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5. IDENTIFICATION DES OBSTACLES, DES LIMITES ET DES POSSIBILITÉS QUANT À

5.1 Un système d’éducation avec des lacunes et des possibilités

Idéalement, tous les enseignants devraient vouloir et pouvoir adopter des pratiques d’éducation relative à l’environnement. Toutefois, la mise en place d’initiatives d’ERE n’est pas toujours évidente. Cette section présentera les obstacles et les limites auxquels les enseignants font face quant à l’intégration de l’éducation relative à l’environnement au sein de leurs pratiques enseignantes.

Pour le moment, l’éducation relative à l’environnement n’est pas une pratique institutionnalisée au sein du système d’éducation au Québec (Sauvé, 2001; Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté [Centr’ERE], 2018). L’éducation relative à l’environnement qui se donne dans les écoles secondaires du Québec est entreprise par des directeurs et des enseignants pour lesquels l’environnement est un sujet important et la protection de l’environnement fait partie de leurs valeurs. Ces individus veulent donc transmettre leurs convictions aux jeunes.

Toutefois, l’institutionnalisation de l’éducation relative à l’environnement dans le milieu formel de l’éducation doit se faire par le gouvernement québécois. Ce dernier devrait créer des politiques afin d’intégrer des pratiques enseignantes en éducation relative à l’environnement dans le curriculum éducatif québécois. Ce champ multidisciplinaire doit être accepté au même titre que les autres disciplines scolaires telles que le français, les mathématiques, l’histoire et les sciences. (Centr’ERE, 2018) Le gouvernement pourrait montrer réticence et réserves face à l’institutionnalisation de l’éducation relative à l’environnement, car l’État est reconnu comme étant neutre, et les enjeux et les problèmes environnementaux sont sources de vifs débats au sein de la société (Sauvé, 2011). Cependant, l’intégration de l’éducation au développement durable plutôt que de l’éducation relative à l’environnement dans le système éducatif québécois n’est-elle pas en elle-même une prise de position de la part du gouvernement provincial? Cette décision peut être interprétée comme signifiant que l’État désire transmettre des valeurs conservatrices, où l’environnement est vu comme une ressource. Par l’analyse des contextes dans lesquels l’ERE et l’EDD sont intégrés, il est possible d’identifier des motivations sous-jacentes pour leur intégration, telles que la croissance économique et la promotion de la consommation. (Marleau, 2010; Sigaut, 2011)

Selon Sauvé (2009b), l’institutionnalisation de l’éducation relative à l’environnement doit se faire avec prudence. Dans son article Vivre ensemble, sur Terre : Enjeux contemporains d’une éducation relative à l’environnement, elle affirme que l’institutionnalisation de l’éducation relative à l’environnement ne doit pas être aliénante, qu’elle ne doit pas être une prescription politico-économique et qu’elle ne doit pas être l’imposition d’une manière de pensée. Sauvé stipule ensuite que la prescription de l’éducation au développement durable va à l’encontre de ces principes mentionnés. (Sauvé, 2009b)

Il est également nécessaire de revoir le Programme de formation de l’école québécoise, non pas en le changeant complètement, mais en gardant ses concepts, en le bonifiant et en l’utilisant pour contribuer à la pratique de l’éducation relative à l’environnement et à la formation de citoyens engagés. Plusieurs éléments du PFEQ peuvent être articulés avec les principes d’éducation relative à l’environnement. Tel qu’indiqué au troisième chapitre de cet essai, les visées du Programme de formation de l’école québécoise sont la construction d’une vision du monde, la structuration de l’identité et le développement du pouvoir d’action (MEES, 2006a; MELS, 2007a). Ces visées concordent avec certaines composantes de l’écocitoyenneté mises de l’avant au quatrième chapitre.

