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Le système éducatif

III. LES RÉFORMES STRUCTURELLES

III.3. L ES INFRASTRUCTURES DE BASE

III.3.3. Le système éducatif

A l'indépendance, le niveau de capital humain de l'ensemble de la population ivoirienne est très bas, le système colonial ayant privilégié l'éducation d'une élite urbaine. La Côte d'Ivoire entreprend alors de larges efforts en matière d'éducation. C'est ainsi notamment que le corps enseignant est privilégié, par des écarts de salaire conséquents avec le reste de la fonction publique. Une part importante du budget national est donc consacrée à l'éducation : environ 40 pour cent, entre 6 et 8 pour cent du PIB soit l'un des taux les plus élevés du monde, et plus de la moitié des parts allouées par le Sénégal ou le Burkina Faso (Banque Mondiale, 1990). Le taux de scolarisation primaire atteint 64 pour cent dans les années70 et plus de 72 pour cent dans les années 80 et début 9055.

Toutefois, même si une telle politique d'éducation a permis à la Côte d'Ivoire de rattraper son retard, en comparaison des efforts entrepris, les résultats sont relativement médiocres et la question des inégalités est pressante. On constate par exemple que le taux de scolarisation en primaire est inférieur à la moyenne africaine (ce qui n'est pas le cas pour le taux de scolarisation dans le secondaire) (Tableau n° 12.

La discrimination vis à vis des filles est forte mais en diminution : 24,6 pour cent des élèves étaient des filles en 1959/60 contre 42,2 pour cent en 1994. Cette inégalité de genre est encore plus importante dans les niveaux supérieurs : 21,6 pour cent des étudiants inscrits à l'Université sont des filles contre 18,7 pour cent en 1988. En outre, les taux de scolarisation sont très différents selon l'habitat (taux brut de scolarisation : 63 et 92 pour cent en primaire respectivement en milieu rural et urbain) et selon les régions (taux net de scolarisation : 26 pour cent en zone de Savane contre 73 pour cent à Abidjan) (Laurent, 1998).

Avant de juger du fonctionnement propre du système éducatif ivoirien, il est nécessaire de rappeler le poids de la pression démographique (une des plus fortes du monde) donnant lieu à une véritable explosion scolaire : les effectifs du primaire sont passés entre 1963 et 1995 de 330 000 à 1,6 million et ceux du secondaire de 20 000 à 463 810 (Tapinos et alii 1998). Cela est un facteur explicatif de ces faibles résultats du fait notamment de ratios élèves/enseignants élevés (cf. Tableau n°44).

55 Le niveau de capital humain s'accroît alors fortement pour atteindre 2,1 années en 1987 (dernière année de la base Nheru et Dhareshwar, 1993) contre 0,2 durant les années 60. Ce taux de progression est 10 fois supérieur à celui enregistré en moyenne par les pays africains (recensés dans la base de données Nheru et Dhareshwar).

Tableau n°44 : Ratio élèves/enseignants en primaire et secondaire, Côte d'Ivoire, Ghana et Afrique Subsaharienne, 1970-1996.

1970-78 1979-93 1994-96 Ratio élèves/enseignants en primaire

Côte d'Ivoire 43,3 36,9 40,6

Ghana 28,7 26,7 n.d.

Sub-Saharan Africa 39,5 38,5 n.d.

Ratio élèves/enseignants en secondaire

Côte d'Ivoire 21,2 n.d. n.d.

Ghana 19,9 10,5 n.d.

Sub-Saharan Africa 19,7 n.d. n.d.

Source : World Bank (1997).

Le faible taux d'efficacité du système éducatif ivoirien peut être apprécié par comparaison avec les résultats obtenus dans d'autres pays. C'est ainsi que le classement de la Côte d'Ivoire en 1995 selon le taux d'alphabétisation dans un échantillon de pays pauvres et à revenu intermédiaire est très bas par rapport au rang obtenu selon le niveau de PIB par tête (cf. Graphique n°13). Gupta et alii (1997) ont calculé des ratios d'efficacité de la dépense publique56 sur un échantillon de pays africains. Il apparaît que, pour la Côte d'Ivoire des années 1984-87, 65 pour cent des dépenses publiques en éducation pouvaient être considérés comme inefficaces ; la Côte d'Ivoire était à la 8ème place sur un échantillon de 9 pays. Ce taux diminue à 55 pour cent en 1992-95 et la Côte d'Ivoire occupe la 5ème place sur un échantillon de 7 pays57.

Ces derniers résultats doivent cependant être considérés avec précaution. En effet, afin d'avoir une analyse précise de l'efficacité de la politique d'éducation primaire et secondaire, il aurait été nécessaire de ne prendre en compte que les budgets publics destinés à financer ces cycles de formation et non l'ensemble du budget qui prend en compte le troisième cycle. Or, l'enseignement technique et supérieur constitue plus de 27 pour cent du budget sur la période 86-89 et 16 pour cent au début des années 90.

Face aux contraintes macro-économiques fortes et à la question de l'efficacité de la dépense publique, le budget de l'éducation a été fortement modifié entre les années 80 et 90.

Cela a permis un accroissement du ratio d'efficacité du budget de l'éducation mais cela s'est aussi accompagné d'une baisse du taux de scolarisation dans le primaire58 (cf. Tableau n° 12), ainsi que de rendements internes faibles59 (cf. Tableau n° 45).

Tableau n° 45 : Efficacité interne du système scolaire

Nombre théorique d'années Nombre réel d'années

Primaire 6 8.9

Secondaire 4 5.6

Supérieur 3 7.5

Source : Tapinos et alii chap 6, 1998.

