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Des systèmes d’information pour le renforcement du dialogue sur les

politiques

Il faut que le dialogue sur la politique de réforme des SSP soit alimenté non seulement par de meilleures données, mais également par des infor- mations qui s’écartent des idées classiques sur la clientèle, le champ d’activité et l’architecture des systèmes nationaux d’information sanitaire (Figure 5.3).

Nombre de systèmes nationaux d’information sanitaire utilisés pour éclairer les choix en matière de politique générale peuvent se définir comme des structures administratives fermées par les- quelles passe un flux limité de données relatives à l’utilisation des ressources, aux services et à l’état de santé de la population. Ils sont généralement assez peu sollicités par les autorités sanitaires nationales et internationales lorsque celles-ci pro- cèdent à l’élaboration des réformes ; d’ailleurs, certaines données très importantes suscepti- bles d’être tirées d’autres sources ou obtenues à l’aide d’autres instruments (données censitaires, dépenses des ménages, enquêtes d’opinion, insti- tutions universitaires, ONG, organismes d’assu- rance-maladie, etc.) et qui pour une grande part se situent hors du secteur public, voire en dehors du secteur sanitaire, ne sont guère utilisées non plus.

Les données courantes fournies par les systèmes classiques d’information sanitaire ne répondent pas à la demande croissante d’informations sur

la santé émanant d’une multitude de parties pre- nantes. Chaque citoyen doit pouvoir accéder plus facilement à son propre dossier médical, lequel doit fournir des informations sur la progression de son traitement et lui permettre d’avoir son mot à dire dans les décisions concernant sa propre santé et celle de sa famille ou de sa communauté. Les collectivités locales ainsi que les milieux associa- tifs ont besoin d’être mieux informés de manière à pouvoir protéger la santé de leurs membres, faire reculer l’exclusion et faire avancer l’équité. Les professions de santé ont également besoin d’être mieux informées pour fournir des prestations de meilleure qualité et améliorer la coordination et l’intégration des services. Les responsables poli- tiques ont également besoin de savoir dans quelle mesure le système de santé répond aux objectifs de la société et de quelle manière l’argent public est utilisé.

Les informations qui peuvent être utilisées pour impulser le changement au niveau des politiques de santé sont très différentes des données que la plupart des systèmes d’information sanitaires classiques produisent actuellement. Il est néces- saire de contrôler en permanence à quoi abou- tissent les réformes eu égard à l’ensemble des valeurs sociales et de voir quels sont les résultats obtenus concernant les points essentiels des SSP, à savoir l’équité, les soins axés sur la personne, la protection de la santé des collectivités et la parti- cipation. Cela implique qu’on se pose les questions suivantes :

Les soins sont-ils globaux, intégrés, continus

et efficaces ?

L’accès aux soins est-il garanti et les intéressés

savent-ils à quoi ils ont droit ?

Existe-t-il une protection contre les conséquen-

ces économiques de la mauvaise santé ?

Point de départ

Figure 5.3 Faire des systèmes d’information des instruments au service de la réforme en faveur des SSP

Ministère de la santé Divers usagers, producteurs et parties prenantes

Surveillance des données courantes sur :

la morbidité

l’utilisation des ressources les prestations de services

Remontée de l’information au sein de la hiérarchie du secteur public

Donner les renseignements qui

permettent de comprendre les problèmes

Suivre la progression vers les

objectifs sociaux

Répertorier les contraintes du

système

Réseaux de connaissances ouverts constitués d’une multitude d’institutions collaboratrices ; transparence essentielle Point d’aboutissement Clientèle Champ d’activité architecture

Les autorités protègent-elles efficacement

contre l’exclusion des soins ?

Protègent-elles efficacement les patients contre

une exploitation par des fournisseurs de soins à but lucratif ?

Ces questions vont bien au-delà des réponses que l’on peut obtenir en surveillant les indicateurs sani- taires, l’utilisation des ressources et la production de services, qui sont les éléments sur lesquels se concentrent les systèmes classiques d’information sanitaire. Pour rendre un système d’information utile à la réforme des SSP, il faut un changement

de paradigme qui consiste à les recentrer sur ce qui retarde la réorientation du système sanitaire. S’il importe de mieux reconnaître les problèmes et les tendances prioritaires (et c’est d’ailleurs capital pour aller au devant des difficultés futu- res), du point de vue des politiques, l’information déterminante est celle qui permet d’identifier les contraintes opérationnelles et systémiques. Dans les pays à faible revenu, notamment, où la planifi- cation est organisée depuis longtemps en fonction de considérations d’ordre épidémiologique, cette démarche peut constituer une plate-forme alliant nouveauté et dynamisme et à partir de laquelle on

Encadré 5.3 « Les jauges d’équité » : un système de collaboration entre parties prenantes

en vue de s’attaquer aux inégalités en santé

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On appelle « jauges d’équité » des partenariats rassemblant toutes sortes de parties prenantes et dont le but est d’organiser la sur- veillance active des iniquités en matière de santé et de soins de santé en tentant d’y porter remède. Jusqu’ici, de tels partenariats ont été constitués dans 12 pays et sur 3 continents. Certains d’entre eux opèrent sur toute l’étendue du territoire national, d’autres ne surveillent qu’un sous-ensemble de districts ou de provinces, quelques-uns étendent leurs activités au niveau régional et d’autres se concentrent plus spécifiquement sur les problèmes d’équité dans une agglomération ou une municipalité donnée ; 9 ont un champ d’activité national et 3 opèrent au niveau municipal (dans la ville du Cap (Afrique du Sud), à El Tambo (Equateur) et à Nairobi (Kenya)). Les jauges d’équité permettent de rassembler un certain nombre d’acteurs représentatifs de la variété des conditions locales, notamment des parlementaires et des conseillers, les médias, les ministères et administrations de la santé, les institutions universitaires, les églises, les notables, les associations de femmes, les milieux associatifs et les organisations non gouvernementales, les autorités locales et les associations de citoyens. Cette variété de parties prenantes est non seulement propice à un investissement social et politique de grande ampleur, mais favorise également le renforcement des capacités nationales.

