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I. INTRODUCTION

I.2 ZEA MAYS COMME MODELE BIOLOGIQUE

I.2.1 Système Zea mays

Le maïs cultivé (Zea mays ssp. mays) est le taxon le plus connu du genre Zea, qui comporte

d’autres espèces et sous-espèces dénommées téosintes. Les espèces Zea perennis, Zea

diploperennis, Zea luxurians et Zea nicaraguensis ont émergé récemment, il y a 100 000 à

300 000 ans (Ross-Ibarra et al. 2009). Elles présentent des cycles de vie et des aires de

répartitions différentes. La question de l’origine du maïs semble avoir été élucidée avec

l’accumulation d’éléments archéologiques et génétiques en faveur d’un unique événement de

domestication à partir de la sous-espèce Zea mays ssp. parviglumis il y a 9 000 ans environ

dans la région de la rivière Balsas au Mexique (Matsuoka et al. 2002 ; Piperno et al. 2009 ;

van Heerwaarden et al. 2011). Le maïs se serait ensuite rapidement propagé à travers

l’Amérique centrale (Tenaillon & Charcosset 2011).

Les téosintes les plus apparentées au maïs et aujourd’hui classées dans la même espèce

sont les sous-espèces Zea mays ssp. parviglumis, Zea mays ssp. mexicana et Zea mays ssp.

huehuetenangensis (Iltis & Doebley 1980). Elles sont annuelles. Zea mays ssp. parviglumis

(désignée ici comme parviglumis) et Zea mays ssp. mexicana (désignée ici comme mexicana)

poussent au Mexique et se ressemblent très fortement au point qu’il est difficile de les

distinguer l’une de l’autre même pour un œil connaisseur. Leur date de divergence est récente,

estimée à environ 60 000 ans (Ross-Ibarra et al. 2009). Elles présentent cependant des aires de

répartition distinctes (Buckler et al. 2006 ; Hufford et al. 2012a, Figure 16). La sous-espèce

mexicana a colonisé les régions du Mexique situées entre 1 600 mètres et 2 700 mètres

d’altitude avec une altitude moyenne d’environ 2 100 mètres, tandis que parviglumis pousse à

des altitudes inférieures à 1 800 mètres avec une altitude moyenne de 1 050 mètres (Hufford

et al. 2012a), (Figure 16). Ces différences d’altitude se traduisent par des variations

climatiques prononcées. parviglumis, qui nécessite une température plus stable le long de

l’année et des précipitations plus importantes que mexicana, se trouve dans des régions où la

saisonnalité est plus marquée, et où la température annuelle moyenne et les précipitations sont

moins élevées (Hufford et al. 2012a). Ainsi, parviglumis se trouve essentiellement dans des

climats tropicaux, alors que mexicana pousse le plus souvent dans des environnements

semi-tempérés arides. Ces deux sous-espèces de téosintes possèdent un effectif efficace important

(de l’ordre de 120 000 à 160 000 ; Ross-Ibarra et al. 2009) ainsi qu’une diversité génétique

élevée (Fukunaga et al. 2005 ; Hufford et al. 2012a). Les populations de téosintes présentent

une structuration spatiale (Fukunaga et al. 2005). Un premier niveau de structuration sépare

les deux sous-espèces mexicana et parviglumis, qui présentent à leur tour de la structuration

au niveau des populations.Les téosintes parviglumis et mexicana présentent une démographie

complexe qui complique l'identification d'allèles localement adaptés. Depuis leur divergence

il y a 60 000 ans, les deux sous-espèces ont connu une phase d’expansion (Buckler et al.

2006; Ross-Ibarra et al. 2009). La sous-espèce mexicana dériverait de parviglumis, et aurait

colonisé les hauts-plateaux mexicains grâce à des adaptations à des environnements plus

froids (Buckler et al. 2006). Les deux sous-espèces présentent une structure hiérarchisée.

