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CHAPITRE 6 CONCLUSION

6.1 Synthèse des travaux

Ce projet est né de la volonté d’améliorer les performances du rendu stéréoscopique dans une voûte de réalité virtuelle, en particulier en réduisant le stress visuel engendré par une exposition prolongée et en optimisant le réalisme pour un sentiment de présence accru. Nous avons décidé tout d’abord d’utiliser la profondeur du point de regard de l’observateur afin d’ajuster la distance inter-caméras, la faisant varier entre différentes valeurs définies pour 3 profondeurs (de 0,4 m à 2,5 m). Le principe est ici de jouer sur la quantité de disparité affichée pour rendre de la manière la plus juste possible la profondeur de la scène en fonction de celle à laquelle l’observateur porte son attention. La position du point de regard a quant à elle permis de générer un flou de profondeur de champ proche de celui qui intervient dans la vision naturelle d’un monde en relief.

6.1.1 Conception de l’expérimentation

Après avoir développé les outils permettant d’intégrer un système de suivi oculaire, les lunettes ETG, à la voûte de réalité virtuelle de l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, nous avons défini un protocole expérimental afin d’évaluer et de comparer la configuration stéréo- scopique résultant de nos propositions, FLOUDIC3, avec 5 autres. Ces 6 configurations se distinguaient par la présence ou l’absence du flou de profondeur de champ et par la valeur de la DIC : DIP, DIC1 ou DIC3. L’expérimentation réalisée auprès de 18 volontaires leur deman- dait d’effectuer certaines tâches, chacune associée à un objectif de recherche. Une navigation dans un environnement virtuel riche, suivie de la collecte des appréciations du participant, a permis dans un premier temps d’évaluer sur des critères subjectifs la perception de la 3D avec les différentes configurations. Ces critères comprenaient le confort visuel, le réalisme du rendu, le plaisir de navigation, la perception des distances et des profondeurs et enfin le sentiment d’immersion. La détermination des limites de fusion des images stéréoscopiques a quant à elle fourni un indice objectif de performance des configurations, la diplopie générée par des difficultés de fusion étant l’une des sources principales d’inconfort et un intervalle de fusion plus large offrant la possibilité d’utiliser un panel plus varié de scènes virtuelles. La dernière étape du protocole consistait à comparer le comportement oculaire entre une scène réelle et sa reproduction en virtuel. Il s’agissait en particulier de mesurer les différences de

vergence oculaire et d’écart angulaire à la cible occasionnées par le suivi visuel d’une cible mouvante. Ce dernier test, qui à notre connaissance n’a jamais été réalisé, donne des indi- cations objectives sur le rendu des distances et des profondeurs par une configuration. En effet, grâce aux valeurs de vergence, nous pouvons connaître les erreurs de jugement de dis- tances causées par l’affichage stéréoscopique (sous-évaluation ou surévaluation de celles-ci), l’écart angulaire indiquant quant à lui où l’observateur percevait l’objet dans le monde réel et révélant des différences entre les positions dans les repères réel et virtuel.

6.1.2 Analyse des résultats

Les analyses réalisées sur les résultats et présentées dans le chapitre 5 mettent en évi- dence les influences des paramètres testés. Concernant les avis subjectifs des participants, la variation de la DIC en fonction de la distance au point de regard est très généralement préférée au choix fixe d’une DIC, mais pas à la DIP anatomique. La présence de flou conduit quant à elle à de moins bonnes notes, bien que cela ne soit pas significatif mis à part dans le critère de la perception des distances et des profondeurs, et à un ralentissement de l’inspec- tion visuelle avec des fixations et des saccades plus longues. Du point de vue de l’influence sur les limites de fusion, à nouveau DIC3 est plus appréciée que le choix fixe DIC1 – ce dernier conduisant à des difficultés de fusion significativement plus importantes – mais ne se distingue pas de la DIP. Ceci s’explique par le fait qu’au cours de ce test la DIC n’était pas vraiment variable mais égale au choix réalisé pour un objet situé à 0,4 m, choix s’avérant très proche de la DIP. Le flou de profondeur de champ n’a quant à lui pas influé sur la valeur des limites, bien que l’étude de la littérature nous ait amenés à penser que sa présence facilitait la fusion des images stéréoscopiques. Ce constat s’explique selon nous par le fait que pour les limites de fusion atteintes, les objets utilisés avaient une taille très importante dans l’écran, l’arrière-plan flou se retrouvant donc minoritaire. Le troisième critère de comparaison portait sur les différences de comportement oculaire des observateurs par rapport au réel, en particulier les variations d’angles de vergence et d’écarts angulaires à la cible. Bien qu’en termes de médiane des données aucune configuration ne se démarque significativement des autres, celles employant l’ajustement en temps réel DIC3 comptent le plus grand nombre de participants ayant obtenu les mouvements oculaires les plus réalistes. Le flou n’a quant à lui pas eu d’impact notable sur les résultats de ce test.

