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Synthèse des résultats: évolution des représentations sociales dans l'espace-temps

La démarche d'analyse entreprise avait pour but de vérifier dans un premier temps, l'existence d'un discours concernant la pluriethnicité québécoise dans le Mouvement Desjardins et ses caisses populaires. Dans la mesure où ce discours était bel et bien présent, il s'agissait ensuite de le décortiquer afin d'en faire ressortir les grandes caractéristiques, de même que son évolution dans l'espace-temps. À cet effet, les deux grandes périodes identifiées à l'intérieur de ce discours qui s'étend de l'année

1998 à 2005 et qui font chacune référence à des espaces géographiques distincts contribuent à façonner ce dernier. Le point de rupture établi en 2003, qui est caractérisé par l'ajout de l'ouest de l'île de Montréal à l'espace géographique du discours, marque le désir de Desjardins de conquérir les marchés allophones certes, mais également le marché anglophone, contrairement à la première période où seul un rapprochement avec les gens de groupes ethniques minoritaires et des représentants de communautés ethniques était envisagé. La première période voit en ce sens apparaître les premiers constats quant à la présence d'origines diversifiées dans certains milieux et aux enjeux que cela représente, de même qu'aux façons d'entrer en contact avec ces populations, de les inciter à devenir membres, ou encore, à s'impliquer au sein du Mouvement,de telle sorte que sa composition soit davantage représentative de la diversité ethnique de la population et puisse ainsi mieux répondre à ses besoins. Certaines stratégies et orientations en lien avec les perceptions et préoccupations exprimées pendant cette même période ont également été mises en place notamment à l'intérieur d'un plan d'action visant à dresser un portrait de la situation et à favoriser un rapprochement des groupes ethniques minoritaires telles que des activités de formation et de sensibilisation à l'intention des cadres de caisses populaires. De façon plus informelle, certaines stratégies sont davantage axées sur l'attitude à adopter pour transiger avec des clientèles pluriethniques. Les actions entreprises sont quant à elles peu nombreuses pendant cette première période et se traduisent essentiellement par des dons symboliques faits par des bénévoles dans le but d'accroître la coopération entre les Québécois de diverses origines ou encore par la présidence de fêtes nationales au sein de diverses communautés. Les résultats soulignés demeurent limités si ce n'est que le succès de certaines approches adoptées par des caisses populaires dans un contexte pluriethnique.

La seconde période voit d'abord apparaître de nouvelles perceptions et préoccupations concernant la pluriethnicité québécoise qui se manifestent d'abord timidement par une prise de conscience de la situation démographique du Québec et

de l'importance de l'intégration des immigrants à la société québécoise pour l'avenir du Mouvement Desjardins qui est très lié au destin du Québec. À cette perception de la pluriethnicité, s'ajoute également, pendant cette période, une conception de celle-ci en terme de potentiel économique qui cible de façon simultanée le marché «anglophone» et «allophone» et établit des stratégies de développement et de renforcement sur une base linguistique en associant certains groupes ethniques à la stratégie anglophone et d'autres à la stratégie allophone. Cette nouvelle orientation donne lieu à une politique linguistique qui, tout en affirmant la prédominance du français au sein du Mouvement, affirme son ouverture vis-à-vis l'utilisation de l'anglais de même qu'à des stratégies de partenariats avec des organismes qui dispensent de la formation aux «nouveaux arrivants». Des stratégies publicitaires, de même que des travaux de recherche ayant pour but d'établir le potentiel d'affaire par «communauté culturelle» ont également été mis en place. Cette nouvelle orientation qui transparaît dans le discours est liée à l'apparition du nouveau vocabulaire qui s'approprie la réalité pluriethnique davantage en termes de «marché anglophone et allophone» et qui remplace dans bien des cas celui qui, pendant la première période, faisait plutôt référence à l'appartenance ethnique et culturelle ainsi qu'au statut d'immigrant en utilisant le concept québécois de «communauté culturelle» de même que celui d'«immigrant» (voir tableau en annexe II).

Cette seconde période donne lieu à différentes actions qui se concrétisent notamment à travers les partenariats établis avec des organismes comme par exemple, l'octroi de bourses d'études à des jeunes d'origine immigrée, le soutien à un colloque sur la régionalisation de l'immigration et l'aide à l'ouverture d'un compte à partir du pays d'origine pour les nouveaux arrivants. L'adaptation de caisses populaires à la pluriethnicité en donnant des cours d'anglais à son personnel et en offrant des services multilingues constitue un autre exemple de ces réalisations. Les résultats positifs sont liés notamment à l'acquisition de la Fiducie canadienne italienne et son impact sur la diversité culturelle chez Desjardins, de même que la formation offerte aux «nouveaux

arrivants» sur l'environnement financier au Québec ainsi qu'une offre accrue de services bilingues au niveau informatique et de services multilingues dans les caisses de la région métropolitaine. Malgré ces résultats positifs, certaines difficultés inhérentes à la nature même du Mouvement Desjardins et au caractère peu évocateur du mot «caisse» pour les «nouveaux arrivants» qui ont tendance à aller dans les banques, rendent plus difficile le rapprochement avec les groupes ethniques minoritaires sans compter la méconnaissance généralisée de Desjardins auprès de ces populations. Certaines lacunes telles que la perte de bonnes recrues «non- francophones» en raison de réingénieries et de fusions ainsi que la faible représentativité des minorités ethniques parmi les employés du Mouvement sont identifiées et le travail qu'il reste encore à accomplir pour percer ces nouveaux marchés est souligné.

L'ouverture prévue du Centre de services de l'Ouest-de-l'Île de Montréal au cours de cette période est liée à la mise en place d'un plan de développement des marchés allophone et anglophone adopté par le conseil d'administration, de même qu'un plan de visibilité et de représentativité par les trois caisses impliquées dans le projet. L'ouverture prévue de ce centre est accompagnée de la consultation de sondages provinciaux sur l'image de Desjardins dans les communautés «anglophone» et «allophone» et dont les résultats sont favorables pour l'ouest du Québec chez les répondants membres. Des publicités ont été faites pour rejoindre ces marchés de même qu'un renforcement des services bilingues, de la documentation en langue anglaise et l'embauche de personnel de diverses origines ethniques. Le premier anniversaire du Centre se solde par une présence de plus de 400 nouveaux membres et un volume d'affaires de 25 millions malgré certains obstacles liés à la difficulté d'avoir une vision commune du projet entre les caisses et à la sensibilisation du personnel issu du milieu bancaire aux valeurs de Desjardins. Enfin, le manque de notoriété de Desjardins dans le milieu anglophone est considéré comme une réalité

qui rend plus difficile le processus de recrutement de personnel qualifié de langue anglaise.

En résumé, l'analyse a permis de faire ressortir diverses représentations de la pluriethnicité québécoise au sein du Mouvement Desjardins pendant la période s'étendant de 1998 à 2005 allant des perceptions abstraites aux réalisations et résultats concrets en passant par l'identification d'obstacles à l'atteinte de ces résultats et d'auto-critiques du Mouvement Desjardins à ce sujet. La prochaine section propose une interprétation de ces résultats en fonction des différents éléments exposés dans le contexte théorique de recherche.

4.4 Interprétation globale des résultats: évolution des représentations