Les systèmes canoniques abstraits ont été introduits dans le but de définir un cadre
général et formel qui englobe les différentes procédures ressemblant à la complétion
standard dans lesquels on voit apparaître des notions de complétude, de saturation et de
redondances. Parmi ces procédures, on retrouve bien entendu la complétion standard de
DonaldKnuth et Peter Bendix (1970) mais également la complétion close de Wayne
Snyder(1989), la complétion modulo équations de Jean-Pierre Jouannaudet Hélène
Kirchner(1986) et GeraldPetersonet MarkStickel(1981), la complétion ordonnée
initiée par DallasLankford (1975) et obtenue finalement par JiehHsiang et Michaël
Rusinowitch (1991), la génération de bases de Gröbner par l’algorithme de Bruno
Buchberger(1985), l’amélioration de bases de connaissances représentées sous forme
de familles de Moore (Karell Bertet et Mirabelle Nebut, 2004), etc. Les systèmes
canoniques abstraits sont fondés sur l’utilisation d’un ordre sur les démonstrations, ce
qui reprend une idée développée par LeoBachmair(1987, 1991) avec l’aide de Nachum
Dershowitz (1989, 1994), Harald Ganzinger (1994), Jieh Hsiang (1986) et David
Plaisted(1989).
Nachum Dershowitz (2003) a démontré que la complétion close rentrait dans ce
cadre, nous avons fait de même avec Claude Kirchner pour la complétion standard
(2006), et Maria PaolaBonacina et Nachum Dershowitz(2007b, 2008) se sont
inté-ressés aux familles deMoore et aux théories deHorn.
4.2.1 Définitions et postulats
On se place dans un système de déduction (A,P,[·]Pm
,[·]Cl) tel qu’introduit par la
définition 2.14. Rappelons que cela implique queTh :A7→[[A]Pm−1
]Cl est un opérateur
de fermeture.
On munit alors l’ensemble des démonstrations de deux ordres bien fondés >et ✄, le
premier mesurant la qualité des démonstrations, le second représentant leur structure et
étant par conséquent appeléordre de sous-démonstration. Sans précision supplémentaire,
quand on parlera de l’ordre sur les démonstrations on fera référence au premier. Par
convention, on supposera qu’il compare uniquement des démonstrations ayant la même
conclusion (p > q implique[p]Cl = [q]Cl).
Exemple 4.3: Pour donner des intuitions, nous illustrerons cette section avec la
complé-tion standard, mais sans rentrer dans les détails qui pourront être trouvés dans notre
travail avec Claude Kirchner(2006).
Pour la complétion standard, les formules sont soit des règles de réécriture, soit des
équations entre termes. Les démonstrations sont des démonstrations par réécriture : par
exemplea←−
s→tb−→
u→vc←→
e=f dest une démonstration dea=ddansPf({s→t;u→v;e=f}).
L’ordre sur les démonstrations est choisi de telle sorte que la démonstrationa←−
s→tb−→
u→vc
soit plus grande que a←→
a=c c, elle-même plus grande qu’une démonstration de la forme
a−→∗ ←−∗ c.
Définition 4.1(Démonstration triviale). Une démonstrationpest ditetrivialesi elle n’a
pas de sous-démonstration et démontre son unique hypothèse, c’est-à-direp☎q implique
p=q et [p]Pm
={[p]Cl}.
Pour chaque formule a ∈A on notera ba une démonstration triviale de conclusion a,
qu’on suppose exister. Pour une présentation A, on noteraAbl’ensemble des
démonstra-tion triviale des formules de A.
Exemple 4.4: Pour la complétion standard, la démonstration triviale des→tests−→
s→tt.
Il est à noter que les démonstrations constituées de zéro étapes de réécriture, par
exemple pour démontrer s=s, ne sont pas des démonstrations triviales, car elles n’ont
pas d’hypothèses.
On suppose alors que la structure dont on dispose vérifie trois postulats.
Postulat A (Trivialité).
Pour toutes démonstration p et formule a, si a∈[p]Pm alors p☎ba.
Postulat B (Monotonie des hypothèses des sous-démonstrations).
Pour toutes démonstrations p et q, si p☎q alors[p]Pm
⊇[q]Pm.
Postulat C (Remplacement).
Pour toutes démonstrations p, q et r : si p✄q > r alors il existe une démonstration
v∈Pf([p]Pm
∪[r]Pm
) telle que p > v✄r.
Le premier postulat énonce qu’une démonstration utilise vraiment ses hypothèses, le
deuxième que les sous-démonstrations n’utilisent pas plus d’hypothèses que la
démons-tration en question, et le dernier que l’on peut remplacer une sous-démonsdémons-tration par
une démonstration plus petite et obtenir une démonstration plus petit que l’originelle.
Nous avons démontré (2005) que l’on peut en fait se passer du postulat B, pour pouvoir
l’appliquer par exemple à des systèmes intégrant le théorème de déduction et
déchar-geant par conséquent des hypothèses, comme la déduction naturelle. Toutefois, nous
n’utiliserons pas ce fait ici.
