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Synthèse des résultats de chaque Etude

C. ETUDES

D.1. Synthèse des résultats de chaque Etude

D.1.1. Etude N°1 : Etude des changements des performances linguistiques entre 2 et 3 ans

Concernant la première question, nos résultats sont similaires à ceux des études antérieures ; en effet, les performances en production lexicale à 2 ans ne prédisent que modérément le niveau de langage ultérieur des enfants dans la cohorte EDEN. Nos estimateurs de prédiction (variance des performances linguistiques à 3 ans expliquée par les performances linguistiques à 2 ans et les principaux facteurs pré, péri et postnatals = 43% [dont 22% par les performances linguistiques à 2 ans] ; aire sous la courbe de ROC = 0.85 ; sensibilité et valeur prédictive positive = 41%) sont néanmoins supérieurs à ceux rapportés par les études antérieures très probablement parce que la fenêtre temporelle de notre étude est plus courte que celle des études antérieures (par exemple, l’étude de Reilly et al. (Reilly et al., 2010) a été menée entre 2 ans et 4 ans).

Concernant la deuxième question, les enfants qui ont présenté une trajectoire déclinante entre 2 et 3 ans différaient sur plusieurs facteurs des enfants ayant eu une trajectoire normale de leurs performances linguistiques : ils avaient (i) été davantage exposés à l’alcool pendant la grossesse, (ii) des parents dont le niveau scolaire était moins élevé, (iii) un terme de naissance plus précoce et (iv) des interactions moins fréquentes avec leur mère. De plus, les enfants qui ont présenté une trajectoire résiliente entre 2 et 3 ans avaient plus fréquemment été allaités au lait maternel que les enfants qui présentaient un retard de langage à 2 et 3 ans. Ces différents déterminants pré, péri et postnatals ont un effet qui a été bien établi sur le développement

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165 cognitif des enfants (Bernard et al., 2013; Farah et al., 2008; Henrichs et al., 2011; C. M.

O’Leary, 2004; Whitehouse et al., 2011; Yang et al., 2010), néanmoins, notre étude suggère que certains d’entre eux (notamment le terme de naissance, l’exposition à l’alcool pendant la grossesse et l’allaitement maternel) puissent avoir un effet sur le développement du langage qui se manifeste tardivement, à mesure que les compétences langagières deviennent de plus en plus élaborées.

Les résultats de cette étude fournissent des données intéressantes en termes de santé publique et de clinique. Compte tenu de l’instabilité du développement du langage oral entre 2 et 3 ans, certains auteurs recommandent de ne mettre en place aucune intervention spécifique à l’âge de 2 ans (Bishop & Leonard, 2014; Whitehurst & Fischel, 1994). En revanche, dans notre étude, près de la moitié des enfants qui présentent un retard de langage à 2 ans aura des difficultés linguistiques persistantes à l’âge de 3 ans. Les conséquences potentielles de ce retard sur le développement ultérieur du langage, mais aussi sur le développement émotionnel et comportemental doivent être considérées. D’autres part les résultats des quelques études cliniques qui ont évalué l’efficacité des interventions parentales chez les enfants de 2 ans présentant un retard de langage sont en faveur de ce type d’interventions (Baxendale & Hesketh, 2003; Buschmann et al., 2009; Gibbard, Coglan, & MacDonald, 2004; Girolametto, Pearce, & Weitzman, 1995, 1996; Lederer, 2001; Robertson & Weismer, 1999).

D.1.2. Etude N°2 : Etude de l’effet différentiel des facteurs pré, péri et postnatals sur le développement verbal et non-verbal à 5-6 ans

Plusieurs déterminants pré, péri et postnatals ont un effet différentiel sur les performances verbales et non-verbales à 5-6 ans. Les scores mesurant le niveau des stimulations cognitives ainsi que le niveau scolaire des parents étaient davantage associés aux performances verbales que non-verbales. La durée de l’allaitement maternel et le nombre de frères aînés étaient associés uniquement avec les performances verbales. Le poids de naissance était uniquement associé aux performances non-verbales mais notre étude a très probablement manqué de puissance pour mettre en évidence cet effet différentiel. De futures études utilisant la même méthode d’analyse mais menées sur davantage d’enfants nés avec un petit poids de naissance doivent être engagées.