Ainsi, la construction d’une vision du monde chez les élèves québécois se rapporte au développement de la capacité des jeunes à porter un jugement critique et à porter un regard fondé et lucide (MEES, 2006a). Ceci est directement en lien avec les composantes de la citoyenneté environnementale qui sont le développement de la pensée critique, le développement de la pensée systémique ainsi que le développement des compétences pour l’action démocratique. Afin de construire une vision du monde, il est primordial d’avoir des connaissances et des savoirs sur les différents points de vue. Cependant les connaissances ne suffisent pas et il faut de plus avoir des compétences communicatives qui consistent à être apte à discuter avec ses pairs, à partager avec ses pairs et à écouter ses pairs afin de bâtir des opinions réfléchies.

Pour la structuration de l’identité des élèves, le PFEQ stipule que la personne structure son identité en développant la conscience de son unicité à travers ses racines et son histoire, et en découvrant son appartenance à un réseau social. Le PFEQ mentionne également que structurer son identité c’est d’être capable de s’adapter au monde de manière personnelle et équilibrée. (MEES, 2006a) Dans cette visée, il serait judicieux d’ajouter que pour structurer son identité, il faut comprendre sa place et son appartenance non seulement dans son milieu social, mais également au sein du monde en relation avec son environnement. Le lien peut être fait avec la première composante de l’écocitoyenneté qui est de développer une appréciation de la nature et de prendre conscience que les humains dépendent de l’environnement naturel, qu’ils sont indissociables de la nature et que l’être humain doit repenser sa place face aux écosystèmes. (Boutet, 2008; Boutet, 2009)

La dernière visée qui est le développement du pouvoir d’action (MEES, 2006a) se rapporte directement à l’objectif principal de l’éducation relative à l’environnement. Cet objectif est de stimuler une mobilisation et la prise d’action face aux enjeux environnementaux (UNESCO-PNUE, 1977; Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec, 2001; Toledo, 2007; Marleau 2009). La description de cette visée indique qu’elle vise à ce que les jeunes apprennent à agir pour faire face à la complexité des enjeux sociaux actuels et à répondre aux grandes questions éthiques et existentielles. Cela donne aux jeunes une source de pouvoir sur leur vie en mobilisant leurs apprentissages dans le but de prendre des décisions et de poser des gestes concrets. (MEES, 2006a) À aucun moment, la description de cette visée adopte un point de vue environnemental, malgré l’importance du sujet. Cette visée pourrait aller plus loin que simplement le pouvoir de décision sur la vie des jeunes et intégrer le pouvoir de décision et d’action collectif pour contribuer à une société meilleure. Il faudrait donc que la description de cette troisième visée ajoute précisément que les jeunes devraient être formés pour agir face aux enjeux sociaux et environnementaux actuels.

En plus de l’intégration des questions environnementales dans les visées du Programme de formation de l’école québécoise, il faudrait intégrer une dimension environnementale au sein de chaque domaine général de formation. Pour le DGF de la santé et du bien-être, il est possible de créer des liens avec la santé environnementale, de créer des liens avec la qualité de vie que nous apporte un environnement sain et il est également possible d’introduire des solutions afin de contrer le déficit nature. Le DGF du vivre ensemble et de la citoyenneté peut être bonifié avec l’enrichissement de la perspective d’écocitoyenneté. Pour ce qui est du DGF des médias, l’environnement peut y être intégré en déployant la communication environnementale. La créativité nécessaire à l’innovation éco sociale ainsi que les principes de l’éco gestion et de l’écoresponsabilité peuvent être inclus dans le DGF de l’orientation et de l’entrepreneuriat. Enfin, le DGF de l’environnement et de la consommation est le seul domaine qui mentionne explicitement l’environnement, mais celui-ci se doit d’être revu et reformulé afin de l’éloigner du concept de développement durable. (Centr’ERE, 2018)

Ce type de changements au cursus scolaire a des implications et des répercussions sur les enseignants, car ils n’ont pas nécessairement les ressources nécessaires ni les connaissances appropriées pour intégrer l’éducation relative à l’environnement à leurs pratiques enseignantes. (Girault, Lange, Fortin-Debart, Simonneaux et Lebeaume, 2007; Centr’ERE, 2018)