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2. Contexte géologique de la Mer du Nord

2.2. Le système pétrolier du Viking Graben

Les prémices de l‘exploration pétrolière en Mer du Nord datent de 1959, avec la découverte de gaz dans les sables permiens onshore de Groningen (Pays-Bas). La compréhension de l’extension latérale de ces sables sous la Mer du Nord a lancé dans les années 1970 le développement de rigs semi-submersibles, permettant l’exploration dans le domaine offshore de la Mer du Nord, puis en deep offshore le long des marges des Océans Atlantique et Arctique. A la suite de la découverte majeure du champ du Brent par Shell en 1971, la Northern North Sea a été classée, en 1980, comme étant l’une des 13 plus grandes provinces pétrolières dans le monde (Ivanhoe, 1980). En 1988, les découvertes d’hydrocarbures provenant du Brent Group comprenaient 49% des réserves du Royaume-Uni totalisant 22,5 millions de barils équivalent pétrole. Depuis cette période, les niveaux Jurassiques inférieur et moyen ont fait l’objet d’explorations intensives conduisant à la découverte des principales accumulations d’hydrocarbures d’Europe du Nord-Ouest (Bowen, 1992). Nous détaillerons ci-dessous le système pétrolier du Viking Graben où sont situés les champs étudiés dans la thèse.

2.2.1. Les roches mères

Dans le Viking Graben, les principales roches mères peuvent être divisées en deux groupes composés pour l’un principalement de mudstones, et pour l’autre principalement de charbons: Le premier groupe correspond aux mudstones organiques marins/continentaux du Jurassique moyen à supérieur avec les formations du Heather (type II-III) (Figure 18), et la formation sus-jacente du Kimmeridge clays (type II).

Les mudstones composant la formation du Heather possèdent un COT variant entre 2 et 4% (Goff, 1983 ; Field, 1985 ; Brosse & Huc, 1986) et un IH variant entre 100 et 200 mg/g COT (Tableau 1). L’épaisseur de cette formation oscille entre 300 et 1000 mètres en fonction de la distance par rapport à l’axe du Viking Graben.

Les mudstones formant les Kimmeridge clays ont une épaisseur comprise entre 250 et 500 mètres (Goff ; 1983). Cette formation dont le COT varie entre 2 et 10% (Kubala et al., 2003) produit principalement des huiles (Fisher & Miles, 1983 ; Cornford et al., 1986) avec un IH maximum de 600 mg/g COT (Tableau 1).

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Le second groupe correspond aux charbons intra-Brent d’âge Jurassique moyen représentés principalement dans les plaines deltaïques du Ness (type III). Pouvant atteindre une trentaine de mètres dans la partie Sud du Viking Graben (Field, 1985), son épaisseur n’est que d’une dizaine de mètres dans sa partie Nord. Ces bancs de charbon sont souvent associés à des mudstones riches en matière organique (Hancock & Fisher, 1981). L’indice d’hydrogène de ce type de roche mère générant principalement du gaz est d’environ 150-200 mg/g COT avec des valeurs de COT dépassant les 50% (Kubala et al., 2003) (Tableau 1).

Tableau 1: Principales caractéristiques des roches mères jurassiques du Viking Graben.

2.2.2. Les réservoirs : Le BRENT Group

D’un point de vue global, le Brent Group a été défini comme un complexe deltaïque progradant du Sud vers le Nord (Eynon, 1981 ; Helland-Hansen et al., 1992 ; Yielding et al., 1992) marqué par un épisode régressif et transgressif (Brown et al., 1987 ; Graue et al., 1987 ; Inglis et al., 1991) (Figure 18). Son épaisseur totale peut varier de 180 à 300 mètres dans le Viking Graben (Brown et al., 1987). Le Brent Group comprend les formations du Broom, du Rannock, de l’Etive, du Ness et du Tarbert allant de l’Aalénien supérieur au Bathonien inférieur (Brown et al., 1987 ; Graué et al., 1987 ; Inglis et al., 1991). Les formations du Broom, du Rannoch, et de l’Etive et la partie inférieure du Ness se sont déposées lors de la progradation deltaïque (Graué et al., 1987). Les faciès fluviatiles du Ness supérieur et les sables tidaux du Tarbert se sont déposés pendant une transgression lors d’une montée du niveau marin relatif (Brown, 1990 ; Graué et al., 1987).

La formation du Broom correspond à des dépôts de fan delta, ainsi que son extension latérale norvégienne: la formation d’Oseberg (Canon et al., 1992). Cette formation est composée de sables grossiers, mal triés dont l’épaisseur moyenne est de 50 m, et fréquemment cimentés par des carbonates.

Roches mères Epaisseur (m) Type COT (%) IH (mg/gCOT)

Heather 300-1000 II-III 2-4 100-200 Kimmeridge clay 250-500 II 2-10 200-600 intra-Brent coal 10-30 III > 50 150-200

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Les formations sus-jacentes du Rannoch et de l’Etive représentent la phase progradante (marin à costale) du delta (Brown, 1990 ; Graué et al., 1987) pouvant atteindre une épaisseur d’environ 150 m. Ces sables d’avant plage moyennement grossiers à très fins et bien triés, sont marqués par la présence de lamines micacées sub-horizontales. La présence d’HCS (Hummocky Cross Stratification) témoigne de l’hydrodynamisme important de cet environnement de dépôt dominé par les tempêtes (Elliott & Buller, 1987).

