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Chapitre 2 : Revue systématique de la littérature sur l’association entre la consommation

2.4 Synthèse de la littérature étudiée

Cette revue systématique de la littérature a permis de compiler les données comparatives sur l’usage de drogues illicites ou l’usage détourné d’opioïdes de prescription et le risque suicidaire afin de guider ce projet de recherche. Très peu d’études comparant spécifiquement les profils de consommations ont été relevées : moins de 10% des études ont atteint l’étape de la lecture

des articles malgré une approche très inclusive et uniquement 16 articles correspondaient aux critères PICOTS. Par ailleurs, la plupart des données pertinentes à la question décisionnelle sont issues d’analyses secondaires. Précisément, cette revue de la littérature souligne le manque d’études comparables sur l’utilisation de drogues. Les catégories de profils, de fréquence et d’intensité de consommation varient d’une étude à l’autre. Lorsqu’ils sont combinés à des échantillons de taille et de provenance variables, il en ressort des statistiques hétéroclites. Il est toutefois possible d’observer quelques trouvailles concordantes sur l’association entre le risque suicidaire et le profil de consommation.

En somme, les données disponibles ne montrent pas de différence de risque suicidaire entre la consommation de cocaïne ou d’héroïne. Quelques données pointent vers un impact accru de la consommation de cannabis, ou d’amphétamines inhalées ou injectées, mais d’autres études mettent en doute cette conclusion puisqu’elles n’ont pas décelé cette différence en comparaison avec les autres profils de consommation. Deux études montrent une plus grande association entre la consommation de sédatifs chez des utilisateurs et un historique de tentative de suicide. Une seule étude regardait l’effet du cannabis seul, mais en comparaison avec une population générale. Il était possible d’exclure l’effet des participants de la population générale en isolant les données comparatives au sein de ceux qui consomment le cannabis. Les résultats n’ont pas révélé de corrélation entre l’intensité de la consommation et un suicide subséquent. Les autres études présentant des données sur le cannabis offraient des données sur la co-utilisation de cannabis et d’une autre drogue ce qui empêche de comparer l’effet individuel du cannabis. Cette revue de la littérature met aussi en évidence les limites des données existantes. En date de 2014, une seule étude propose des données sur l’utilisation d’opioïdes de prescription détournée. Malheureusement, cette étude ne regarde que l’effet de l’intensité de la consommation et il est difficile de tirer de conclusions comparatives aux autres drogues. Finalement, presque toutes les études analysant l’impact de la consommation de plusieurs substances ont remarqué une association significative avec le risque suicidaire.

2.4.1 Analyse de la littérature étudiée

Les mesures d’intensité et de fréquence de la consommation varient beaucoup d’une étude à l’autre. Étant donné les impacts négatifs de la toxicomanie, il apparait logique de penser qu’une

consommation intense serait plus délétère. Selon la catégorisation des fréquences d’utilisation, il sera plus ou moins facile de prouver cette hypothèse ce qui peut expliquer les données contradictoires recueillies. Il peut être plus facile d’obtenir une association significative en regroupant les utilisateurs quotidiens. Cependant, ces groupes sont plus rares et le petit nombre de participants augmentent le risque d’erreur bêta (21). Il est difficile d’aborder le sujet de l’intensité de la consommation sans penser au phénomène du binge. Bien que les études retenues n’aient pu mettre en évidence un mécanisme pouvant expliquer l’association entre le risque suicidaire, la présence de résultats contradictoires entre différentes substances aux effets neurobiologiques divergents mène à penser que l’association ne serait possiblement pas complètement expliquée par le type de substance consommée. Elle pourrait plutôt être en partie liée au mode de consommation dont pourrait faire partie le binge. Fait étonnant, malgré l’abondance de données sur le comportement de binge d’alcool et ses effets sur le suicide, aucune des 204 études lues n’a abordé l’impact du binge sur le risque suicidaire. Le binge de drogue chez les utilisateurs de drogues représente alors un sujet hautement pertinent.

Plusieurs limites révélées dans cette revue résident aussi dans la méthodologie épidémiologique utilisée pour étudier le suicide. La population qui fait des tentatives de suicide diffère de la population qui meurt par suicide par rapport à leur sexe, leur âge et les méthodes essayées pour s’enlever la vie (107). De plus, la tentative de suicide est souvent mesurée par questionnaire autorapporté, ce qui peut sous-estimer l’incidence véritable et diminuer la force de l’association. L’usage de rapports de cotes ou de taux de risque renseigne sur la relation entre les deux phénomènes sans permettre de conclure un lien causal. Comme le suicide et la tentative de suicide sont rares, faire une étude transversale pourrait générer peu d’observations et être limitée dans sa puissance statistique. Par contre, les régressions logistiques de petites cohortes augmentent artificiellement le rapport de cotes si trop de covariables sont incluses (108). Les mesures répétées des cohortes longitudinales permettent d’augmenter le nombre d’observations. Pour le projet de recherche de ce mémoire, il serait donc possible d’étudier le risque suicidaire dans une cohorte longitudinale pour autant que celle-ci soit de grande taille. Les cohortes cliniques offrent une plus grande facilité pour recruter et suivre des participants. Elles permettent de mieux connaitre la clientèle qui utilise les services de santé. Ceci est aussi un désavantage puisqu’elles ne renseignent pas sur les utilisateurs de drogues qui devraient être intégrés dans

les services de santé. De plus, leur échantillon est souvent très spécifique ce qui limite leur validité externe. Les cohortes communautaires sont plus inclusives, même si elles sont généralement plus compliquées et coûteuses à bâtir. Il serait pertinent pour le projet de recherche d’observer les facteurs associés au risque suicidaire dans une cohorte longitudinale communautaire avec des mesures répétées.

Pour conclure, cette revue systématique de la littérature présente un portrait des données disponibles sur un large éventail de profils de consommation de substances illicites ou de médicaments de prescription détournée et le risque suicidaire. Elle a guidé les orientations des recherches de ce mémoire pour mieux comprendre la population d’utilisateurs de drogues, tel que présenté dans le chapitre suivant.