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La croissance peut-elle suffire à réduire significativement la pauvreté ?

IV. L’INTERVENTION DE L’ETAT ET LES PERSPECTIVES DE CROISSANCE

IV.2. G OUVERNANCE ET RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ

IV.2.2. La croissance peut-elle suffire à réduire significativement la pauvreté ?

2000-2005 apparaissent particulièrement optimistes, puisqu’elles tablent sur un taux de croissance annuel supérieur à 12% sur l’ensemble de la période (République de Côte d’Ivoire, 1999). Cette croissance serait basée sur un taux d’investissement privé dépassant 25% et atteignant 29% en 2005, le taux d’investissement public étant plafonné à 6%. De manière correspondante, il est prévu un doublement en cinq ans du taux d’épargne nationale, de 10% à 20%, et surtout une explosion des investissements extérieurs directs : en moyenne annuelle, ils atteindraient1900 milliards de francs CFA, presque vingt fois la valeur moyenne observée pendant la période 1995-97. Il est donc fait l’hypothèse d’un relâchement considérable de la contrainte financière pesant sur l’économie.

Un modèle dynamique à deux gaps a été utilisé pour effectuer quelques projections alternatives de la trajectoire de l’économie entre 1999 et 2005, en retenant des hypothèses conservatrices et donc plus pessimistes : rigidité du taux d’épargne privée, constance des flux d’investissements directs étrangers, rigidité du contenu en importations de la demande.

Comme d’habitude avec les modèles macro-économiques, les projections effectuées n’ont d’autre intérêt que de déterminer la trajectoire potentielle de l’économie sous des hypothèses déterminées par le passé observé, qu’elles soient obtenues par calibration, par estimation économétrique ou par projection de tendance. La spécification du modèle, les élasticités et les hypothèses sont présentées en annexe.

Tableau n° 53 : Hypothèses de 4 scénarios de croissance

I II III IV

Taux investissement privé Equation du Tableau n°

57

Equation du Tableau n°

57

+ 1 pt de % (constante équation Tableau n°

57)

+ 1 pt de % (constante équation Tableau n°

57) Gains de productivité

(hors externalité du capital public)

0% 1,5% 0% 1,5%

Exportations industrielles +5% l’an +5% l’an +10% l’an +10% l’an

Approfondissement financier non non non oui

Les projections se déclinent selon quatre variables, indiquées dans le Tableau n° 53 : le taux d’investissement privé de longue période, les gains de productivité, la croissance des exportations industrielles68 et la structure du portefeuille des ménages et des entreprises. Dans les variantes I et II, le taux d’investissement privé est régi par un effet « accélérateur-demande » estimé sur la période 1960-1994 (Tableau n° 57). Dans les variantes III et IV, la constante de cette équation est augmentée d’un point. Dans les variantes I et III, le trend des gains de productivité est nul, tandis que dans les variantes II et IV il est égal à 1,5% pour toutes les branches. L’augmentation du taux d’investissement privé a pour conséquence d’une part de dégrader la balance commerciale, sous l’effet du surcroît d’importations de biens d’équipement, et d’autre part la balance des services, par l’accroissement des paiements d’intérêt sur la dette extérieure des entreprises. Sans un fort afflux d’investissements directs étrangers, elle n’est donc concevable qu’accompagnée d’une forte croissance des exportations industrielles, posée à 10% au lieu de 5% dans les variantes III et V. Enfin la contrainte de paiements extérieurs peut aussi être allégée par un approfondissement du secteur financier domestique, favorisant le financement intérieur des entreprises par l’émission de titres permettant de drainer l’épargne intérieure et de réduire la fuite de capitaux, ou un meilleur accès au crédit intérieur, au détriment de l’endettement extérieur privé. Cet élément a été représenté par un trend exogène portant sur la composition du portefeuille des ménages et des entreprises. Après la forte baisse des taux d’intérêt de la période 1993-1998, on a considéré que les taux d’intérêt intérieurs et domestiques restaient fixés aux niveaux de 1998. Seul le rendement des titres domestiques varie, étant égal au rendement moyen du capital non-agricole. Sous ces hypothèses, dans la variante IV, la part des actifs étrangers dans le portefeuille des ménages passe progressivement de 36% en 1998 à 21% en 2005, et la part de la dette extérieure des entreprises passe de 72% à 55%, soit pour les deux ratios une baisse annuelle de 10% entre 1999 et 2005.