56 L'indicateur d'inefficacité exprime le montant de dépenses qui aurait été nécessaire pour atteindre le même niveau de production (exprimé en termes de taux d'alphabétisme, et taux de scolarisation primaire et secondaire) au niveau d'efficacité du pays le plus performant de l'échantillon.

57 L'échantillon des pays africains étudiés est variable selon les périodes.

58Cette baisse du taux de scolarisation ne peut être imputée uniquement à la baisse de l'offre (en quantité et qualité) de services scolaires. S'y ajoutent aussi des facteurs liés aux choix des familles en période de fortes contraintes financières.

59 En moyenne en primaire les élèves ayant redoublés représentent 51 pour cent des effectifs.

Les restructurations budgétaires ont consisté en :

une baisse de la part du budget d'éducation dans le budget général (dépenses courantes et d'investissement) qui semble malheureusement se poursuivre depuis la reprise de la croissance. Même si de nos jours il représente une part toujours importante, il est passé de 31,4 pour cent en 1981-84 à 21,8 en 1990-93 et 18,8 en 1994-98. La Côte d'Ivoire doit d'ici l'an 2000 inverser cette tendance afin de répondre aux critères de l'initiative HIPC, les dépenses en éducation devant atteindre 5,4 pour cent du PIP contre 4,9 sur la période 94-98.

une redistribution fonctionnelle de la dépense. Les restrictions budgétaires durant les années de crise se sont opérées essentiellement au dépend des dépenses de maintenance et d'achat de matériel pédagogique ce qui explique en partie la baisse de la qualité de l'enseignement. A partir de 1994, la baisse de la part des salaires dans le budget de l'éducation s'est effectuée au profit des dépenses de fonctionnement et d'investissement qui ont plus que triplé (cf. Tableau n° 46). Toutefois, cette évolution est grandement imputable à la dévaluation du FCFA, les dépenses de fonctionnement étant majoritairement importées. C'est ainsi qu'en Franc CFA de 1992, les dépenses de fonctionnement par élève ont diminué dans l'ensemble des niveaux d'enseignement (cf. Tableau n°47).

Malgré la volonté affichée d'améliorer le taux brut de scolarisation ainsi que les capacités d'accueil dans l'enseignement primaire, et même si l'investissement dans le primaire double grâce à l'aide internationale, la part du primaire diminue au profit de l’enseignement supérieur général et technique (cf. Tableau n° 46).

Tableau n° 46 : Dépenses publiques d'éducation, 1981-2000.

(moyenne annuelle) 1981-84 1985-89 1990-93 1994-98 2000 (*)

Dépenses courantes et d'investissement (% PIB)

35,0 34,4 32,1 26

Education 11,0 na 7,0 4,9 5,4

Répartition fonctionnelle

(en % du budget total d’Education)

1991-93 1994-98

Dépenses de personnel 78 66

Autres dép de fonctionnement 6 10

Transferts et subventions 14 14

Investissement 3 10

Répartition sectorielle

(en % du budget total d’Education)

1991-93 1994-98

Primaire 49 46

Secondaire général 31 30

Etablissement technique formation prof. 6 6

Supérieur général 10 13

Supérieur technique 5 6

(*) objectif initiative HIPC

Source : World Bank (1990), (1998).

Tableau n°47 : Fonctionnement hors salaires et transferts par étudiant, 1992-96.

FCFA constant 1992 1992 1996 96/92

Primaire 2 879 1 461 51%

Secondaire général 8 131 3 111 38%

Etablissement technique formation prof. 112 061 22 898 20%

Supérieur général 56 514 45 245 80%

Supérieur technique 919 018 397 714 43%

Source : Laurent (1998).

Malgré des mesures drastiques de réduction des dépenses dans le supérieur notamment par une réforme des transferts sociaux, la privatisation de certains restaurants universitaires, la fin des subventions de transport et la suppression du centre national des œuvres universitaires, l'enseignement supérieur occupe une place croissante dans le système éducatif public ivoirien.

Cela s'explique par l'explosion des effectifs d'étudiants (accroissement de 131 pour cent des effectifs universitaires entre 1990 et 1995 ; Laurent, 1998) à laquelle le gouvernement ivoirien a du faire face par la construction de nouveaux campus. Cependant les étudiants du supérieur ont des difficultés à trouver un emploi. Dans la mesure où ce système était historiquement créé pour former le personnel administratif, que l'emploi public est quasiment gelé et que l'emploi salarié privé moderne a diminué60, le chômage touche fortement les diplômés de l'enseignement supérieur. Une plus grande adéquation entre l'enseignement fourni et la demande de qualification sur le marché du travail doit être trouvée.

Dans le cas où des efforts supplémentaires ne seraient pas consentis dans le primaire, le taux d'alphabétisation atteindrait, en 2025, seulement 50 pour cent de la population des 15 ans et plus. Du fait du faible coût d'accès pour les étudiants à l'enseignement supérieur, et des écarts de coûts unitaires entre les enseignements primaire, secondaire et supérieur, les dépenses publiques sont très inégalement réparties entre les ménages : le premier quintile de revenu reçoit 10 pour cent des dépenses publiques d'éducation alors que le dernier quintile en reçoit 37 pour cent (Laurent, 1998). Par ailleurs, on a montré que le coût d'opportunité de scolarisation des enfants chez les catégories pauvres de la population est important et que la distance à l'école pèse négativement dans la demande d'éducation des populations rurales (de Vreyer, 1993).

Une plus grande orientation du budget public vers le primaire s'impose donc. Un système redistributif de bourses vers les couches les plus défavorisées doit être renforcé ainsi que la prise en charge des coûts de l'enseignement supérieur par les familles les plus favorisées. De même, afin de lutter contre la pauvreté, le gouvernement ainsi que les bailleurs de fonds doivent s'inquiéter d'une meilleure allocation de l'offre en éducation sur le territoire ivoirien.