Le Ness est caractérisé par un environnement de dépôt de plaine deltaïque à lagunaire marqué par le dépôt de charbon et de silt dont le ratio sable/argile est très variable (Budding & Inglin, 1981). L’épaisseur totale du Ness est d’environ 100 m et peut atteindre 180 m dans l’East Shetland Basin (Richards, 1992)

Les sables tidaux du Tarbert constituent le principal réservoir de la Northern North Sea. Cette formation est définie comme la première occurrence de sédiments littoraux dans la partie supérieure du Brent Group, au-dessus des faciès de plaine deltaïque du Ness (Brown et al., 1987). La plupart des faciès du Tarbert consistent en une succession de paraséquences granulocroissantes dans lesquelles les sables silteux bioturbés de shoreface sont couverts par des sables plus propres, typiques de l’upper shoreface au forshore. Le Tarbert forme un réservoir d’environ 110 à 130 mètres d’épaisseur dont l’alternance de bancs sableux massifs et d’interbancs argileux possède une excellente continuité latérale sur plusieurs centaines de mètres (Bouvier et al., 1993). Ces sables marins peuvent être différenciés en 4 faciès types :

 Banc gréseux massif d’environ 10 à 26 mètres d’épaisseur. Ces dépôts de barrière sont fins à très grossiers, propres et bien triés et représentent 30 à 40% de la formation du Tarbert. Ce sont les meilleurs niveaux réservoirs.

 Banc épais de grès argilo-micacé d’environ 20 mètres d’épaisseur. Typiques des dépôts d’arrière cordon et de lagon, ces réservoirs de faible qualité constituent 50% de la formation du Tarbert.

 Dépôt d’argiles organiques lagunaires avec de fines intercalations de niveaux sableux et souvent carbonatés. Ce faciès est responsable de la séparation des principaux bancs gréseux et s’étend sur une épaisseur de 1 à 10 mètres.

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On notera également la présence d’un banc gréseux très propre à grain plus grossier (environnement de dépôt : Foreshore) dans la partie sommitale du Tarbert. Cette formation, principalement reconnue au sein du Groupe Total, est le Balta.

Suivant ces différences de faciès, les propriétés pétrophysiques du Tarbert sont très variables. Ainsi la perméabilité s’étend de 0.001 à 1 mD pour les mauvais réservoirs jusqu’à 8 darcy pour les meilleurs. De la même façon, les porosités varient de 3 à 28%.

Figure 18: Log lithostratigraphique (A) et schéma séquentiel (B) du Brent Group dans le Viking Graben (Floodpage, 2005).

2.2.3. Les roches couvertures et les pièges

Les argiles organiques du Jurassique moyen et supérieur (Heather et Kimmeridge clays) agissent à la fois en terme de roche mère et en terme de roche couverture pour le réservoir du Brent Group (Kubala et al., 2003). Les pièges sont principalement structuraux. Dans une large majorité de cas, les hydrocarbures sont piégés en tête de blocs basculés jurassiques au contact de failles normales étanches (Figure 19C).

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2.2.4. Gradient géothermique et timing de migration des hydrocarbures

Le gradient géothermique moyen actuel en Mer du Nord est variable suivant les auteurs entre 29°C/km (Cornford, 1984) et 34,6°C/km (Kubala et al., 2003). Des différences significatives sont observables dans les différentes parties du Viking Graben. Ainsi, la partie Sud du Viking graben est considérée comme relativement froide avec des gradients de 26 à 40°C. Les gradients les plus faibles sont concentrés dans l’axe du graben du fait de l’épaisseur plus importante de la pile sédimentaire (Eggen, 1984). Les gradients les plus forts sont concentrés sur les flancs du graben de par une plus forte conductivité thermique du socle (Field, 1985). La partie Nord est quant à elle caractérisée par des gradients généralement supérieurs à 40°C/km.

Les structures East Shetland Basin et Viking Graben constituent les principales zones de maturation de la matière organique (ou kitchen) alimentant les champs pétroliers du bloc Q3. Les profondeurs actuelles des roches mères dans ces structures sont respectivement de 4100 m et de 5500 m. Les roches mères de type II de l’East Shetland ont atteint le seuil d’expulsion des huiles pendant le Crétacé supérieur (65-70 Ma) avec un pic de génération vers 40 Ma (Goff, 1983). Dans le Viking Graben, les roches mères de type II ont également généré des huiles à partir du Crétacé supérieur (70-80 Ma) avec un pic de génération vers 55-65 Ma (Goff, 1983). La génération de gaz à partir du Kimmeridge clays est estimée autour de 20-40 Ma (Goff, 1983) avec un pic de génération Miocène (14 Ma) (Kubala et al., 2003). Le timing de génération des gaz depuis les charbons intra-Brent est estimé entre 40 et 27 Ma (Goff, 1983 ; Kubala et al., 2003).