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Préambule : que savons-nous de la réponse moyenne du Pacifique tropical au réchauffement de ces dernières

Chapitre IV. Evolution de l’irrégularité et des nonlinéarités d’ENSO sous des hypothèses de

IV.1. Préambule : que savons-nous de la réponse moyenne du Pacifique tropical au réchauffement de ces dernières

années et de son implication dans l’évolution des

caractéristiques d’ENSO ?

La question de savoir comment le Pacifique équatorial va répondre à l’augmentation du forçage radiatif n’a toujours pas trouvé de consensus malgré une importance capitale dans les caractéristiques d’ENSO (notamment sa stabilité). Le débat pour savoir si le Pacifique équatorial va évoluer vers une tendance « El Niño-like » (gradient de SST équatorial plus atténué) ou « La Niña-like » (gradient de SST équatorial renforcé) reste en effet vif au sein de la communauté scientifique (Vecchi et al., 2008). Cette difficulté résulte en partie du fort couplage entre la circulation atmosphérique de Walker et la profondeur de la thermocline dans l’est du bassin pacifique équatorial. Du fait de ce couplage entre atmosphère et océan de subsurface, la réponse à un forçage radiatif accru n’implique pas nécessairement des SST plus chaudes. Les deux principales théories en compétition différent justement dans leur considération de la nature et de la force de ce couplage (Tung et Zhou, 2010).

Clement et al. (1996) ont émis l’hypothèse d’un « océan thermostat » dans lequel les SST du pacifique est sont majoritairement contrôlées par l’upwelling équatorial d’eaux froides de subsurface. En conséquence de ce mécanisme, le réchauffement local aura tendance à augmenter les SST uniquement dans l’ouest du bassin. Le gradient de SST est-ouest résultant tendra à renforcer la circulation de Walker, et en particulier la branche de surface (i.e. les alizés, vents d’est) qui va faire augmenter l’upwelling dans le Pacifique est et confiner les eaux chaudes de surface à l’ouest. Cette rétroaction positive aura une signature en SST de

surface, dite « La Niña-like » (chaud au-dessus de la Warm Pool, froid au-dessus de la Cold Tongue, résultant en un gradient zonal de SST intensifié).

D’un autre coté, Held et Soden (2006) et Vecchi et Soden (2007) ont suggéré que les circulations tropicales et spécialement les recirculations zonales (la branche de Walker par exemple) allaient s’affaiblir dans un climat plus chaud. Ce relâchement des alizés conduirait à un état « El Niño-like », à savoir une Cold Tongue plus chaude. Cette réponse apparaît robuste dans les modèles couplés de circulation générale : une SST plus chaude entraîne en fait une diminution de la convection car la teneur en vapeur d’eau de la basse troposphère augmente plus rapidement que les précipitations globales moyennes (Held et Soden, 2006). Xie et al. (2010) ont récemment mis un bémol à cette théorie en suggérant que la réponse au réchauffement global serait moins « El Niño-like » que prévue par Held et Soden (2006) à cause du renforcement des alizés-sud au sud de l’équateur, du fait de l’asymétrie hémisphérique en termes de surface océans-continents (Liu et al., 2005).

Cette ambiguïté se poursuit jusque dans les observations ! En effet, Vecchi et al. (2008) ont montré une réponse disparate en fonction des jeux de données étudiés. Par exemple, la tendance sur la période 1880-2005 pour HadISST est plutôt « La Niña-like », bien que cela soit remis en question dans l’article récent Deser et al. (2010) qui montre que le pattern « La Niña-like » pourrait être dû à un effet d’interpolation. Le produit reconstruit ERSST exhibe en revanche une tendance « El Niño-like ». Karnauskas et al. (2009) ont trouvé que le gradient zonal de SST était dépendant de la saison (renforcement durant l’automne boréal et affaiblissement au printemps). En outre, les théories précédemment présentées mettent en avant le rôle de l’océan de subsurface dans le Pacifique équatorial est. Or, les données de subsurface sont très hétérogènes et ne couvrent généralement qu’une faible période temporelle, insuffisante pour dégager des tendances à long terme. Ainsi de nombreuses études ont recours à la modélisation et notamment aux modèles couplés de circulation générale.

