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CHAPITRE VI- SYNTHESE ET PERSPECTIVES

6.1 Synthèse des travaux réalisés

6.1.2 Synthèse des principaux résultats

6.1.2.1 Successions des communautés à haute résolution temporelle

Dès le premier mois d’exposition, les blocs ont été colonisés par des filaments microperforants. Ces premiers filaments appartenaient uniquement à des espèces pionnières qui présentent des cycles de vie courts caractéristiques des communautés immatures (Figure 49). Parmi ces espèces pionnières les chlorophycées du genre Phaeophila sp. et Eugomontia sp. ont pu être observées mais également une cyanobactérie, Mastigocoleus testarum.

Après trois mois d’exposition il a été possible d’observer les premiers filaments d’Ostreobium

quekettii dans les squelettes coralliens (Figure 49). Même si les abondances des espèces pionnières

diminuent avec le temps celles-ci restent encore largement dominantes.

A partir de cinq mois de colonisation un basculement dans les communautés microperforantes est réalisé. Alors que les espèces pionnières étaient dominantes, l’abondance d’Ostreobium a fortement

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augmenté et elle tendait à devenir l’espèce dominante, caractérisant ainsi les communautés dites matures.

Après six ou sept mois d’exposition aux microperforants, les squelettes coralliens sont abondamment colonisés par Ostreobium. En effet, les espèces pionnières représentaient moins de 10% des microperforants et les communautés matures étaient dominantes.

Après un an d’exposition les communautés microperforantes sont stabilisées et largement dominées par O. quekettii.

6.1.2.2 La dynamique de la dissolution biogénique à haute résolution temporelle

La dissolution biogénique augmente au cours du temps, de façon non linéaire, en passant de moins de 1 mg à plus de 900 g de carbonate de calcium dissous par m2 de récif après douze mois d’exposition. Les travaux réalisés ont permis de mettre en évidence pour la première fois trois étapes dans le processus de dissolution biogénique qui dépendent fortement des successions des communautés microperforantes (Figure 49).

La première étape est réalisée durant les trois premiers mois et se caractérise par une dominance des communautés immatures qui restent en surface et conduisent à des taux de dissolution biogénique très faibles (<35 g m-2 mo-1).

La deuxième étape intervient après quatre mois d’exposition et se caractérise par l’installation et le développement en profondeur des filaments d’O. quekettii. Cette étape conduit à une forte augmentation des taux de dissolution biogénique qui ont pu dépasser les 500 g m-2 mo-1. C’est également au cours de cette étape qu’a été mesurée la valeur maximale de dissolution biogénique (jusqu’à 900 g m-2) après sept ou douze mois d’exposition (Figure 49).

Enfin, la dernière étape qui intervient après sept ou douze mois de colonisation (selon les paramètres externes), se caractérise par une large dominance d’O. quekettii qui a atteint sa profondeur maximale de pénétration (appelée profondeur de compensation) et induit une

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stabilisation de la dissolution biogénique (atteinte d’un plateau) et donc des taux plus faibles (<30 g m-2 mo-1). L’hypothèse serait que cette dernière étape se poursuivrait au-delà d’un an d’exposition.

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6.1.2.3 L’influence des facteurs externes biotiques/abiotiques

En plus des successions de communautés microperforantes d’autres facteurs externes ont influencé le processus de dissolution biogénique.

6.1.2.3.1 Facteurs biotiques : le broutage et le couvert épilithiques

Parmi les facteurs biotiques contrôlant la dissolution biogénique, le broutage est sans doute le plus important. Il avait été démontré précédemment, au cours de séries temporelles uniques que selon son intensité celui-ci pouvait stimuler ou au contraire réduire la dissolution biogénique. En effet, un broutage peu intense permettrait d’augmenter les apports lumineux aux microperforants qui pourraient alors se développer plus en profondeur, ce qui augmenterait donc la dissolution biogénique. Au contraire, un broutage trop intense éliminerait les filaments microperforants plus rapidement que leur développement en profondeur dans les substrats, ce qui réduirait alors la dissolution biogénique. Les travaux présentés ici ont permis de confirmer ce lien existant entre les brouteurs et les microperforants mais surtout d’observer plus en détail et au cours de six séries temporelles cette relation synergique. Dans le cas d’un broutage peu intense intervenant durant l’étape 3 de stabilisation de la dissolution biogénique, celui-ci permet aux filaments microperforants ayant atteint leur profondeur de compensation de se développer plus en profondeur et donc de maintenir des valeurs de dissolution biogénique élevées. Dans le cas d’un broutage plus intense intervenant avant six mois de colonisation par les microperforants, celui-ci permettrait de favoriser la dominance d’O. quekettii dans les communautés. Cette espèce ayant la capacité de se développer en profondeur se trouve, en effet, protégée du broutage alors que les espèces pionnières qui restent en surface sont éliminées par le broutage intense. En revanche, le broutage plus intense réduirait de manière artificielle la dissolution biogénique mesurée. En effet, une partie du substrat bioérodé par les microperforants est ingérée par les brouteurs et donc ne pourra pas être prise en compte dans le calcul de la dissolution biogénique. Celle-ci est qualifiée de résiduelle. Enfin, ces travaux ont permis de démontrer une activité de broutage plus élevée sur des substrats fortement colonisés par