L’étude de Pyhäjärvi et al. (2013) à partir de données de génotypage de la puce 50K du maïs a

permis de mieux comprendre cette structuration. Un premier niveau de structuration

correspond aux deux sous-espèces (Fst global de 0,33), mais il existe également une

structuration à l'intérieur de chaque sous-espèce (Fst de 0,24 pour parviglumis et Fst de 0,23

pour mexicana). Cette structuration est plus forte chez mexicana que chez parviglumis

(Ross-Ibarra et al. 2009), et l'isolement par la distance en explique une partie (Pyhäjärvi et al. 2013).

Il est intéressant de noter que le niveau de structuration varie chez parviglumis. Les

populations présentes dans la région de Jalisco sont plus structurées que celles provenant

d’autres régions (Moeller et al. 2007, Jonas Aguirre communication personnelle). Ce patron

de structuration peut être expliqué par le fait que les populations de Jalisco dériveraient des

populations de la région de Balsas qui constituait un refuge lors de la dernière glaciation

(Buckler et al. 2006). La colonisation de la région de Jalisco se serait accompagnée de forts

effets démographiques (Fukunaga et al. 2005 ; Hufford et al. 2012a ; Moeller et al. 2007).

Moeller et al. (2007) montrent que la structuration de parviglumis entraîne une déviation de

spectre de fréquence neutre, et peut produire des signaux similaires à ceux attendus sous

sélection balancée, c’est-à-dire un déficit de variants rares. Ils montrent également qu’il est

important d’étudier l’espèce à l’échelle des populations et d’éviter les échantillonages d’un

individu par population sur l’ère de répartition de l’espèce. Bien que parviglumis et mexicana

soient des plantes allogames, elles montrent des niveaux de structure relativement importants,

peut-être dus à au fait qu’elles poussent dans un relief montagneux. Dans ce contexte, les flux

de gènes peuvent être limités par la topographie de l’environnement, comme cela a été montré

à faible échelle chez parviglumis (Van Heerwaarden et al. 2010).

Figure 16 : Distribution des aires de répartition des téosintes Zea mays mexicana et Zea mays parviglumis

Le maïs présente quant à lui une diversité génétique plus faible que ses apparentés

sauvages (environ 83% de la diversité trouvée chez les téosintes), ayant subi une sélection

forte depuis sa domestication et au moins deux goulots d’étranglement : un ayant accompagné

la domestication, et un ayant accompagné l’amélioration variétale plus récente (Yamasaki et

al. 2005). Des études suggèrent que les flux de gènes entre parviglumis et le maïs se sont

interrompus, contrairement aux flux de gènes entre parviglumis et mexicana d’une part, et

entre mexicana et le maïs d’autre part (Ross-Ibarra et al. 2009 ; Wilkes 1977). Ainsi, des

résultats ont montré jusqu’à 20% d’introgression entre les maïs d’altitude (highland) et

mexicana, alors qu’il y en a au maximum 3% entre le maïs et parviglumis (van Heerwaarden

et al. 2011). Les flux de gènes de mexicana vers le maïs auraient largement contribué à

l’adaptation du maïs aux hautes altitudes (van Heerwaarden et al. 2011 ; Takuno et al. 2015).

D’une manière générale, les flux de gènes sont bien plus forts des téosintes vers le maïs

qu’inversement (Baltazar et al. 2005). Le taux de fécondation réussie est plus important chez

les croisements impliquant des femelles maïs de près d’un facteur 10, et les F1 des téosintes

pollinisées par du pollen de maïs sont le plus souvent stériles, au contraire des maïs pollinisés

par des téosintes (Baltazar et al. 2005). De plus, les téosintes produisent plus de pollen que les

maïs et leur soies sont moins persistantes dans le temps que celles des maïs, ce qui contribue à

cette asymétrie en laissant ainsi moins de possibilité de fécondation si les deux sous-espèces

ne fleurissent pas de manière synchrone cette asymétrie (Baltazar et al. 2005).

