I. INTRODUCTION
I.1 ETUDIER L’ADAPTATION LOCALE
I.1.2. c Standing variation versus mutation de novo
Lorsqu’une mutation apparaît, elle est liée physiquement à l’haplotype dans lequel elle
apparaît. Cette association peut être rompue par la recombinaison ou par l’apparition de
nouvelles mutations. Lorsqu'un allèle est sélectionné et augmente en fréquence dans une
population, il entraîne avec lui la région avoisinante liée par le déséquilibre de liaison avec
une probabilité inversement proportionnelle au taux de recombinaison. C'est le modèle
d'auto-stop génétique (Fay & Wu 2000 ; Kaplan et al. 1989 ; Maynard-Smith & Haigh 1974). La
baisse de diversité locale ainsi que les changements associés (spectre de fréquence, diversité
haplotypique) à cet événement de balayage sélectif permettent d'identifier la zone sous
sélection.
Deux cas de figures se présentent : l'adaptation de novo à partir d’une mutation
nouvellement apparue dans la population, et l'adaptation à partir de variants déjà présents dans
la population (standing variation ou variation préexistante). Ces deux cas de figures
produisent des signatures sélectives différentes (Figure 5).
Figure 5 : (A) Adaptation de novo versus (B) Adaptation à partir de variation préexistante. Les croix
symbolisent l’apparition de la mutation, les pointillés l’apparition de la pression de sélection. Figure adapté de
Messer & Petrov (2013).
Lorsqu'un allèle avantageux apparaît de novo dans la population, il n’existe qu’une
seule version de l'allèle avantageux (Figure 5 A, Figure 6 B). La sélection sur cet allèle
produit alors un balayage sélectif fort : un seul haplotype est porteur de l'allèle avantageux. La
baisse de la diversité locale est donc forte (Fay & Wu 2000 ; Maynard-Smith & Haigh 1974)
et la diversité haplotypique faible (Figure 6 B). Après fixation de l'haplotype avantageux,
l’action combinée de la recombinaison et l'apparition de nouvelles mutations conduit à une
restauration de la variabilité génétique au fil du temps. Dans l’intervalle, le spectre de
fréquence allélique est caractérisé par un excès de mutations à faible fréquence (celles
récemment apparues par mutation) et de mutations à forte fréquence (les mutations
avantageuses fixées ou celles associées au site sous sélection) (Fay & Wu 2000). Des
méthodes basées sur l'analyse des spectres de fréquence ont été développées pour détecter de
telles signatures (voir section I.1.3.e). Linnen et al. (2009) ont mis en évidence chez la souris
sylvestre un allèle adaptatif responsable d’un changement de coloration dans les populations
établies sur les collines de sable, ce qui leur confère un meilleur camouflage sur ce substrat
clair. Une datation de cet allèle a permis d’établir qu’il est postérieur à la formation
géologique de ces collines.
Figure 6 : Mutation préexistante, (B) Mutation de novo. La mutation avantageuse est signalée par une croix
rouge.
Au contraire, un allèle déjà présent dans une population (standing variation) peut
devenir adaptatif suite à l'apparition d'une nouvelle pression de sélection (Figure 5-B). Si la
mutation à l'origine de l'allèle est suffisamment antérieure à l'apparition de la force sélective,
l'allèle peut exister en plusieurs copies dans la population, qui ne sont pas nécessairement
liées à un fond génétique unique car des événements de recombinaison ont pu l’associer à
d'autres combinaisons d'allèles ou haplotypes (Figure 6-A). Dans ce cas, il se produit un
balayage sélectif doux (ou soft sweep). La diversité n'est pas forcément réduite car plusieurs
haplotypes coexistent (revue Messer & Petrov 2013). Le spectre de fréquence allélique est
moins modifié que lors d'un balayage sélectif fort. Un cas connu d'adaptation basée sur la
variation préexistante concerne le gène teosinte branched 1 (Tb1) chez le maïs. Tb1 est un
locus impliqué dans la dominance apicale chez le maïs. L'élément transposable Hopscotch
situé dans la région régulatrice de Tb1 est un activateur qui est partiellement responsable de la
différence d'expression du gène entre maïs et téosinte. L'insertion de cet élément transposable
a été estimée à plus de 11 000 ans avant la domestication du maïs, ce qui indique que la
sélection de ce gène a agit sur une variabilité préexistante chez la téosinte (Studer & Doebley
2011). L'existence de séries alléliques pour Tb1 mise en avant par l'étude de Studer et
Doebley (2012) appuie cette hypothèse. Cependant, la mutation de Tb1 est présente à une si
faible fréquence chez les téosintes que le signal produit ressemble à un balayage sélectif fort.
Un balayage sélectif faible peut aussi être dû à des mutations récurrentes si plusieurs
mutations avantageuses apparaissent dans un laps de temps réduit. Dans ce cas, une mutation
n'a pas encore été fixée dans la population quand une autre mutation adaptative apparaît.
Plusieurs allèles avantageux sont donc sélectionnés en même temps et se propagent dans la
population. C'est le cas, par exemple, des différents allèles de résistance chez le moustique
Culex pipiens dans les zones géographiques traitées aux insecticides. L'émergence d'au moins
trois allèles de résistance du gène de l'acétyl-cholinestérase a été facilitée par la potentialité du
gène à se dupliquer (Labbé et al. 2007).
De nombreuses études se sont intéressées à la proportion des deux types de balayages
sélectifs. Si la taille de la population et le taux de mutation sont faibles, les cibles de sélection
sont peu réduites et il est peu probable de trouver une mutation adaptative préexistante dans la
population. Dans ce cas, l’attendu est que le processus d'adaptation s’effectue surtout à partir
de nouvelles mutations (Messer & Petrov 2013). Au contraire, l'adaptation à partir de
variation préexistante est favorisée si l'avantage sélectif est faible, ou si le coefficient de
sélection et le taux de mutation sont tous les deux élevés (Hermisson & Pennings 2005;
Messer & Petrov 2013). De part une plus grande facilité de détection, la majorité des
adaptations étudiées sont des exemples de balayage sélectif fort (Messer & Petrov 2013;
Pritchard & Di Rienzo 2010). Cependant, ces résultats ne reflètent pas forcément un processus
biologique sous-jacent et sont en partie dus à la plus grande puissance nécessaire pour
détecter les balayages sélectifs doux (Hermisson & Pennings 2005 ; Messer & Petrov 2013 ;
Pritchard & Di Rienzo 2010). Détecter les signatures des balayages sélectifs doux dans un
génome est un véritable défi. Les méthodes haplotypiques combinant l'information de
plusieurs sites semblent être les plus appropriées (voir section I.1.3.e). Une étude comparant
les séquences de micro-ARN chez Arabidopsis thaliana a mis en évidence un balayage
sélectif doux sur le miR856 (de Meaux et al. 2008).
Dans le document
Adaptation locale des téosintes Zea mays ssp. parviglumis et Zea mays ssp. mexicana le long de gradients altitudinaux
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