Cependant, il est important de préciser que ces modèles climatiques couplés exhibent un biais froid significatif dans la région pourtant capitale de la Cold Tongue. Plusieurs raisons ont été proposées pour expliquer ce biais froid. Alors que certains auteurs suggèrent l’importance du mélange vertical et latéral dans la représentation des courants équatoriaux et donc de la dynamique de cette région (Cravatte et al., 2006, Noh et al., 2005), d’autres mettent en avant l’importance des caractéristiques bathymétriques de l’archipel des Galápagos (Eden and Timmermann, 2004; Karnauskas et al., 2007). Ajoutons à cela une mauvaise représentation de la zone de convergence inter-tropicale dans les modèles du CMIP3 qui est

associée à de trop faibles précipitations sur le Pacifique équatorial et à une surestimation des alizés (Lin, 2007).

Figure IV.1 Diagramme schématique de l’impact du réchauffement climatique global sur l’état moyen du

Pacifique équatorial et sur la stabilité d’ENSO. Figure en haut à gauche : Evolution de l’état moyen et de la variabilité du Pacifique tropical sous des hypothèse de réchauffement global (plus d’informations dans le rapport de l’IPCC 2001 et Guilyardi et al., 2009). Figure en bas à gauche : Tendance dans les modèles et les reconstructions historiques dans la moyenne zonale des tensions de vent zonale (plus d’informations dans Vecchi et al., 2006). Figure en haut à droite : changements dans la pente de la thermocline attribué aux réchauffement global (DiNezio et al., 2010). Figure en bas à droite : Changements dans la stratification équatoriale verticale (Vecchi et Soden, 2007).

Devant de telles ambiguïtés dans la réponse moyenne de l’océan Pacifique équatorial, il apparaît d’autant plus difficile de diagnostiquer l’évolution de sa variabilité et notamment le comportement d’ENSO (sensible à l’état moyen zonal et vertical du pacifique tropical) dans un climat changeant. C’est pour cela que dans ce chapitre, nous avons pris le parti de

documenter l’évolution d’ENSO sous des hypothèses de réchauffement global non pas comme une conséquence directe d’un changement de l’état moyen du Pacifique tropical (comme résumé par la Figure IV.1 qui indique que le changement de vent zonaux prédits par les modèles du CMIP3 a des répercussions non seulement sur le gradient zonal de SST mais aussi sur les caractéristiques de sub-surface de l’océan de par l’hypothèse de l’océan thermostat impactant à la fois l’efficacité de l’advection zonale et verticale) mais plutôt comme un résultat de l’évolution des mécanismes linéaires et nonlinéaires impliquées dans l’oscillation (cf. Figure IV.2). Il a d’ailleurs été suggéré que l’occurrence et la variabilité d’ENSO n’étaient pas tant sensibles à la valeur réelle des températures globales mais plutôt aux changements et à la tendance de ces températures globales (Tsonis et al., 2003).

Nous allons donc diagnostiquer le changement de nonlinéarité mesuré par l’évolution du paramètre α sous des hypothèses de réchauffement climatique dans un ensemble de modèles couplés de circulation générale du GIEC. Cela nous permettra d’évaluer l’importance des mécanismes nonlinéaires sous-jacents impliqués dans le changement d’état moyen entre un climat du 20ème siècle et un climat chaud (en termes de forçages radiatifs accrus). Cette approche est cohérente avec celle préconisée par Meehl et al. (2001) car elle va nous permettre de considérer les interactions d’échelles entre variabilité interannuelle (et irrégularité) d’ENSO et changement d’état moyen. Il est également à noter que pour appréhender l’ensemble des mécanismes impliqués dans le changement de caractéristiques d’ENSO, nous avons considéré les modèles à la fois dans leur période stabilisée et transitoire (durant laquelle se mettent en place les nouveaux mécanismes, notamment nonlinéaires, induits par le réchauffement climatique global). Cela nous permettra en plus de bénéficier de séries temporelles d’autant plus longues. Les méthodes pour enlever la tendance (afin de stationnariser les séries temporelles) durant cette période transitoire sont exposées en détail dans la partie suivante.

Figure IV.2. Diagramme schématique de l’approche considérée dans ce chapitre.

De plus, la dernière figure du chapitre II (Figure II.14) nous assure qu’à la différence du diagnostique sur les tendances et les états moyens qui exhibent des différences selon les produits utilisés, nos outils de quantification de l’asymétrie et du poids des queues des

distributions sont cohérents entre tous les jeux de données considérés (à la fois sur la période globale et sur les périodes inter-shifts, non montré). Cela justifie notre approche et confirme (et étend) l’étude de Timmermann (1999) qui suggérait que le réchauffement climatique avait une signature plus claire et visible sur les moments statistiques d’ordre élevé que sur celui d’ordre 1 (état moyen).

IV.2.Evolution de la connexion entre état moyen et