Les jauges d’équité ont une conception active de la surveillance des iniquités en matière de santé et de soins et de la manière de les traiter. Leur action ne se borne pas à la simple description ou à la surveillance passive d’un certain nombre d’indicateurs d’équité ; elle consiste à prendre un certain nombre de mesures spécifiques pour réduire réellement et durablement les disparités injustifiées qui existent en matière de santé et de soins. Ce travail consiste à mener en permanence une série d’actions planifiées et coordonnées de manière stratégique avec le concours de divers acteurs appartenant à plusieurs disciplines et secteurs différents.

La stratégie des jauges d’équité fait explicitement reposer leur action sur trois piliers. Chacun d’entre eux est jugé essentiel et d’une importance égale pour le succès de l’entreprise, et tous les trois sont développés parallèlement :

recherche et surveillance en vue de la mesure et de la description des iniquités ; ■

sensibilisation et participation de la population, qui est incitée à recourir à l’information pour faire évoluer les choses, avec l’intervention ■

de toute une palette d’acteurs appartenant à la société civile et qui oeuvrent en commun en faveur de l’équité ;

appel à la collectivité afin de faire des citoyens pauvres ou marginalisés des participants actifs au processus de décision plutôt que les ■

bénéficiaires passifs des mesures conçues à leur profit.

La stratégie adoptée par les jauges d’équité consiste par conséquent à mener toute une série d’actions interconnectées et superposées – elle ne consiste pas, contrairement à ce que l’expression pourrait laisser croire, à effectuer de simples séries de mesures. Par exemple, le choix des indicateurs pour la mesure et la surveillance de l’équité doit tenir compte des vues exprimées par les différents groupes de la collectivité et prendre en compte les éléments qui pourraient se révéler utiles du point de vue de la sensibilisation. Inversement, le pilier « sensibilisation » s’appuie sur des indicateurs fiables mis au point dans le cadre du pilier « mesures » et peut faire appel à des membres de la communauté ou à des personnalités publiques.

Le choix des indicateurs se fait en fonction des besoins particuliers du pays ou des différentes parties prenantes. Dans tous les cas, toutefois, on privilégie l’obtention de données tendancielles afin d’être en mesure de voir comment les choses avancent avec le temps. Les indicateurs portent sur les aspects les plus divers du concept de la santé tels que, par exemple, l’état de santé, le financement des soins et l’affectation des ressources, l’accès aux soins, la qualité des soins (santé maternelle et infantile, maladies transmissibles et traumatismes, par exemple). Tous les indicateurs prennent en compte les déterminants suivants : lieu de résidence, religion, profession, sexe, race ou ethnie, niveau d’instruction, statut socio-économique, réseaux sociaux/capital qui correspondent aux facteurs socio-économiques souvent associés aux iniquités sanitaires. Cette suite de déterminants est désignée par l’acronyme « PROGRESS » (Place of residence, Religion, Occupation, Gender, Race/ethnicity, Education, Socioeconomic status, Social network/capital).

pourra orienter le développement des systèmes de santé.40 Dans son rapport sur la situation des per-

sonnels sanitaires du pays, le Bangladesh Health Watch décrit ce genre de contraintes systémiques et formule des recommandations à l’intention des autorités sanitaires.41

Les utilisateurs de l’information se multiplient, tout comme les besoins dans ce domaine ; aussi le mode d’obtention, de dissémination et d’utili- sation de l’information sanitaire doit-il également évoluer. A cet égard, l’accessibilité et la trans- parence sont des conditions d’une importance capitale, auxquelles il est possible de satisfaire, par exemple en rendant facilement disponibles sur Internet toutes les informations de nature sanitaire – comme c’est le cas au Chili, où l’on a estimé qu’une communication efficace était à la fois le moteur et la retombée du « régime de garantie sanitaire explicite ». La réforme des SSP exige des modèles coopératifs ouverts permettant de puiser aux meilleures sources de données et de communiquer rapidement l’information à ceux qui sont en mesure de l’exploiter pour conduire une action judicieuse.

Des structures coopératives ouvertes, comme les « observatoires » ou les « Equity Gauges » (« jauges d’équité ») constituent des modèles spécifiques,

complémentaires des systèmes habituels d’infor- mation qui permettent de relier directement l’ob- tention et la diffusion des renseignements sur la protection sanitaire et sociale au processus d’éla- boration des politiques et de mise en commun des meilleures pratiques.42 Ces structures dénotent

le regain d’intérêt que suscitent la collaboration interorganisations, le problème des inégalités en matière de santé et la prise en compte d’éléments d’appréciation factuels dans l’élaboration des poli- tiques. Elles permettent de rassembler les diverses parties prenantes telles que les milieux universi- taires, les ONG, les associations professionnelles, les organismes privés de prestations sociales, les syndicats, les représentants des consommateurs, les institutions publiques et autres, autour d’un programme commun d’observation des tendances, d’études, de partage de l’information, d’élabora- tion de politiques et de dialogue sur ces politiques (Encadré 5.3).

Paradoxalement, ces systèmes ouverts et flexi- bles assurent une permanence des activités là où le renouvellement rapide des décideurs risque de nuire à la continuité de l’action administrative et de la politique générale. Aux Amériques, il existe, dans 22 pays, des observatoires spécialisés dans les questions relevant des ressources humaines.

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