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Chapitre 6. Discussion générale

II. Potentiel et limites

4. D’un système à libération contrôlée de médicaments local vasculaire

En considérant l’application visée, à savoir limiter le phénomène d’hyperplasie néointimale artérielle dans les prothèses vasculaires de petits diamètres, la stratégie d’intégrer un système à libération contrôlée de médicaments sur la prothèse présente l’énorme avantage de traiter localement le problème d’hyperplasie conduisant à l’obstruction de la prothèse. De cette façon, le médicament n’a plus besoin de traverser l’ensemble des barrières gastro- intestinales (acidité de l’estomac, métabolisation importante due au premier passage dans l’intestin puis dans le foie...) avant d’atteindre la circulation sanguine comme c’est le cas lors d’une administration entérale d’un médicament. De plus, cela permet d’éviter toute procédure supplémentaire au patient, que ce soit par traitement médicamenteux ou une seconde chirurgie dans le cas d’une hyperplasie trop sévère.

Malgré tout, d’un point de vue pratique, ce type de système peut être difficile à réaliser concrètement pour différentes raisons. La principale est que si l’on considère la concentration en principe actif à maintenir dans l’ensemble de l’organisme humain (soit dans un volume de distribution apparent de 6,5 L), la quantité de principe actif à charger dans le système est bien trop élevée pour pouvoir être placée dans une couche mince de quelques centaines de nanomètres d’épaisseur. En effet, en prenant en compte :

1. un relargage d’imatinib sur 18 semaines à une concentration de 4 µmol.L-1 dans 5 L

de sang,

2. le temps de demi-vie de 18 h du principe actif et

3. le fait que 95 % des molécules de médicament relarguées se retrouveront complexées et métabolisées par des protéines du sang telles que l’albumine sans pouvoir être utilisées, et ce à chaque cycle d’environ 25 jours,

il faudrait en théorie charger le système avec une masse totale de principe actif hallucinante de presque 2 g. En considérant que la partie de principe actif complexée avec les protéines peut être ajoutée par un traitement complémentaire par voie orale ou parentérale une fois par mois, cela réduit cette masse à 0,8 g, ce qui reste bien supérieur à ce qui pourrait être placé dans des couches minces de quelques dizaines de mg.

Ceci étant dit, ces calculs correspondent bien entendu au cas extrême où le système à libération contrôlée sert finalement seulement de réservoir à médicaments comme si celui-ci était injecté par intraveineuse. En réalité, l’avantage d’avoir un système local est que le médicament est censé être disponible à l’endroit où il est nécessaire. En effectuant le même calcul en considérant le volume sanguin localement disponible dans la prothèse, des masses de 1,5 mg et de 0,7 mg sont obtenues en considérant ou non la complexation des protéines respectivement. L’ordre de grandeur de ces dernières valeurs paraît ainsi plus réaliste dans la conception d’un tel système à libération contrôlée de médicaments.

En faveur de ce raisonnement, des études faites par Masaki et al. ont montré que l’efficacité d’un système à libération contrôlée de médicaments local ne dépend pas nécessairement de la concentration globale dans le sang.[34] En effet, dans leurs travaux, les concentrations en paclitaxel recueillies dans le plasma sanguin sont rapportées comme étant sous la limite de détection du test, autrement dit inférieures 10 ng/mL. Comme mentionné dans le chapitre 1, ces concentrations ont pourtant malgré tout démontré une efficacité pour inhiber l’hyperplasie néointimale artérielle. Ce résultat démontre l’efficacité d’un système à libération contrôlée local par rapport à une prise orale ou intraveineuse, qui nécessite des concentrations bien plus élevées dans le sang. Avantage non négligeable, il est ainsi possible de largement diminuer le risque d’effets secondaires chez le patient.

D’autre part, des travaux réalisés par Hwang et al. sur les stents à libération de médicaments ont montré que les forces de transport physiologique de certains médicaments pouvaient permettre une distribution plus concentrée du principe actif au niveau des parois des vaisseaux.[244] D’après leur étude, un véritable gradient de concentration directement lié aux forces de diffusion est observé à l’intérieur de la paroi du vaisseau et pourrait être davantage lié à l’efficacité du médicament que ses propriétés biologiques elles-mêmes. Les principes actifs hydrophiles (ex. : héparine ou imatinib) pénètrent très peu dans la paroi tandis que les principes actifs hydrophobes (ex. : paclitaxel) pénètrent largement en profondeur dans la paroi. Dans le cas d’une application sur des prothèses vasculaires synthétiques, la pénétration en profondeur dans la paroi du vaisseau natif obtenue avec l’utilisation d’un principe actif hydrophobe ne paraît pas très appropriée, voire dangereuse pour le vaisseau « en bonne santé ». En effet, l’idée de ce système n’est pas d’empêcher la prolifération des cellules musculaires lisses situées dans la media de l’artère native, mais bien de viser uniquement les cellules envahissant la paroi interne. C’est pourquoi malgré une perte significative évidente du principe actif dans la circulation sanguine et une plus grande

difficulté à franchir la paroi cellulaire lipidique des cellules hyperplasiques, les principes actifs hydrophiles ont tout de même l’avantage d’être plus sûrs pour les vaisseaux environnants grâce à leur barrière de cellules endothéliales.

Un autre point à aborder dans cette section est l’importance des produits de dégradation du système. En effet, l’utilisation d’un système à libération contrôlée de médicaments implique toujours des risques d’un point de vue de la taille des morceaux de dégradation et dans le cas d’une couche surfacique, de délamination. Cette dernière est d’autant plus dangereuse qu’elle peut mener, en plus de la formation de caillots, à une toxicité suite à un surdosage du médicament. Ceci nous ramène à l’importance de l’adhésion discutée en II.2 de ce chapitre.

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