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La combinaison spectrale ou la combinaison cohérente de plusieurs faisceaux laser per- mettent toutes deux de dépasser les limites de montée en luminance des mono-émetteurs. Pour les diodes lasers, les performances records en termes de luminance sont comparables si l’on considère les deux techniques, la luminance dépasse L ≈ 1 GW.sr−1.cm−2. Toutefois, la com-

binaison spectrale est aujourd’hui la technologie la plus mature et la seule déjà disponible commercialement.

Quoi qu’il en soit, notre intérêt dans ce manuscrit est focalisé sur les techniques de combinai- son cohérente. Par le biais d’exemples issus de la littérature, nous avons analysé les principaux procédés et architectures pour assurer les deux étapes nécessaires à la combinaison cohérente de plusieurs émetteurs : leur verrouillage de phase et leur superposition cohérente. Finalement, ces exemples de travaux de recherches se distinguent principalement par la technique utilisée pour assurer la cohérence (architectures en cavité étendue, mise en phase par injection, ...), aussi nous avons rassemblé les plus intéressantes dans le tableauI.4. Y sont associées les meilleures performances obtenues en termes de luminance, d’efficacité électrique-optique, ou de nombre d’émetteurs combinés.

Le choix des architectures possibles pour nous est ainsi éclairé par ces travaux. Par exemple seules les architectures de cavité étendue permettent d’obtenir un comportement auto-organisé du fonctionnement cohérent. Les architectures MOPA quant à elles sont mieux adaptées à un grand nombre d’émetteurs et permettent ainsi d’obtenir les puissances optiques les plus élevées. Également, la mise en phase en cavité réduit très souvent l’efficacité de conversion électrique optique, mais certaines approches comme celle de Liu et al. [Liu 13] décrite en figureI.20laissent penser que des efforts sont possibles dans ce sens, notamment en séparant le composant qui permet le retour optique pour la mise en phase de celui qui permet l’extraction de puissance.

Architecture Type dediodes N λ Puissance Mono-

lobe ? ηCBC M2 L P CE (libre)P CE Remarques Référence

Cavité Filtrage

angulaire modesmono- 20 800 nm 580 mW oui – 1,3 70 – – Auto-organisé.Barrette ; [Barthelemy 92]

Auto-Fourier modesmono- 35 1465 nm – non – – – – – Barrette, p = 270 µm ;

Auto-organisé. [Corcoran 14]

Talbot

VCSEL 144 960 nm 1, 4 W non – – – – –

Matrice 12 × 12, p = 300 µm;

Rétroaction active. [Sanders 94]

évasées 10 975 nm 1, 7 W non – – – 20%? 45% Barrette, p = 100 µm ;

Auto-organisé. [Paboeuf 08]

SCOWL 10 960 nm 7, 2 W non – – – 20%? 41% Barrette, p = 100 µm ;

Auto-organisé. [Huang 09] multi-

modes 10 800 nm 4, 7 W non – – – 20% 20%? Barrette, p = 200 µm ;Auto-organisé. [Liu 13]

Michelson

mono-

modes 2 975 nm 170 mW oui 85% ≤ 1, 05 17 – – Em. individuels ;Auto-organisé. [Sabourdy 04] multi-

modes 4 975 nm 1 W oui – ≤ 1, 5 70 – – Barrette, p = 500 µm ;Auto-organisé. [Ng 09]

DOE SCOWL 21 960 nm 1, 2 W oui 81% ≤ 1, 6 70 – – Barrette, p = 200 µm ;

Rétroaction active. [Montoya 12]

MOPA

mono-

modes 900 930 nm 36 W non – – – – –

Stack de 9 barrettes de 100 émetteurs ;

Rétroaction active. [Levy 95]

SCOWA 218 960 nm 38, 5 W non – – – – –

Stack de 11 barrettes de 21 émetteurs ;

Rétroaction active. [Redmond 11] SCOWA 47 1064 nm 40 W oui 87% ≤ 1, 7 1600 26%? 30% Barrette, p = 250 µm ;

Rétroaction active. [Creedon 12]

Tableau I.4: Synthèse des principales architectures de combinaison cohérente et état de l’art associé aux sources à semi-conducteur. Les valeurs marquées d’une étoile ? sont estimées à partir des données publiées. L : luminance du faisceau combiné (MW.cm−2.sr−1) ; PCE : rendement électrique-optique de la sortie