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Nos résultats sont concordants avec ceux des études antérieures (H. Eriksen et al., 2013; Sommerfelt et al., 1995) sur le fait que le développement des performances verbales est davantage influencé par l’environnement cognitif de l’enfant que celui des performances non-verbales. Globalement, nous avons considéré que les autres effets différentiels mis en évidence par notre étude (niveau scolaire des parents, durée de l’allaitement maternel, nombre de frères aînés) étaient très probablement médiés par des aspects de l’environnement cognitif de l’enfant qui n’étaient pas capturés par notre score mesurant le niveau des stimulations cognitives.

D.1.3. Etude N°3 : Relations entre le développement du langage et les symptômes de TDAH entre 3 et 5-6 ans

En concordance avec les études antérieures menées pendant la période scolaire (Aro et al., 2014; Lindsay et al., 2007; Petersen et al., 2013; St Clair et al., 2011), nous avons trouvé que les performances linguistiques à 3 ans prédisaient les symptômes de TDAH à 5-6 ans mais pas l’inverse. Nous n’avons pas confirmé les deux hypothèses que nous avons testées pour expliquer ces relations (Hypothèse 1 : médiation par les difficultés relationnelles ; Hypothèse 2 : effet décalé dans le temps des facteurs pré, péri et postnatals sur le langage et les symptômes de TDAH). Les tests de langage à 3 ans qui étaient les plus associés aux symptômes de TDAH à 5-6 ans étaient ceux qui mesurent la syntaxe et la mémoire de travail. Globalement ces résultats fournissent indirectement des arguments en faveur de l’hypothèse d’une médiation par les compétences en self-directed speech (Barkley, 1997; A. Berger, 2011; Luria, 1961; Petersen et al., 2014; Vygotsky, 1962). Néanmoins, des facteurs génétiques communs au développement du langage et aux symptômes de TDAH pourraient manifester leur effet plus précocement sur le développement du langage et plus tardivement sur les symptômes de TDAH (Costello et al., 2003). Cette dernière hypothèse n’a pas pu être testée dans notre étude mais elle doit être prise sérieusement en compte car elle prédit qu’une prise en charge précoce des troubles du langage oral ne préviendrait pas l’apparition ultérieure de symptômes de TDAH. Cette prédiction serait concordante avec les résultats d’un essai clinique randomisé ayant étudié l’efficacité d’une prise en charge précoce des troubles du langage et qui n’a pas rapporté d’amélioration sur les symptômes TDAH (Glogowska et al., 2000).

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167 D.1.4. Etude N°4 : Etude des difficultés émotionnelles, comportementales et

relationnelles des enfants avec un haut potentiel intellectuel pendant la période préscolaire

Notre étude n’a pas mis en évidence de difficultés émotionnelles, comportementales ou relationnelles chez les enfants avec un haut potentiel intellectuel. Une association marginalement significative entre le haut potentiel intellectuel et les difficultés émotionnelles à 5-6 ans. Des analyses supplémentaires ne permettent pas de considérer cette association comme robuste. Les cliniciens qui estiment que les enfants avec un haut-potentiel intellectuel ont davantage de difficultés émotionnelles, relationnelles et comportementales pendant la période préscolaire ont probablement un biais de jugement qui est équivalent au biais de sélection des études précédentes menées sur le sujet.

D.1.5. Etude N°5 : Quel est l’apport des repères développementaux avant l’âge de 2 ans pour la prédiction du QI à 5-6 ans ?

Nos résultats fournissent des indications sur la capacité des repères développementaux au cours des deux premières années de vie à prédire le QI à 5-6 ans. (i) Les repères développementaux permettent de prédire une part substantielle du QI à 5-6 ans à partir de la fin de la deuxième année de vie. (ii) Les repères développementaux évaluant le langage des enfants à 12 et 24 mois prédisent mieux le QI à 5-6 ans que ceux correspondant aux performances en socialisation et en motricité globale et fine. Les repères développementaux correspondant aux performances linguistiques dans les questionnaires à 12 et 24 mois étaient probablement ceux qui ciblaient les compétences cognitives les proches du facteur g (par exemple, désignation d’image ou de partie du corps). (iii) De nombreuses étapes développementales permettent de prédire précocement les enfants ayant une déficience intellectuelle mais pas ceux ayant un haut-potentiel intellectuel.

Cette étude rapporte qu’une faible part (un cinquième) de la variabilité du développement cognitif à la fin de la période préscolaire est prédite par le développement psychomoteur à l’âge de 2 ans, et moins de 7% à 1 an. Le domaine cognitif qui semble le plus prédictif du QI à 12 et 24 mois correspond aux compétences linguistiques de l’enfant. Cette étude fournit des données utiles pour les cliniciens et pour la compréhension du développement de l’intelligence.

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