O. quekettii.

Alors que l’effet du broutage sur la dissolution biogénique avait été observé à plusieurs reprises l’influence du couvert épilithique (c’est-à-dire le biofilm et les algues présents à la surface d’un

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substrat) n’avait été observée qu’une fois dans des squelettes coralliens exposés douze mois. Le couvert épilithique influence non pas directement la dissolution par les microperforants mais les espèces microperforantes de par leur capacité spécifique à utiliser la lumière. La dominance d’algues encroûtantes et filamenteuses à la surface des substrats limite physiquement les apports lumineux dans les squelettes coralliens et permet ainsi l’installation d’O. quekettii. Ostreobium est en effet, qualifiée de « sciaphile » (qui aime l’ombre) et est connue pour se développer dans des milieux avec de faibles niveaux lumineux. Elle peut être retrouvée jusqu’à plus de 300 m de profondeur. Il a été montré au cours de ces travaux que le retard dans le recrutement des algues encroûtantes sur les substrats entrainait directement un retard de l’installation d’O. quekettii et donc qu’un niveau lumineux élevé ne permettait pas son recrutement. A l’inverse, la présence d’algues éparses permet de maintenir des niveaux lumineux importants en laissant passer la lumière et favorise les espèces pionnières. Ces espèces pionnières sont dites « photophiles » et requièrent des niveaux lumineux importants pour leur croissance.

6.1.2.3.2 Facteurs abiotiques : la température, la turbidité et les nutriments

Cette première étude réalisée in situ a permis un suivi en parallèle des communautés microperforantes, de la dissolution biogénique mais également d’un nombre important de paramètres environnementaux tels que la température, la salinité, la turbidité, la fluorescence… Parmi ces paramètres, ce sont essentiellement les variations temporelles de la température, la turbidité ainsi que des concentrations en nutriments qui ont impacté la microbioérosion. Cependant, ces trois paramètres n’ont pas eu le même effet. La température et la turbidité semble avoir impacté les successions des communautés microperforantes alors que les nutriments semblent avoir influencé la dissolution biogénique.

Des températures de l’eau plus basses et combinées à une turbidité élevée qui entraîne un niveau lumineux plus faible, ont conduit à un ralentissement des successions de communautés microperforantes. Dans ces conditions, les communautés sont restées plus longtemps au stade immature (2 mois supplémentaires) et l’installation d’O. quekettii a été retardée d’un mois. En conséquence la dissolution biogénique mesurée a été plus faible.

Le site d’étude est caractérisé par des eaux oligotrophes. Au cours d’une des séries temporelles un pic de phosphates a été observé durant les premiers mois de colonisation par les microperforants. Ce

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pic ne semble pas avoir impacté les successions des communautés microperforantes mais a pu stimuler le développement des filaments présents à la surface et en profondeur. La stimulation des microperforants a eu pour conséquence une accélération de la dynamique temporelle de dissolution biogénique ce qui a entrainé des valeurs de dissolution plus élevées après un an d’exposition.

6.1.2.4 La variabilité interannuelle et saisonnière de la microbioérosion

La microbioérosion a été étudiée pour la première fois au cours de plusieurs séries temporelles d’un an. Ces séries ont permis d’observer la variabilité interannuelle de ce processus en comparant d’une part les trois séries commençant en été et d’autre part les trois séries commençant en hiver mais également sa variabilité saisonnière en comparant les trois séries dont la colonisation a commencé l’été avec les trois séries dont la colonisation a commencé l’hiver.

Les travaux présentés ici ont mis en avant une forte variabilité interannuelle de la microbioérosion au cours des séries commençant l’été alors que le processus semble stable lorsqu’il commence en hiver. Cette forte variabilité interannuelle s’explique par une plus forte variabilité des paramètres environnementaux au niveau du site d’étude durant les premiers mois de colonisation, soit durant la saison estivale. En effet, la Nouvelle-Calédonie a été impactée par un phénomène El Niño durant l’été 2010 entraînant des chutes de température de l’eau et une plus forte turbidité dans la zone. Ces conditions ont ralenti le processus de microbioérosion comme expliqué ci-dessus. Durant l’été 2011, un cyclone a frappé la zone d’étude entraînant une augmentation des nutriments liée à la fois à la remise en suspension et aux fortes pluies qui ont apporté des nutriments de source continentale dans la zone d’étude. Ces conditions semblent avoir fortement stimulé la microbioérosion. Enfin, les conditions environnementales étaient stables durant l’été 2012 et le processus de microbioérosion se déroulant durant la série temporelle correspondante pourrait donc constituer la dynamique temporelle de la microbioérosion « type ».

En plus de la variabilité interannuelle, une forte variabilité saisonnière de la microbioérosion a été observée. En effet, les séries temporelles démarrant en été ont présenté des dissolutions biogéniques 2,7 fois plus élevées après un an d’exposition que celles démarrant en hiver. Cette différence significative est due à la fois à une accélération des successions des communautés microperforantes

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lors des séries d’été aux conditions environnementales favorables (température plus élevée et faible turbidité), mais surtout à l’installation précoce, dès 3 mois, d’O. quekettii.

6.2 L’importance de la dissolution biogénique et de la bioérosion

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