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Synthèse et conclusion sur les modèles thermomécaniques :

Modélisation thermomécanique d’un profil Nord-Sud au niveau de la limite océan-contient de la marge algérienne

5.3 Synthèse et conclusion sur les modèles thermomécaniques :

Nous avons modélisé un profil Nord-Sud de la marge algérienne avec des géométries et des rhéologies représentatives de la géodynamique régionale du bassin algérien. La difficulté de ces modèles réside dans le fait que la lithosphère océanique est jeune et assez chaude, au contraire des modèles numériques de subduction où la lithosphère qui subducte est généralement assez âgée et plus froide (Doin et al., 2001 ; Stern, 2002, 2004 ; Hall et al., 2003 ; Gurnis et al., 2004, 2011 ; Leng, W., et Gurnis, M., 2011 ; Marques et al., 2014). En effet, une lithosphère plus chaude a tendance à « flotter » et ainsi à plus « absorber » la déformation.

Les résultats de chaque modèle sont indiqués sur le Tableau 5-3 :

Modèle TOC Anomalie

Thermique

Pendage TOC

Résultat

1 Continentale OUI Fort Début de

subduction

2 Océanique OUI fort Flambage

3 Continentale NON fort Flambage

4 Océanique NON fort Flambage

5 Continentale OUI Faible Poinçonnement

6 Océanique OUI Faible Flambage

7 Continentale avec géotherme plus

chaud

OUI Fort Début de

subduction

8 Continentale avec géotherme plus

chaud

OUI Faible Poinçonnement

/Début de subduction

9 Continentale avec croûte

inférieure diabasique

OUI Fort Début de

subduction

10 Continentale étroite >10 Km OUI Fort Début de

subduction

11 Continentale étroite >10 Km +

couche de sel messinien

OUI Fort Début de

subduction

Tableau 5-3. Résumé des principaux résultats issus des différents modèles thermomécanique modélisés.

Nous allons éliminer dès le départ les modèles 2, 3, 4 et 6 où la croûte océanique produit du flambage et pas de déformation localisée. Les paramètres qui génèrent du flambage sont une TOC de nature océanique (modèle 2), un gradient géothermique transitionnel donc plutôt froid au niveau de la limite océan-continent (que ce soit avec une TOC océanique ou continentale) et un contact vertical entre la croûte continentale et océanique (modèle 6), sauf dans le cas d’une marge continentale très chaude (modèle 8).

En effet, la lithosphère continentale froide combinée à une croûte océanique jeune et relativement chaude conduit généralement à une déformation qui se propage dans cette dernière lorsqu’aucune zone de faiblesse majeure n’existe, à l’image de la lithosphère de l’océan indien au SE du Sri Lanka (Weissel et al., 1980). Même si une déformation interne dans la partie océanique est probable dans le cas algérien, ces modèles ne reflètent pas la flexion et la déformation localisée mises en évidence au niveau de la marge algérienne.

Nous éliminons ensuite le modèle 5 où le contact au niveau de la limite océan- continent est vertical avec une TOC continentale et une marche d’escalier dans le gradient géothermique localisée au niveau de la TOC. En effet, ce modèle génère un poinçonnement de la lithosphère continentale par la croûte océanique qui se glisse entre la croûte continentale supérieure et inférieure, avec une déformation faiblement localisée.

Donc, les deux modèles qui s’approchent relativement bien de la géométrie de la marge algérienne sont le modèle 1 et le modèle 8. Les deux comportent une TOC de nature continentale avec un gradient géothermique assez chaud à la limite océan-continent. Malgré des différences dans la géométrie de la TOC (contact vertical ou incliné), Ils présentent chacun les caractéristiques d’un système assez proche de la marge algérienne. En effet, la déflexion vers le bas de la lithosphère océanique, imposée par l’anomalie thermique au niveau de la TOC, provoque la formation d’un système comparable à un prisme d’accrétion dans la couche sédimentaire et à un début de subduction au niveau de la limite TOC continentale – croûte océanique, où le taux de déformation est maximal. Ce prisme sédimentaire est bordé par des failles néoformées semblables à celles présentes dans d’autres systèmes extensifs repris en compression (marge Nord Ligure d’après Bigot-Cormier et al., 2004, ou encore la marge libanaise d’après Carton et al., 2009).

La géométrie résultante de la modélisation thermomécanique pour ces deux modèles est proche de l’état actuel de la marge algérienne, à la différence que la limite flexurale entre les deux plaques est localisée en pied de pente sur la marge algérienne, comme sur le modèle

8, alors que sur le modèle 1 elle est plus décalée vers le nord au niveau du domaine océanique. Modifier le gradient géothermique du modèle 1 afin que la limite sud de la TOC soit plus chaude ne provoque pas de déformation localisée plus près du pied de marge (modèle 7), et la déformation reste toujours localisée au niveau de la limite TOC- croûte océanique.

Ce résultat suggère que pour localiser la déformation sous le pied de marge, la TOC doit avoir initialement une largeur faible, de l’ordre de 20 km ou moins. La modélisation numérique indique effectivement que la localisation de la déformation s’initie au niveau de la limite TOC – croûte océanique mais que la limite flexurale se rapproche de la croûte continentale après déformation et raccourcissement de la TOC (Modèle 10 en annexe 1).

