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Chapitre 1. Projet doctoral

I. Introduction à la problématique

2. Solution proposée : développer un système à libération contrôlée de

Comme décrit dans la section 1.5, différentes stratégies sont actuellement étudiées pour prévenir la réaction d’hyperplasie néointimale artérielle initiée au site de l’anastomose prothèse/artère native. Lorsqu’il s’agit d’utiliser un médicament, beaucoup des principes actifs antiprolifératifs utilisés dans la littérature semblent nécessiter de hautes concentrations localement pour inhiber la prolifération des cellules efficacement sans induire de toxicité. La stratégie choisie pour ce projet consiste donc à développer un système à libération contrôlée

et locale de médicament, intégré à la prothèse vasculaire. Dans ce contexte, un rappel des notions de base sur les systèmes à libération contrôlée est présenté dans cette section.

2.1. Concept

Bien qu’une administration de médicament systémique à prises répétées permette d’atteindre des concentrations en principe actif (PA) efficaces, en modulant la quantité et la fréquence de la dose par exemple, elle présente aussi différents inconvénients. D’une part, comme montré Figure 1 - 6 - 1, ce type d’administration implique une fluctuation de la concentration en PA dans la circulation sanguine. Or, si les concentrations maximale et minimale changent légèrement, ces dernières peuvent mener soit à des effets toxiques non souhaités, soit à un manque d’efficacité du médicament.[60]D’autre part, ces administrations classiques, généralement faites par voie orale ou plus rarement par intraveineuse, distribuent le principe actif dans la totalité du corps. Une grande partie du PA étant « perdue », soit par élimination précoce, soit en étant dirigée dans des régions non ciblées, elles ne facilitent donc pas l’absorption et l’accès du PA à la cible thérapeutique.[61] Finalement, la prise répétée et fréquente de médicament peut constituer un inconfort et une contrainte pour le patient.[60]

Figure 1 - 6. Concentration en principe actif dans le plasma sanguin en fonction du temps [60] 1. Lors d’une administration systémique d’une même dose à intervalle de temps régulier. 2. Dans le cas d’un système de libération contrôlée avec une administration en une seule prise.

Pour faciliter l’action du principe actif, le système à libération contrôlée de médicament a pour but d’administrer la quantité optimale de PA en une seule et unique prise, avec une vitesse de libération adaptée à la durée du traitement. De plus, un tel système peut apporter la possibilité d’administrer le médicament de façon ciblée, c’est-à-dire directement dans la partie du corps ayant besoin du traitement. La Figure 1 - 6 - 2 représente le relargage idéal qu’un tel système permettrait d’obtenir, avec une atteinte rapide de la concentration en PA

au milieu de la zone thérapeutique, restant ainsi complètement à l’écart du niveau toxique et n’étant inefficace qu’un minimum de temps en début et fin de traitement.[61]

2.2. Mécanismes de libération d’un principe actif

2.2.1. Système réservoir

Le système réservoir consiste à emprisonner le principe actif en solution dans un réservoir à l’intérieur d’une membrane de polymère non dégradable tel que du polydiméthylsiloxane (PDMS) ou encore du poly(éthylène-co-vinylacétate) (PEVAc). Le mécanisme de libération s’effectue ici en trois étapes : tout d’abord, le principe actif se mélange au polymère, puis il diffuse à travers la membrane polymère et, enfin, il se dissout dans la phase externe. La membrane peut aussi être semi-perméable ou poreuse, laissant ainsi le milieu s’introduire dans le réservoir pour dissoudre le PA directement.

La vitesse de diffusion du PA étant généralement bien plus lente que celles des dissolutions dans la phase externe, le coefficient de diffusion du médicament dans le polymère contrôle la plupart du temps la libération.[62]Tant que le réservoir est saturé en PA, la libération se fait de façon constante au cours du temps, en raison de la présence d’un gradient de concentration dans la membrane.[63]

Figure 1 - 7. Différents systèmes de libération réservoir[62] 1. Système transdermique. 2. Système sphérique.