Définition 4.2. On noteµP l’ensemble des démonstrations minimales de la justification
P :
µP
déf= {p∈P : ¬∃q∈P, p > q} .
Une démonstration est enforme normale pour une présentationA si elle est minimale
quelle que soit la présentation de ThA. On dénote l’ensemble des démonstrations en
forme normale pour A par Nf(A) qui peut donc être défini par
Nf(A)
déf= µPf(ThA) .
Exemple 4.5 :Pour la complétion standard, les démonstration en forme normale sont
alors les démonstrations en vallée, c’est-à-dire de la formes−→∗ ←−∗ t.
Étant donnée une théorie, le but est d’en trouver une présentation telle qu’on puisse
se contenter des démonstrations minimales pour obtenir la théorie en entier. C’est ce
qu’on va appeler la complétude
Définition 4.3(Complétude). Une présentationA est dite complètesi on peut
démon-trer toute la théorie en se contentant des démonstrations en forme normale, c’est-à-dire
si
ThA= [Pf(A)∩Nf(A)]Cl .
Exemple 4.6:Pour la complétion standard, un système est complet si toutes les égalités
démontrables dans ce système le sont en utilisant une démonstration en vallée, ce qui
est équivalent à dire que le système est confluent.
4.2.2 Mécanismes de complétion
On peut maintenant définir des mécanismes de déduction qui permettent de
transfor-mer les présentations dans le but de les rendre complètes.
Définition 4.4. Unmécanisme de déductionest une fonction des présentations dans les
présentations. On notera A ❀B si B est l’image de A par le mécanisme de déduction
❀.
Une suite (An)n∈N de présentations telles que A0 ❀ A1 ❀· · · est appelées une
déri-vation.
Le résultat A∞ d’une dérivation (An)n∈N est l’ensemble des formules persistantes
défini par
A∞
déf= [
j>0
\
i>j
Ai .
On peut alors définir un mécanisme de complétion, celui qui permettra d’obtenir des
présentations complètes.
Définition 4.5 (Mécanisme de complétion). Un mécanisme de déduction ❀ est dit de
complétion si
– si A❀B, alors ThA=ThB;
– si A ❀ B, alors pour toute démonstration p ∈ Pf(A) il existe une démonstration
q ∈Pf(B) qui est au moins aussi bien, c’est-à-dire p≥q;
– pour toute dérivation (An)n∈N, la limiteA∞ est complète.
Les mécanismes de complétion sont bien ceux que l’on attend, car leurs limites peuvent
démontrer toute la théorie initiale en n’utilisant que des démonstrations en forme
nor-males
Théorème 4.1 (Maria Paola Bonacina et Nachum Dershowitz (2007a, Lemma
5.13)).
Un mécanisme est de complétion ssi pour toute dérivation (An)n∈N on a
ThA0= [Pf(A∞)∩Nf(A0)]Cl .
NachumDershowitzet ClaudeKirchner(2003) définissent un mécanisme de
com-plétion particulier, basé sur la notion de démonstration critique.
Définition 4.6 (Démonstration critique). Une démonstration est ditecritiquepour une
présentation A si elle est minimale pour la présentation A sans être en forme normale,
et toutes ses sous-démonstrations sont en forme normale. On notera Crit(A) l’ensemble
des démonstrations critiques de A, qui est donc défini par
Crit(A)
déf= {p∈µPf(A)\Nf(A) : ∀q ∈Pf(A), p✄q⇒q ∈Nf(A)} .
Exemple 4.7 : Pour la complétion standard, les démonstrations critiques sont les paires
critiques non joignables, c’est-à-dire des démonstrations de la formeu ←−
s[v]→us[v]−→
v→ws[w]
telles qu’il n’existe pas de démonstration en valléeu−→∗ ←−∗ s[w]. La complétion standard
consiste alors à ajouter l’équationu=s[w]dans la présentation, de façon à ce qu’il soit
possible de construire la démonstration plus petite u ←→
u=s[w]s[w].
Pour compléter une présentation, il suffit donc de lui ajouter la possibilité de construire
des démonstrations plus petites que les démonstrations critiques. Une présentation
com-plétante permettra ceci.
Définition 4.7 (Présentation complétante). Une présentation sera dite complétante
pour A si elle est incluse dans la théorie de A et si elle contient les hypothèses de
démonstrations strictement plus petites que les démonstrations critiques deA. En général
on notera C(A) une telle présentation. Cela revient à dire qu’il existe un ensemble de
démonstrations P(A) telles que pour toute démonstration critique de A il existe une
démonstration plus petite dans P(A), et
[
p∈P(A)
{[p]Pm} ⊆C(A)⊆ThA .
Le mécanisme de déduction est alors défini par A ❀ A∪C(A). On peut démontrer
que c’est bien un mécanisme de complétion.
Proposition 4.2 (NachumDershowitzet ClaudeKirchner(2003, Lemme 10)). Ce
mécanisme est un mécanisme de complétion.
4.3 Le calcul des séquences avec dépliage polarisé comme
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Bonnes démonstrations en déduction modulo
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