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Deux protocoles de restauration ont été expérimentés afin d‟accélérer la réinstallation de la communauté herbacée steppique. Ces deux protocoles manipulent principalement le filtre de dispersion en apportant des graines de la communauté steppique au sein de l‟écosystème perturbé. L‟introduction de ces différentes espèces qui spontanément ne réapparaissent pas ou se ré-établissent très lentement, permet ainsi d‟accélérer les processus de colonisation d‟un site perturbé (Öster et al. 2009).

Le transfert de foins est une méthode efficace pour apporter un maximum d‟espèces de la végétation potentielle (Patzelt et al. 2001 ; Riley et al. 2004 ; Rasran et al. 2006 ; Donath et al. 2007 ; Edwards et al. 2007 ; Kardol et al. 2009 ; Vander Mijnsbrugge et al. 2010). Cette méthode pour la première fois testée en milieu steppique (plaine de La Crau) obtient des résultats similaires à ceux trouvés en Europe du nord. Il permet d‟augmenter rapidement la richesse spécifique d‟un espace qui a subi une perturbation récente en aidant l‟établissement des espèces typiques de l‟écosystème de référence (Coiffait-Gombault et al. 2010 ; van Looy 2011). De plus, les résultats obenus montrent que ce dispositif permet de limiter l‟installation et donc la compétition des espèces rudérales durant les premières phases de la succession (Kiehl & Wagner 2006) qui constitue l‟un des obstacles à la restauration de nombreux écosystèmes (Walker et al. 2004). Cette technique peut également être utilisée sur un site perturbé dans le passé en utilisant conjointement un griffage ou un labour en surface du sol afin de créer des microsites et ainsi favoriser l‟établissement des graines contenues dans les foins (Bischoff et al. 2009).

Sur un écosystème soumis à des vents forts et fréquents, il est préférable d‟ajouter un dispositif limitant la perte de foins pendant quelques mois, le temps que les graines apportées par les foins s‟établissent. Dans cette étude expérimentale (partie 2) nous avons ainsi utilisé un dispositif combinant paillage et grillage. Il serait néanmoins plus recommandé économiquement et techniquement d‟utiliser sur de plus grandes surfaces un dispositif ayant les mêmes propriétés mais plus facile à installer comme de la toile de jute ou de coco (Hanke

et al. 2011) ou d‟augmenter l‟adhérence des graines au sol par le passage d‟un rouleau identique à celui qui a été utilisé pour faire adhérer les semences des espèces structurantes.

Le semis d’espèces structurantes sur un labourest une méthode efficace pour réinstaller des espèces typiques de la communauté de référence après une perturbation (partie 3). Cette méthode permet ainsi de ré-établir des espèces qui ne se réinstallent pas spontanément et/ou avec d‟autres méthodes de restauration. De plus, le semis d‟espèces structurantes, comme pour l‟épandage de foins, permet de limiter l‟installation des espèces rudérales (facilitation indirecte). Cette méthode, conjuguée au labour en surface, favorise ainsi le recrutement et l‟établissement des espèces provenant de l‟écosystème de référence (Roscher et al. 2009).

L‟un des résultats majeurs de cette expérience est la réintroduction de Brachypodium retusum, espèce dominante de la communauté steppique, qui semble être une espèce structurante pour la restauration de cet écosystème (Caturla et al. 2000) et qui n‟avait pu être réintroduite avec le transfert de foins. De la même manière ce protocole a permis de réintroduire Thymus vulgaris qui même s‟il réapparaît par restauration par transfert de foins, il y reste cependant sous représenté.

L‟utilisation d‟espèces indigènes capables de piéger l‟azote atmosphérique semble également adaptée pour améliorer les sols appauvris (Bradshaw 1997 ; Peratoner et al. 2007). Néanmoins l‟étude que nous avons menée serait à compléter en évaluant l‟efficacité réelle de

Trifolium subterraneum dans l‟amélioration de la qualité du sol de friche qui se différencie de la steppe de référence par une concentration d‟azote plus faible. La fixation de l‟azote va permettre d‟augmenter la productivité des autres espèces structurantes. Outre cette propriété, cette espèce semble appréciée par les bergers pour l‟apport nutritif qu‟elle fournit aux troupeaux ovins puisqu‟elle conduit à des gains de poids vif et de note d'état corporel des brebis, de plus, il est possible de faire pâturer les brebis plus longtemps sur ce type de parcelles (Adama 1994). L‟opération de restauration est ainsi mieux perçue et acceptée par les éleveurs.

Pour ces deux méthodes de restauration, le pâturage ovin extensif est une méthode de gestion qui s‟accorde avec les objectifs de conservation de la communauté végétale steppique

D

(Buisson & Dutoit 2006 ; Stewart & Pullin 2008) puisqu‟elle est en partie responsable de sa structure et de sa composition. Cette méthode de gestion permet d‟augmenter la richesse spécifique et/ou de changer la composition végétale des parcelles restaurées en favorisant le recrutement des espèces steppiques. Néanmoins, elle ne semble pas suffire pour recouvrer l‟écosystème de référence après une perturbation intense, même à long terme (plusieurs décennies) (Hutchings & Booth 1996 ; Römermann et al. 2005).

L‟utilisation de ces différentes techniques de restauration nécessite néanmoins de lourds investissements en termes de coûts énergétiques (évaluer en bilan carbone) et financiers. L‟utilisation de machines agricoles, voir même de machines adaptées aux conditions environnementales, la main d‟œuvre pour mettre en place le projet, la production et/ou l‟achat de semences, le suivi sur le long terme sont autant de raisons économiques mais aussi philosophiques (augmenter l‟empreinte écologique pour recréer des espaces de nature) qui freine la mise en place de tels projets. De plus, les communautés qui résultent de ces techniques de restauration ne sont toujours pas identiques à la communauté de référence sur le très court terme (deux à trois ans pour nos protocoles de restauration). Ceci démontre que même si nous comprenons mieux aujourd‟hui les facteurs expliquant l‟organisation de cette communauté, il est cependant toujours difficile de la restaurer dans son intégralité car il n‟est pas aisé de manipuler et de trouver un équilibre entre l‟action de ces différents facteurs. Il est donc désormais plus que nécessaire de continuer à conserver cet écosystème et de pérenniser les systèmes de pâturage ovin traditionnel en termes de biologie de la conservation.