Grâce à ces analyses, nous pouvons conclure qu’en prenant en considération l’ensemble de l’expérimentation c’est la configuration CONTROL, pour laquelle les caméras virtuelles sont espacées de la DIP anatomique et qui ne présente pas de flou de profondeur de champ, qui a obtenu les meilleurs résultats. Elle reçoit en effet la moyenne de notes subjectives la plus élevée, les moyennes les plus basses en termes de différences de vergence et d’écart

angulaire par rapport à la configuration réelle et la troisième plus basse concernant les limites de fusion. Si ces résultats ne corroborent pas nos hypothèses, nous pensons cependant que les limitations techniques rencontrées au cours de l’expérimentation et détaillées en section 5.4 ont pu contrecarrer les bénéfices de l’ajustement en temps réel des paramètres en fonction du point de regard. Nous proposons en section 6.2 des solutions pour écarter ce facteur.

6.1.3 Applications de la recherche

De par le contexte de ce projet de recherche en collaboration avec l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, les applications pratiques à court terme concernent les futures expérimentations menées par les cliniciens de cet institut. Tout d’abord, notre intégration des lunettes ETG et la procédure de calibration mise en place permettent d’obtenir une bonne qualité de l’estimation du point de regard, avec une mesure d’imprécision de 2,65 cm au cours des tests préliminaires et de 6,47 cm en moyenne sur l’ensemble des participants pour des cibles situées à 2 m (ce qui correspond à 0,76◦ et 1,85◦ d’angle visuel). Les cliniciens pourront ainsi connaître précisément et en temps réel l’objet sur lequel le patient porte son regard. De plus, les outils que nous avons développés afin d’analyser les résultats, permettant par exemple de connaître l’écart angulaire aux objets et sous-objets identifiés, le nombre et la durée des fixations sur ces objets, ou encore de visualiser le chemin visuel sous forme de carte de densité, faciliteront leur interprétation des comportements oculaires en termes d’attention. Enfin, en permettant de conclure sur la configuration qui, dans l’installation actuelle de la voûte et parmi les 6 testées, est la plus appréciée subjectivement et conduit en moyenne à un comportement oculaire plus proche de celui exprimé dans le cas réel, ce projet permettra aux cliniciens d’exploiter plus efficacement les capacités de la réalité virtuelle. Bien que le port des lunettes et la réduction du champ visuel induite puissent aussi biaiser le comportement du patient, des mouvements oculaires naturel permettraient de valider l’utilisation de la réalité virtuelle qui offre la possibilité de mettre en scène un panel riche de situations.

Notre étude a également une portée méthodologique, de par la conception d’un test de comparaison objective des configurations stéréoscopiques, basé sur l’enregistrement des mou- vements oculaires de l’observateur alors qu’il suit du regard une cible mouvante réelle puis virtuelle. La confrontation avec une scène réelle permet alors de mesurer objectivement le rendu de la géométrie – positions, profondeurs, distances relatives et tailles – par les configu- rations des systèmes de caméras et d’affichage : plus le comportement oculaire se rapproche de celui exprimé en réel, plus les configurations peuvent être considérées réalistes.

Enfin, à plus long terme, les ajustements en temps réel des paramètres en fonction de la position du point de regard, réunis dans la configuration FLOUDIC3, pourraient se révéler plus performants que les valeurs plus classiques pour ces paramètres telles que celles utilisées

par CONTROL. Pour s’en assurer, une seconde étude serait nécessaire après avoir réalisé certaines améliorations décrites dans la section suivante au niveau de l’installation de la voûte et de l’implémentation.