l’étude
Cette étude bibliographique jette la lumière sur la complexité de la réaction de
trans-formation de la lignocellulose en sucres simples par le moyen de cocktails enzymatiques.
Cette complexité se manifeste au niveau de la nature et des interactions au sein des
systèmes enzyme-substrat et a comme conséquence directe la difficulté d’isoler et de
quantifier expérimentalement l’effet d’un paramètre sur l’ensemble du système malgré le
I.8. Synthèse, position du problème et objectif de l’étude
recours à des techniques de plus en plus poussées.
L’hétérogénéité des substrats lignocellulosiques tant au niveau de leur composition
(fractions lignine, hémicellulose et cellulose) que de leur structure (répartition des fractions
lignine et hémicellulose, degré de cristallinité, porosité . . .) rend sa caractérisation délicate.
Un grand nombre de techniques expérimentales sont proposées et ont été utilisées à la
fois pour qualifier et quantifier ces différents aspects et leur évolution durant la réaction.
Chaque technique, de par son principe physique et de par sa mise en œuvre aboutit à un
type de données spécifiques qu’il convient d’interpréter avec précaution en se replaçant
dans le contexte de l’étude afin d’éviter de tirer des conclusions hâtives. La cristallinité à
titre d’exemple illustre bien cette dépendance à la technique de mesure comme mentionné
auparavant. Cela est à dissocier bien évidemment de la qualité intrinsèque de la mesure
qui est aussi un point très important.
Au-delà des facteurs liés aux propriétés du substrat, la nature des enzymes utilisées
conditionne bien sûr la vitesse de l’hydrolyse. Les cocktails enzymatiques sont composés
de différentes enzymes distinctes ayant chacune son mode d’action et sa sensibilité à
l’en-vironnement. L’action coopérative des enzymes aboutit à la modification progressive des
propriétés du substrat et du milieu réactionnel. Ce double impact se met en place et se
répercute sur l’ensemble du système y compris sur les enzymes elles-mêmes (FigureI.12).
En effet, la réactivité du substrat diminue dans le temps puisque les fractions facilement
hydrolysables sont converties préférentiellement et l’accessibilité chute. Simultanément,
les concentrations en sucres simples dans le milieu réactionnel augmentent et inhibent
les différentes activités enzymatiques. Comme conséquence directe de cette dynamique
complexe du système, la vitesse globale de la réaction de transformation chute
progressi-vement sans atteindre des taux de conversion satisfaisants même à des temps longs et à
des charges en biocatalyseur importantes.
Le passage à l’échelle d’un procédé avec les contraintes que cela impose (design, type
d’alimentation, hydrodynamique . . .) nécessite le développement d’un modèle fiable qui
puisse apporter des réponses à l’ensemble de ces questionnements. Les modèles les plus
utilisés dans la littérature sont basés sur des schémas cinétiques de type Michaelis-Menten
ou d’adsorption en mode batch. La structure de ce type de modèles est simple avec une
seule variable à savoir la concentration du substrat en phase liquide quelque soit son
FigureI.12 – Schéma global de l’hydrolyse enzymatique : conséquences sur le substrat et
les enzymes.
état (soluble, particulaire, composition, taille . . .) et un certain nombre de paramètres
globaux accessibles expérimentalement via un fitting de données typiques d’hydrolyse
(évolution temporelle des concentrations en sucres produits). Pour gérer la complexité
liée aux différents facteurs limitants, de nouveaux paramètres sont rajoutés aux modèles
sans toutefois changer leur structure profonde. C’est le cas par exemple pour les effets
d’inhibition, d’adsorption ou de désactivation. Néanmoins, rajouter l’adsorption, par
exemple, sans disposer d’une information sur l’état et les propriétés du substrat n’a pas
beaucoup de sens d’autant plus que ce substrat subit des modifications morphologiques
et structurales importantes durant la réaction. De ce fait, la fiabilité de tels modèles est
très limitée et ceux-ci perdent leur capacité prédictive et leur pertinence hors de leurs
conditions d’établissement.
Se rendant compte du défaut structurel de ces modèles cinétiques, des tentatives
pour proposer des approches qui se basent sur une ou plusieurs propriétés du substrat
et/ou du biocatalyseur sont développées. La difficulté dans ce cas réside à la fois dans
le choix de(s) la propriété(s) et dans la profondeur à laquelle le problème est traité
puisque cela conditionne non seulement l’aspect expérimental (besoin de techniques
appropriées pour alimenter le modèle et le valider) mais aussi l’aspect mathématique
(besoin d’un outil suffisamment avancé et robuste pour accompagner ces choix). En
effet, une description sommaire du système génère les mêmes insuffisances qu’avec les
approches classiques (MM et adsorption) et une description fine de la réaction comme
I.8. Synthèse, position du problème et objectif de l’étude
dans le cas des modèles stochastiques requiert un formalisme mathématique complexe (et
pas toujours compatible pour le changement d’échelle et les diverses interactions entre les
composantes du système) et des moyens expérimentaux très lourds à mettre en œuvre.