Les résultats de la modélisation thermomécanique des modèles 10 (TOC continentale, étroite et inclinée) et 8 (TOC continentale verticale) sont compatibles avec les différents résultats des profils de sismique grand-angle des parties centrales et orientales de la marge algérienne (Aidi et al., 2013 ; Leprêtre, 2013 ; Mihoubi, 2014 et Bouyahiaoui, 2014).

Afin de mieux affiner nos modèles, et se rapprocher mieux de la réalité géologique de la marge algérienne, nous avons rajouté la couche de sel messinien (Modèle 11 en annexe 1). Ce modèle suggère donc que malgré la baisse du poids de la charge topographique dû à la différence de densité entre la couche de sel (2.2) et la couche sédimentaire (2.4), la déformation au niveau de la limite océan – continent reste pratiquement identique au modèle de référence.

La comparaison de ces deux modèles avec le profil de densité de grande kabylie issu de la transformation vitesse – densité des profils SPIRAL (Figure 5-25) nous montre clairement une similitude dans la géométrie d’ensemble, que ce soit au niveau de la géométrie de la limite du Moho ou bien de la largeur de la zone de transition flexurale (voir chapitre précédent).

Ainsi, sur le modèle 1 (Figure 5-25-d), la déflexion de la croûte océanique reprend assez fidèlement les contours du Moho avec une déflexion d’une dizaine de kilomètres et une zone de transition de 15 km identique à celle calculée par la modélisation flexurale. Par contre, la géométrie du Moho au niveau de la croûte continentale est légèrement différente avec une remontée du manteau au niveau de la limite TOC- continent sur les modèles, qui n’est pas observée sur les modèles de vitesses issues de la sismique grand angle.

Le modèle 8 (Figure 5-25-e) présente une géométrie du Moho encore plus ressemblante à celle issue des profils de vitesse. En effet, la géométrie du Moho au niveau de la transition océan-continent montre une pente douce entre la lithosphère océanique et

continentale, similaire à celle observée en sismique. La déflexion de la lithosphère océanique est d’environ 5 km avec une TOC flexurale inférieure à 10 km ce qui là aussi est compatible avec la modélisation flexurale. Par ailleurs, ce modèle présente l’intérêt de pouvoir expliquer l’exhumation d’une partie de la TOC, ce qui expliquerait pourquoi, dans un régime thermique relativement chaud, on retrouve des fragments de manteau obducté d’âge Oligo-Miocène au niveau de la côte en Petite Kabylie (Bosch et al., 2014 ; Abbassene et al., accepté)

La Figure 5-26 montre une comparaison entre la coupe géologique interprétative au niveau de la marge algérienne avec le résultat d’un profil de modélisation thermomécanique.

La comparaison est assez notable entre la géométrie issue de la modélisation thermomécanique et la géométrie de la marge algérienne, avec une déflexion d’environ 10 km de la croûte océanique vers le bas et un probable grand cisaillement ductile qui prend racine dans la base continentale et qui remonte vers la partie superficielle de la lithosphère océanique.

L’interprétation des anomalies de flexion au niveau de la marge algérienne est donc mécaniquement réaliste. En effet, les résultats de la modélisation thermomécanique confirment les résultats de l’interprétation de l’étude flexurale de la marge algérienne, avec une différence dans la localisation de la déformation qui est plus au nord sur les modèles thermomécanique que sur les modèles de flexion.

Figure 5-25. Comparaison du modèle numérique thermomécanique avec un profil de densité SPIRAL. a) topographie, b) Anomalie à l’air libre mesurée et calculées (voir chapitre précédant), c) coupe 2D issue de la transformation vitesse-densité (voir chapitre précédant), d) profil 2D issu de la modélisation thermomécanique du modèle 1, e) profil 2D issu de la modélisation thermomécanique du modèle 8. Trait orange : limite de Moho issue du modèle de densité.

Figure 5-26. Interprétation géologique et comparaison avec le résultat de la modélisation thermomécanique du modèle 1 au niveau de la marge algérienne.

Au vu des résultats de la modélisation thermomécanique et des différents modèles et configurations, nous estimons que la marge algérienne présente probablement une TOC de nature continentale affaiblie thermiquement, mince (< 10km) qui favorise la localisation de la déformation lors de la reprise en compression. Ces conditions apparaissent comme des conditions indispensables pour permettre le charriage de la plaque océanique sous la plaque continentale dans ce cas particulier d’un océan jeune et chaud (Mueller et Phillips, 1991 ; Toth et Gurnis, 1998 ; Gurnis et al., 2004).

Cependant, deux modèles différents produisent des géométries similaires à celles observées sur la marge algérienne : un modèle de subduction à proprement parler et un modèle de poinçonnement de la marge continentale qui n’évolue pas en subduction. Pour l’instant, nous ne pouvons donc pas définitivement conclure que la déformation observée sur la marge algérienne est le signe d’une subduction naissante.

CHAPITRE 6

Conclusion générale et