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o Caractéristique du Pacifique tropical

- Variabilité significative sur un large spectre de fréquence

- Echelle la plus énergétique : échelle interannuelle / ENSO

ENSO est un phénomène climatique couplé entre l’océan et l’atmosphère qui se manifeste plus ou moins régulièrement tous les 2 à 7 ans. Bien qu’il prenne naissance dans les tropiques, il imprime sa signature dans la totalité du bassin Pacifique ainsi que dans les autres bassins océaniques via des téléconnexions océaniques et atmosphériques. Bien que pouvant être vu comme une suite d’événements indépendants, ENSO est d’un point de vue théorique et conceptuel généralement envisagé comme un oscillateur. De nombreuses théories ont plus ou moins réussi à expliquer cette nature oscillante entre épisodes chauds (El Niño) et épisodes froids (La Niña). Néanmoins peu nombreuse sont les études à aborder explicitement l’irrégularité de l’oscillation, notamment la forte asymétrie positive du phénomène ainsi que sa propension à faire croître les anomalies jusqu’à l’apparition d’un épisode extrême, comme ceux de 1982/83 ou 1997/98 par exemple.

- Basses fréquences ( > 10 ans)

Le Pacifique tropical est le siège d’une variabilité basse fréquence significative des échelles décennales aux échelles milléniales. Cette variabilité influence les variations lentes de l’état moyen du Pacifique tropical à même de moduler les caractéristiques d’ENSO. Celles-ci peuvent être responsables en retour d’une rectification de l’arrière plan climatique au sein d’une boucle de rétroaction susceptible de faire intervenir l’ensemble des échelles temporelles présentes dans le spectre.

Malgré la richesse de ce dernier, seule la modulation décennale à inter-décennale du phénomène a été abordée dans cette thèse. Plusieurs mécanismes ont été proposés faisant notamment intervenir les moyennes latitudes comme forçage extérieur au système climatique tropical. Néanmoins, des études récentes (certes peu) reposant sur l’étude du Pacifique tropical en tant que système dynamique nonlinéaire et faisant intervenir des outils propres à

Synthèse et objectifs

la théorie du chaos ont émis la possibilité que le système climatique tropical était capable de générer lui-même (sans forçage extérieur et même sans le forçage saisonnier) ce spectre presque continu via des processus nonlinéaires capables de produire une cascade d’énergie des basses fréquences vers les plus hautes et vice-versa. Il est d’ailleurs intéressant de constater que cette approche et les mécanismes thermodynamiques qui en découlent permettent d’expliquer, en plus de la modulation basse fréquence, une partie de l’irrégularité des distributions statistiques des variables climatiques, son asymétrie en l’occurrence.

- Hautes fréquences (< 6 mois)

Le Pacifique tropical connaît également une forte variabilité aux échelles sub- saisonnières qui lui est essentiellement communiquée par le biais des hautes fréquences provenant de l’atmosphère. Une des origines de cette forte variabilité aux échelles intra- saisonnières dans les tropiques est l’oscillation atmosphérique grande échelle (spatiale) de Madden-Julian qui s’exprime temporellement entre 30 et 70 jours. Outre les phénomènes couplés qu’elle est à même de générer de manière directe, elle est également susceptible de déclencher des ondes océaniques équatoriales de type Kelvin.

Cette variabilité intra-saisonnière s’avère être plus que du simple bruit blanc atmosphérique puisqu’elle a été évoquée comme mécanisme déclencheur et/ou entreteneur/excitatrices des fortes anomalies positives liées aux épisodes El Niño et qu’en retour le réchauffement induit par El Niño pouvait accroitre le probabilité d’apparition de coups de vent d’ouest.

Cette variabilité intra-saisonnière interagit donc avec le cycle ENSO et est potentiellement capable de le rectifier. Cette possibilité de rectification par les mécanismes associés à la propagation des ondes (déclenchées par des événements de type MJO, WWB) n’a pour le moment pas fait l’objet d’études scientifiques. Cette propagation qui implique divers modes baroclines est largement susceptible d’affecter les propriétés de subsurface du Pacifique équatorial aux plus basses fréquences, notamment dans l’est du bassin où la thermocline peu profonde rend les modes baroclines élevés plus prépondérants.

Synthèse et objectifs

o Objectifs scientifiques de la thèse

Le contexte de ce travail de thèse est, selon le concept intégrateur de Meehl et al. (2001), de comprendre la variabilité climatique dans le Pacifique tropical en appréhendant l’ensemble des échelles de variabilité du système climatique au sein d’un continuum d’interactions d’échelles temporelles, plutôt que de voir classiquement cette variabilité comme le résultat unilatéral d’une somme de causes extérieures. Il s’agit là d’un cadre très vaste. Aussi, nous consacrerons-nous à deux exemples précis d’interaction, le premier des basses fréquences vers les hautes et le second des hautes fréquences vers les basses :

- Influence de l’état moyen sur la variabilité et l’irrégularité d’ENSO (du décennal/multidécennal à la variabilité interannuelle)

- Influence de la variabilité intra-saisonnière sur l’état moyen dans le Pacifique tropical Est (upwelling Péruvien) (de l’intra-saisonnier vers le saisonnier)

o Outils utilisés

A chaque type d’interaction sa méthode et ses outils. Dans la première partie de cette thèse, nous allons utiliser un ensemble de méthodes statistiques permettant de quantifier de manière mathématiquement rigoureuse la variabilité basse fréquence (associée ici aux changements de régimes induits par les shifts climatiques, sauts abrupts dans la moyenne des séries temporelles) ainsi que les moments statistiques représentatifs de l’irrégularité d’ENSO. Ces méthodes seront appliquées à de longues séries temporelles couvrant l’ensemble du Pacifique tropical. Ces séries temporelles seront aussi bien issues de produits de reconstructions historiques, que de sorties de modèles couplés intermédiaires et de modèles couplés de circulation générale.

Pour obtenir l’échantillonnage spatio-temporel nécessaire à l’étude de la variabilité intra-saisonnière, nous aurons recours à la modélisation haute résolution et nous utiliserons pour cela le modèle régional océanique ROMS. L’ensemble des fréquences étudiées et des méthodes utilisées est résumé dans la figure I.33.

Synthèse et objectifs

Figure I.33. Diagramme schématique résumant les différentes interactions d’échelles abordées au cours de cette thèse ainsi que les outils utilisés pour les aborder. D’après Meehl et al. (2001).

o Structure de la thèse

Après une première phase de description mathématique des outils statistiques et des données (chapitre 2), nous aborderons la modulation basse fréquence de l’irrégularité d’ENSO dans les données et les modèles dans un contexte de variabilité naturelle (chapitre 3) puis anthropique (chapitre 4) et la possibilité d’un feedback interactif entre ENSO et variabilité interdécennale (chapitres 3 et 4). Dans un cinquième chapitre, nous étudierons plus spécifiquement le Pacifique tropical Est et notamment la rectification de son état moyen par la variabilité intra-saisonnière. Nous finirons par la conclusion et quelques perspectives sur la pertinence de considérer le système climatique tropical comme pilote de la variabilité climatique globale.

Chapitre II. Mise en place du formalisme