Compte tenu de toutes ces considérations, l’objectif de ce travail est de développer
un modèle générique pour décrire la réaction d’hydrolyse enzymatique de la cellulose qui
prend comme variable la distribution de taille des particules/chaines du substrat (une
hétérogénéité structurale) et comme paramètres les activités enzymatiques élémentaires.
Le choix de la variable taille pourrait permettre de gérer avec efficacité la dynamique du
système en intégrant les phénomènes limitants (e.g. évolution de la surface développée)
d’une façon appropriée.
Le challenge étant de disposer d’un outil suffisamment avancé pour décrire l’action
des enzymes et les conséquences sur les propriétés du substrat, suffisamment flexible
pour intégrer l’ensemble des processus élémentaires et aborder les questions relative à
la conception optimale d’un procédé. Pour cela, nous avons choisi de nous appuyer sur
le formalisme de bilan de population. Cette approche a montré sa puissance dans la
mo-délisation des systèmes dispersés (e.g. cristallisation, extraction liquide-liquide, systèmes
diphasiques gaz-liquide) et offre une ouverture pour des extensions selon le besoin (e.g.
couplage avec l’hydrodynamique, rajouter une ou plusieurs variables). Nous avons donc
choisi de mettre en œuvre les outils éprouvés du Génie des Procédés pour traiter du cas
de systèmes réactifs à phase dispersée (catalyse hétérogène, bilan de population) et d’y
intégrer les connaissances spécifiques de la biocatalyse enzymatique.
Le développement de ce modèle se décline en deux grandes parties. La première partie
est dédiée aux développements mathématiques à la fois analytiques et numériques
né-cessaires à la formulation et à la résolution du bilan de population dans le contexte de
l’hydrolyse enzymatique. La deuxième partie est consacrée à la métrologie nécessaire pour
alimenter le modèle et le confronter à l’expérience.
Chapitre II
Matériel et méthodes expérimentales
Comme mentionné dans le Chapitre I, cette étude comporte un volet expérimental
visant à alimenter la partie modélisation. Ce chapitre est donc consacré à la description
de cette partie expérimentale.
Nous abordons en premier lieu le dispositif expérimental à savoir les conditions
géné-rales de conduite des expériences, le(s) substrat(s) et les enzymes utilisés. En deuxième
lieu, une description des outils de caractérisation biochimique et physique est donnée.
L’accent sera mis sur l’interprétation des données expérimentales selon l’outil utilisé.
II.1 Dispositif expérimental
Les expériences d’hydrolyse sont conduites dans un réacteur muni d’une double
en-veloppe (pour la régulation thermique) de volume utile de 0.5 L et d’un couvercle pour
minimiser l’évaporation. Pour s’affranchir de l’effet des conditions opératoires, celles-ci
restent fixes autour de leurs valeurs optimales pour l’ensemble des expériences. La vitesse
d’agitation est fixée à 200 rpm en utilisant un agitateur à quatre pales inclinées. La
tem-pérature est régulée autour de 40 ˚C à l’aide d’un thermostat en faisant circuler de l’eau
chaude dans l’enveloppe du réacteur. Nous avons utilisé une solution tampon acétate 50
mM pour maintenir le pH à 4.8. De plus, une sonde pH et un thermomètre sont utilisés
pour s’assurer que la température et le pH restent constant durant la réaction. Pour éviter
le développement bactérien dans le milieu réactionnel, les solutions sont supplémentées
avec de l’azide de sodium (N aN
3) à 0.1 % massique. Dans l’ensemble des expériences,
sauf mention spécifique, la concentration en substrat est de 1 % massique et la durée est
de 144 h.
Pour le suivi de la réaction d’hydrolyse, des prélèvements séquentiels sont réalisés
des-tinés aux différentes analyses physiques et biochimiques qui seront décrites ultérieurement.
Un suivi in-situ et en continu de l’évolution de la distribution de taille des particules du
substrat est assuré par une sonde FBRM (Focused Beam Reflectance Measurement). Le
schéma global du dispositif expérimental est donné dans la Figure II.1.
FigureII.1 –Dispositif expérimental utilisé pour la conduite des expériences d’hydrolyse
Pour bloquer l’action des enzymes, les prélèvements destinés aux différentes analyses
sont plongés directement dans de l’eau bouillante (T > 90 ˚C) pendant 10 mn et
centri-fugés à 2000 g pendant 10 mn pour séparer les phases liquide et solide si nécessaire avant
d’être stockés à -20 ˚C.
Dans le document
Modélisation de l’hydrolyse enzymatique de substrats lignocellulosiques par bilan de population
(Page 73-80)