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Système immunitaire et progression tumorale

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La participation du système immunitaire dans le contrôle de la progression tumorale a été mise en évidence pour la première fois à la fin du XIXème siècle par le docteur William Coley. En effet, il observa un lien entre la disparition des tumeurs et l’apparition d’une maladie infectieuse, l’érysipèle, infection due à un streptocoque et entraînant une fièvre importante (Coley, 1891). Convaincu de sa découverture, il tenta de lutter contre le cancer et créa une mixture appelée « toxine de Coley », composée de bactéries inactivées qu’il injecta directement dans la tumeur stimulant le système immunitaire et entraînant une régression tumorale chez le patient, il fut alors à l’origine de la première approche d’immmunothérapie anti-tumorale (Coley, 1893). Mais ce n’est que plusieurs années plus tard, au début du XXème siècle, que Paul Ehrlich évoque la théorie de l’immunosurveillance des tumeurs. Il suggéra que malgré une fréquence élevée de transformations tumorales, l’apparition modérée de tumeurs chez l’Homme était due à la capacité du système immunitaire à s’opposer au développement tumoral (Ehrlich, 1909). Ce sont Frank Macfarlane Burnet et Lewis Thomas, à la fin des années 1950, qui établiront les bases fondamentales de cette théorie qui met en avant l’idée selon laquelle le système immunitaire est en alerte perpétuelle contre les cellules néoplasiques émergentes pour les éliminer et prévenant ainsi l’apparition des tumeurs (Burnet, 1970, 1957). De nombreux arguments supportent la théorie de l’immunosurveillance des tumeurs, notamment l’observation d’une incidence plus élevée des cancers chez des patients en situation d’immunodéficience primaire (ataxie télangiectasie, syndrome de Wiskott Aldrich, trisomie 21) (Doll and Kinlen, 1970) ou secondaire (syndrome d’immunodéficience acquise) (Boshoff and Weiss, 2002). De plus, l’utilisation de molécules immunosuppressives chez les patients greffés constituerait un facteur de risque plus élevé de cancer chez ces patients (Chapman et al., 2013). Néanmoins, le concept d’immunosurveillance va

40 rapidement être mis à mal par l’impossibilité de confirmer un lien direct entre hôte immunodéficient et apparition de tumeurs spontanées ou chimio induites (Kaplan, 1971; Stutman, 1976).

Aujourd’hui, ce concept a été révisé, on parle désormais d’immunoéditing du cancer qui définit les relations entre système immunitaire et cellules cancéreuses (Dunn et al., 2002, 2004). Ce concept comprend 3 phases : l’élimination, l’équilibre et l’échappement et permet de donner une explication à l’apparition des tumeurs chez des individus immunocompétents (figure 7).

La phase d’élimination, reprend le concept d’immunosurveillance, ici les immunités innée et adaptative coopèrent pour détruire les tumeurs en développement, bien avant qu’elles ne deviennent cliniquement apparentes (Iwasaki and Medzhitov, 2010). Au cours de cette phase, les cellules tumorales vont exprimer des molécules induites par le stress provoqué par la transformation des cellules sous l’action de carcinogènes ou agents génotoxiques. Les cellules tumorales vont exprimer la calréticuline qui pourra activer les lymphocytes T CD8+ et leur permettra d’exercer l’action cytotoxique par la sécrétion d’IFNγ ou de granules cytotoxiques comme le système granzyme B/Perforine. Les lymphocytes T CD8 vont également être capables d’induire la mort des cellules cancéreuses par activation des récepteurs de mort Fas ou TRAIL présents à leur surface. Les cellules tumorales expriment également à leur surface le ligand NKG2D permettant l’activation de cellules NK qui exercent également une action cytotolytique en utilisant le système granzyme B/Perforine. La présence de NKG2D permet aussi l’activation de lymphocytes T non conventionnels comme les lymphocytes Tγδ. En plus des cellules NK, d’autres cellules du système immunitaire inné comme les macrophages de type M1 et les neutrophiles vont également exercer une action anti-tumorale en sécrétant des cytokines comme le facteur de nécrose tumorale α (TNFα), de l’IL-1, IL-12 ou par la production de ROS (Mittal et al., 2014). Si la réponse est efficace, les cellules cancéreuses peuvent être éliminées. Si toutefois ce n’est pas le cas, les cellules tumorales peuvent entrer dans la phase d'équilibre.

Dans la phase d'équilibre, les cellules tumorales persistent et deviennent dormantes, malgré la surveillance du système immunitaire (Aguirre-Ghiso, 2007). La pression continue du système immunitaire peut entraîner l’émergence de variants tumoraux qui deviendront invisibles à la reconnaissance par ce système immunitaire permettant le basculement dans la phase d’échappement.

41 La phase d'échappement représente l'échec du système immunitaire. Durant cette phase le système immunitaire ne peut plus contenir la tumeur qui devient cliniquement apparente. Cette phase est caractérisée par une modification de la signalisation de l’IFNγ, induisant une diminution de la présentation du CMH1 et une augmentation de PDL1 à la surface des cellules. Ces modifications sont à l’origine d’un défaut dans la présentation de l’antigène, diminuant ainsi leur reconnaissance par les lymphocytes T CD8+. Le système immunitaire, innée comme acquis, n’a alors plus aucun moyen de détecter les cellules tumorales (Poschke et al., 2011). Une augmentation de l’expression de PDL1 est couramment retrouvée sur les cellules tumorales, ce qui leur permet d’inhiber la réponse anti-tumorale mise en place par les lymphocytes infiltrant la tumeur, qui expriment pour la majorité PD1 (Chen and Mellman, 2017; Iwai et al., 2017; Topalian

et al., 2012). Les cellules tumorales et les cytokines qu’elles produisent participent à la mise en

place de nouvelles populations cellulaires immunosuppressives comme les MDSC, les lymphocytes T régulateurs ou les macrophages de type M2 qui vont être impliqués dans la production de molécules modulatrices comme l’arginase 1, IDO (Indoleamine 2,3 dioxygénase) ou iNOS (Nitric Oxide Synthase inductible) ou de cytokines immunosuppressives telles que l’IL-10 ou le TGFβ. Ces mécanismes limitent l’action du système immunitaire et notamment l’activité des lymphocytes T CD4+ et CD8+, contre la tumeur.

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Figure 7 Théorie de l'immuno-éditing des tumeurs D’après (Vesely et al., 2011)

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