Les différences morphologiques entre téosintes et maïs sont particulièrement

prononcées, que ce soit au niveau de l’inflorescence, des grains, ou de l’architecture générale

de la plante (Figure 17, Doebley 1992). Les maïs présentent généralement une seule talle,

tandis que les téosintes ont généralement une allure buissonnante, bien que certaines puissent

aussi présenter une unique talle (Figure 17-A, B). Les talles portent de nombreuses branches

latérales chez la téosinte qui se terminent par une inflorescence mâle. Chez le maïs, seul l’axe

principal se termine par une inflorescence mâle, les branches latérales, courtes et peu

nombreuses, sont porteuses d’un épi femelle. Les inflorescences femelles sont nombreuses

chez la téosinte et situées à la fois sur les talles et les branches secondaires (Figure 17-A, B).

Les différences les plus marquantes se situent au niveau des épis (Figure 17-C, D). Chez la

téosinte, les épis sont petits, porteurs de moins d’une dizaine de grains disposés en quinconce,

alors que les épis de maïs sont gros, porteurs de plus d’une centaine à quelques centaines de

grains pour les plus gros, disposés en rangées le long d’un rachis (Figure 17-C, D). Les grains

sont caducs chez la téosinte tandis qu’ils restent fixés au rachis de l’épi chez le maïs. Chez la

téosinte, ils ont une morphologie triangulaire, sont entourés de glumes extrêmement indurées

dont la coloration peut prendre un grand nombre de nuance dans les tons brun-noir-vert

(Figure 17-C). Chez le maïs, les grains sont plus grands, présentent une forme plus arrondie.

Les glumes sont réduites, non indurées, et n’enserrent pas le grain. Le péricarpe peut prendre

des colorations extrêmement variables, allant dans les blancs, les jaunes, les orangés, les

rouges, les violets, les verts ou bien les bleus.

Figure 17 : Différence morphologiques entre la téosinte (A, C) et le maïs (B, D). (A, B) Architecture de la

plante. (C, D) Organisation de l’épi. Adapté de Doebley (1992).

Les téosintes parviglumis et mexicana présentent une démographie complexe qui

complique l'identification d'allèles localement adaptés. Depuis leur divergence il y a 60 000

ans, les deux sous-espèces ont connu une phase d’expansion (Buckler et al. 2006; Ross-Ibarra

et al. 2009). La sous-espèce mexicana dérive de parviglumis, et aurait colonisé les

hauts-plateaux mexicains grâce à des adaptations à des environnements plus froids (Buckler et al.

2006). Les deux sous-espèces présentent une structure hiérarchisée. L’étude de Pyhäjärvi et

al. (2013) à partir de données de génotypage de la puce 50K du maïs a permis de mieux

comprendre cette structuration. Un premier niveau de structuration correspond aux deux

sous-espèces (Fst global de 0,33), mais il existe également une structuration à l'intérieur de chaque

sous-espèce (Fst de 0,24 pour parviglumis et Fst de 0,23 pour mexicana). Cette structuration

est plus forte chez mexicana que chez parviglumis (Ross-Ibarra et al. 2009), et l'isolement par

la distance en explique une partie (Pyhäjärvi et al. 2013). Il est intéressant de noter que le

niveau de structuration varie chez parviglumis. Les populations présentes dans la région de

Jalisco sont plus structurées que celles provenant d’autres régions (Moeller et al. 2007, Jonas

Aguirre communication personnelle). Ce patron de structuration peut être expliqué par le fait

que les populations de Jalisco dériveraient des populations de la région de Balsas qui

constituait un refuge lors de la dernière glaciation. La colonisation de la région de Jalisco se

serait accompagnée de forts effets démographiques (Fukunaga et al. 2005 ; Hufford et al.

2012a ; Moeller et al. 2007). Bien que parviglumis et mexicana soient des plantes allogames,

elles montrent des niveaux de structure relativement importants, peut-être dus à au fait

qu’elles poussent dans un relief montagneux. Dans ce contexte, les flux de gènes peuvent être

influencés par la topographie de l’environnement, comme montré à faible échelle chez

parviglumis (Van Heerwaarden et al. 2010).