Ce genre de système peut aussi bien être implanté qu’utilisé en tant que patch comme système transdermique (cf. Figure 1 - 7). L’avantage principal des systèmes réservoir est qu’ils permettent des traitements sur de longues périodes. Ils sont notamment appliqués dans la conception d’implants contraceptifs féminins sous-cutanés qui sont certifiés efficaces jusqu’à 5 ans.[62]

Cependant, en plus de leur structure complexe nécessitant plusieurs étapes de fabrication, les systèmes réservoir ne permettent pas à certains principes actifs de diffuser à travers les

polymères utilisés comme membrane. De plus, la moindre faille dans la membrane peut entraîner une rupture menant à la libération de la totalité du PA dans le réservoir, ce qui peut se révéler toxique pour le patient. C’est la raison pour laquelle d’autres systèmes sont considérés.

2.2.2. Système de matrice

Dans un système de matrice, le principe actif est dissous ou dispersé dans une matrice polymère solide comme présentée Figure 1 - 8.

Figure 1 - 8. Schéma d’un système de matrice[62]

1. Médicament dissous dans la matrice. 2. Médicament dispersé dans la matrice.

La matrice peut être composée des mêmes polymères utilisés pour la membrane des réservoirs, auquel cas le relargage se fait par diffusion du principe actif à travers la matrice insoluble (poreuse ou non).

Une autre option consiste à utiliser des polymères biodégradables, comme l’acide polylactique (PLA) ou l’acide poly(lactide-co-glycolide) (PLGA), qui se dégradent lentement après implantation jusqu’à disparaître. Il est alors possible de construire des systèmes où la libération du médicament est contrôlée par la dégradation du polymère. Comme le montre la Figure 1 - 9, cette dégradation peut avoir lieu selon deux principaux mécanismes : l’érosion de surface, où la matrice se dégrade de la surface vers le cœur, et la dégradation en volume, qui a lieu uniformément dans toute la matrice.[62]

Figure 1 - 9. Motifs de dégradation des matrices de polymères biodégradable [62] 1. Érosion de surface. 2. Dégradation en volume (dite « bulk »).

Différents processus sont à l’origine de ces dégradations. La bioérosion correspond à une perte de masse progressive du polymère. Ce phénomène peut intervenir de deux façons. La première implique que les chaînes polymères de la matrice s’individualisent pour se dissoudre, notamment après gonflement du polymère en milieu aqueux. La seconde survient

lorsque les chaînes ne peuvent pas se solubiliser même une fois individualisées, auquel cas une biodégradation entre en jeu. Cette dernière, menant à une diminution progressive du poids moléculaire du polymère, peut être oxydative en présence d’enzymes ou d’espèces oxygénées hautement réactives produites par les cellules inflammatoires. De plus, si sa structure chimique le permet, le polymère peut s’hydrolyser (cf. Figure 1 - 10), et ce d’autant plus rapidement que la réaction peut être catalysée par des enzymes, des pH acides ou basiques et des contraintes mécaniques.[64] Lorsque les produits de cette biodégradation se retrouvent suffisamment petits pour être dissous, la matrice s’érode, libérant ainsi le principe actif piégé.[62]

Figure 1 - 10. Mécanisme d’une hydrolyse d’ester

L’hydrolyse de polyesters ou polyamides est très répandue dans le domaine des biomatériaux car elle a l’avantage d’être applicable en milieu physiologique, d’avoir une cinétique de réaction facilement ajustable par modification de la chimie du polymère et de conduire à des produits de réaction contrôlés généralement choisis pour être non toxiques.

2.3. Différents profils de relargage

Comme discuté en 2.2, les différents profils de relargage dépendent essentiellement du mécanisme de libération et donc de la géométrie du système.

Figure 1 - 11. Cinétique de libération d’ordre 0[61]

1. La concentration du principe actif dans le milieu est constante à partir d’un certain temps. 2. La quantité cumulée de principe actif relargué varie linéairement en fonction du temps.

Le profil le plus simple correspond à une cinétique de libération d’ordre 0, explicitée par la Figure 1 - 11. La cinétique d’ordre zéro correspond à une vitesse de libération indépendante de la concentration en principe actif, autrement dit, la quantité de PA relarguée pendant une période de temps est toujours la même quelle que soit la concentration en PA utilisée.[65] C’est généralement le cas dans les systèmes réservoir : lorsque le réservoir est saturé en PA, la membrane présente un gradient de concentration en PA, libérant ainsi le PA linéairement par rapport au temps.[63]

