007).

Figure 23 : Complexité des structures syllabiques en allemand, anglais, tchèque, français et italien, selon Dankovicova and Dellwo (2007)

Ainsi le système français possède environ 80 % de syllabes ouvertes (Wioland, 1991) et le tchèque, si on en croit Cechova et al. (2000) comporte deux fois plus de syllabes ouvertes que de syllabes fermées.

Le rythme du français et du tchèque est traditionnellement comparé à la mitrailleuse avec une isochronie syllabique (langue syllable-timed). L’isosyllabicité des deux langues a été cependant remise en question par Wenk and Wioland (1982) pour le français et par Dubeda (2004) ou Dankovicova and Dellwo (2007) pour le tchèque. En effet, selon les descripteurs de classification rythmique, le tchèque posséderait les deux rythmes « isosyllabique » et « isochronique ». Dubeda (2012, p. 51) conclue cette problématique en disant que : « Malgré cela, il n’est peut-être pas erroné de dire que, toutes analyses confondues, on a affaire à une langue plutôt ‘isosyllabique’ ».