Tableau n° 54 : Projections 1998-2005, contributions à la croissance et tcma des revenus

1993-1998 1998-2005

Calage I IV

Contributions à la croissance (%):

PIB 6,0 3,1 5,3

Dépenses

Consommation privée 3,6 2,8 4,2

Consommation publique 0,2 0,2 0,3

Investissement privé 2,7 -0,4 0,8

Investissement public 1,1 0,6 0,2

Exportations 2,1 0,9 1,9

Importations -3,7 -1,0 -2,1

Solde commercial -1,6 -0,1 -0,2

Taux de croissance annuels moyens :

Revenu moyen agricole 8,0 1,3 2,8

Revenu moyen informel -0,7 -2,2 -0,2

Salaire moyen formel privé -5,2 -2,7 -0,1

Salaire moyen public -3,9 -0,4 0,5

68 Dans toutes les projections, le taux de croissance des exportations agricoles, hors café et cacao, est fixé à 5%.

La production de café et de cacao est déterminée par l’offre de travail des ménages agricoles. Les termes de l’échange sont constants

Tableau n° 55 : Projections 2005, divers indicateurs macro-économiques

I II III IV

Croissance du PIB (vol) (1998-2005) 2,9 3,7 3,6 4,6

Taux d’investissement total (2005) 17,2 15,8 21,3 20,3

Taux d’investissement privé (2005) 8,7 9,8 13,0 14,4

Taux d’investissement public (2005) 8,5 6,0 8,3 5,9

Déficit public / PIB (2005) -2,2 -0,3 0,9 2,5

Dette publique / PIB (2005) 53,1 48,2 33,8 29,9

La variante I correspond à une hypothèse basse de croissance : gains de productivité très faibles, comportement d’investissement privé conservateur, stabilité des parts de marché à l’exportation, absence d’approfondissement financier. La croissance obtenue sur l'ensemble de la période se situe sur un trend descendant autour de 3% par an. Du fait du mécanisme d'accélérateur, le taux d'investissement privé baisse au cours de la période et est insuffisant pour permettre un accroissement conséquent des capacités de production. La croissance est alors essentiellement tirée par la consommation privée, les exportations ne progressant que modestement. Puisque l'accroissement de l'investissement privé est faible, l'épargne extérieure permet de financer un taux d'investissement public élevé mais dont l'augmentation ne permet pas une croissance soutenue.

Le scénario II suppose des gains de productivité de 1,5% par an. Le taux de croissance moyen annuel est dorénavant de 3,7%. Bien que supérieur à celui du scénario I, il n'atteint pas, comme on aurait pu l'espérer, 4,5% ((3% du scénario I + 1,5% de gains de productivité).

En effet, la croissance entraîne un accroissement de la demande d'importations qui vient buter contre la contrainte extérieure. Finalement le taux d'investissement total est inférieur à celui du scénario I.

En l'absence de gains de productivité, une augmentation de l'investissement privé financé par un surcroît d'exportations non-traditionnelles (scénario III) permet une croissance similaire à celle obtenue dans le scénario précédent, soit 3,6% par an. En effet, le relâchement de la contrainte extérieure fournit la possibilité d'importer les biens d'équipement nécessaires.

De plus, l'Etat est en mesure de soutenir un rythme d'investissement public élevé tout en obtenant un excédent budgétaire provenant de l'accroissement des recettes internes et externes.

Finalement, le scénario IV cumule les effets de l'ensemble des variantes précédentes–

plus l’effet de l’approfondissement financier domestique. Rappelons encore que ce dernier scénario ne constitue pas nécessairement une borne supérieure. Le taux de croissance de l’économie pourrait être largement plus élevé si certaines des hypothèses retenues par le programme présidentiel se réalisaient au moins en partie : accroissement du taux d’épargne privé national, afflux massif d’investissements directs étrangers, gains de productivité plus élevés. Parier sur ces évolutions apparaît toutefois assez hardi. Par ailleurs, les taux de croissance de tous les scénarios pourraient être revus à la baisse si les cours du cacao et du café s’orientaient de nouveau à la baisse, comme au début de l’année 1999. En effet, depuis 1994 l’essentiel de l’augmentation du taux d’épargne nationale a été obtenu par la réduction de 10 points de PIB du déficit budgétaire. Le doublement du montant des investissements directs extérieurs comprend un certain nombre d’éléments transitoires (privatisations, opérations BOT). Enfin les gains de productivité élevés de la période 1994-97 correspondent à un phénomène de rattrapage et ne semblent pas basés, comme dans les économies asiatiques

émergentes ou comme pendant la période 1960-78, sur une croissance très forte des exportations non traditionnelles et sur un accroissement rapide du capital humain.

Le trend de croissance obtenu dans le scénario IV se situe entre 4,5 et 5%.

L'investissement privé est à présent majoritaire et capte l'essentiel du financement intérieur et extérieur. Du fait de l’accroissement des recettes budgétaires et d'un allégement des remboursements d'intérêt, l'investissement public peut être financé par l’excédent budgétaire, ce qui permet de diminuer fortement le poids de la dette publique. Alors que l'investissement concourt dorénavant positivement à la croissance, les contributions de la consommation privée et des exportations sont aussi fortes que durant la période 1993-1998. Par ailleurs, la désagrégation du modèle en six grandes branches et en quatre types de travail fournit des indications sur le contenu distributif de la croissance. Cette croissance correspond à une industrialisation du pays à travers un accroissement du capital disponible. On observe par ailleurs une tertiarisation de l'emploi dans la mesure où l'industrie ne peut absorber la majorité de l'offre de travail non-agricole. Enfin, l'augmentation de la demande de produits agricoles pèse sur les ressources en terre et entraîne une modification des termes de l'échange interne en faveur de l'agriculture. Le revenu moyen agricole augmente donc alors que les revenus urbains moyens stagnent.