Au contraire, dans le cas des systèmes de matrices, une grande quantité de PA est généralement libérée au premier contact avec le milieu de relargage, avant que la vitesse de libération ne devienne directement reliée à la diffusion ou à la dégradation de la matrice polymère. Ce phénomène, illustré par la Figure 1 - 12B s’appelle un effet « burst », et correspond à la solubilisation des molécules de PA situées en surface. Dans le cas des systèmes de matrices polymères biodégradables, la solubilisation des chaînes de faibles poids moléculaires non réticulées participe aussi à l’effet « burst » par la formation de pores agrandissant la surface spécifique.[61] Une fois cet effet passé, la vitesse de libération diminue car elle devient limitée par la diffusion du PA au sein de la matrice. La cinétique de libération est alors proportionnelle à la racine carrée du temps comme celle montrée Figure 1 - 12C.[63,66]

Figure 1 - 12. Différents profils de cinétique de relargage de PA[61]

A. Ordre zéro. B. Ordre zéro avec effet « burst ». C. Système massif (t1/2). D. Premier ordre.

Finalement, il est aussi possible d’observer une cinétique du premier ordre, ce qui implique alors une libération dépendant de la concentration en PA (cf. Figure 1 - 12D). Notamment, une fois le médicament libéré dans l’organisme, les phénomènes d’absorption, de diffusion, de métabolisme et d’excrétion (ADME) régissent le devenir du PA avec ce profil de cinétique. Une cinétique d’ordre 1 peut être validée à l’aide de la relation linéaire entre le temps et le logarithme de la quantité cumulée de PA relarguée.[65]

2.4. Les systèmes à libération contrôlée pour les biomatériaux vasculaires

Depuis une vingtaine d’années, le relargage de médicaments, notamment antiprolifératifs, emprisonnés dans des structures polymères, visant des applications telles que les stents et les prothèses vasculaires, est très utilisé aussi bien en recherche académique, qu’en industrie et en clinique.[32,34,36,59,67–70]

Par exemple, Masaki et al. ont étudié un système à libération contrôlée de médicaments localement déposé autour des anastomoses sur la surface de prothèses en ePTFE implantées chez des chiens.[34] L’influence sur l’hyperplasie néointimale artérielle du relargage d’un médicament antiprolifératif (paclitaxel) piégé dans un système de matrice fait d’un copolymère biodégradable et thermosensible (PLGA-poly(éthylène glycol)-PLGA), a été étudiée. L’hyperplasie observée a montré une diminution de moitié lors du traitement au paclitaxel par rapport au polymère seul.

Repanas et al. ont quant à eux développé un système à libération contrôlée à base de nanofibres de polycaprolactone dans lequel a été intégré du dipyrimadole, un inhibiteur d’agrégation plaquettaire. [36] Les auteurs rapportent une forte influence de la quantité de principe actif sur le diamètre des fibres et donc sur la vitesse de relargage obtenue. Les tests cellulaires effectués ne montrent pas d’influence majeure sur des cellules endothéliales d’un point de vue de la viabilité et de l’activité métabolique après 48 h. En revanche, à partir de 72 h, le nombre de cellules endothéliales vivantes en présence du système à libération contrôlée de dipyrimadole devient significativement inférieur aux contrôles tandis que l’activité métabolique apparaît réduite, ce qui met en doute la possibilité d’utiliser ce système pour une application vasculaire.

Blanchemain et al. ont revêtu des prothèses en Dacron® d’un polymère fait de cyclodextrines qu’ils ont imprégné d’un antibiotique, la vancomycine.[68] Ils ont montré une viabilité cellulaire similaire entre le dépôt de γ-cyclodextrines et la prothèse non traitée ainsi qu’un relargage linéaire durant les 60 premiers jours.

Finalement dans chacune de ces études, différents aspects sont systématiquement étudiés :

a. Les propriétés physico-chimiques de la matrice polymère biodégradable b. L’absence de toxicité de la matrice polymère

c. La vitesse de relargage des principes actifs d. L’effet biologique du principe actif relargué.

Tous ces aspects sont interconnectés et indispensables à la caractérisation d’un système à libération contrôlée de médicaments. L’influence de la chaîne polymère sur l’absorption d’eau, l’érosion et la dégradation de la matrice, puis sur la libération des médicaments doit être détaillée avant de pouvoir optimiser le relargage d’un principe actif. Chaque système ayant ses spécificités, cette compréhension est nécessaire afin de développer de nouveaux systèmes plus performants.[69]

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