3 Projet BRIDLE

Plusieurs applications industrielles telles que la découpe laser de lames épaisses de métaux nécessitent un système laser à forte luminance de classe kilowatt. Pour obtenir un tel système avec un rendement à la prise élevé, deux principales stratégies sont envisageables. La première est celle des lasers à fibre : elle consiste à se baser sur des diodes laser à très forte puissance mais peu brillantes. Ces diodes sont utilisées pour pomper un laser à fibre. La fibre joue alors le rôle de convertisseur de luminance : elle permet la transformation d’un faisceau de mauvaise qualité spatiale en un faisceau en limite de diffraction. La deuxième stratégie est d’utiliser uniquement des diodes laser. On se base ainsi sur des diodes de très bonne qualité spatiale et de puissance relativement faible, mais en grande quantité. Tout le jeu est alors de les combiner intelligemment afin d’augmenter la puissance en dégradant le moins possible la qualité spatiale. Le projet BRIDLE – Brillant Industrial Diode Laser – a eu pour objectif de développer cette deuxième stratégie [Bull 12] (www.BRIDLE.eu). Le projet, financé par la communauté européenne, a démarré en septembre 2012 et s’est terminé en février 2016, les travaux de thèse de ce manuscrit s’inscrivent dans ce cadre.

(a) Évolution des sources laser pour l’usinage de métaux selon l’entreprise Teradiode [Huang 15].

(b) Localisation géographique des membres du projet européen BRIDLE. Figure I.28: Évolution du marché des sources laser pour l’industrie (a) et membres du projet BRIDLE (b).

Le chemin proposé par le projet BRIDLE pour atteindre le kilowatt dans un faisceau de bonne qualité est la succession d’étages de combinaison, impliquant combinaison spectrale et incohérente. La brique de base de ce type de système est le mono-émetteur utilisé en barrette. Cette brique de base répond à certain critères : spectralement fine, polarisée, de bonne qualité spatiale, et affichant une efficacité électrique-optique élevée. La première approche consiste à réaliser la combinaison spectrale dense (δλ ≈ 1 nm) de barrettes de cinq émetteurs – cette no- tion a été abordée section2.2. Plusieurs de ces modules peuvent alors être combinés de manière incohérente afin d’augmenter la puissance optique. Finalement, la reproduction de ces modules dans trois zones spectrales distinctes (915 − 975 − 1060 nm) permet leur combinaison spec- trale large (en série) qui constitue la dernière étape. La deuxième approche se base également sur des barrettes de cinq émetteurs, mais propose quant à elle directement leur combinaison incohérente, notamment en utilisant des techniques abordées section2.1 centrées autour de la mise en forme des faisceaux (empilements verticaux, miroirs en escalier, etc.). De nouveau la dernière étape constitue la combinaison spectrale large de trois modules développés dans des zones spectrales distinctes. Ces deux approches sont illustrées figureI.29.

La combinaison cohérente constitue pour sa part une solution en parallèle pour améliorer la luminance en bout de chaîne, c’est-à-dire en sortie du système laser : il s’agit d’améliorer la luminance de la brique élémentaire. En effet, étant donné que la combinaison cohérente permet de garder toutes les propriétés utiles des faisceaux combinés, on peut tout à fait imaginer que

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Figure I.29: Axes de développement et de recherche du projet BRIDLE (septembre 2012).

la future brique élémentaire des approches de combinaison spectrale ou incohérente devienne un module de combinaison cohérente.

Le projet BRIDLE regroupe sept partenaires industriels et académiques : DILAS (Al- lemagne), Fraunhofer-Institut für Lasertechnik ILT (Allemagne), Modulight Inc. (Finlande), Ferdinand-Braun-InstitutFBH (Allemagne) et Bystronic Laser (Suisse) comme industriels ainsi que University of Nottingham UNott (Angleterre) et le Laboratoire Charles Fabry du CNRS comme académiques.

Les axes de développement sont centrés autour des points suivants :

◦ L’amélioration des performances des mono-émetteurs (FBH, Modulight, UNott). ◦ L’étude et le développement de modules basés sur la combinaison spectrale dense (ILT). ◦ L’augmentation en puissance par combinaison incohérente (DILAS).

◦ La duplication des modules à différentes longueurs d’onde en vue d’une combinaison spectrale étendue.

◦ L’étude et le développement de modules basés sur la combinaison cohérente (CNRS). Notre rôle au sein du projet était l’étude de la combinaison cohérente, et en particulier le développement d’architectures adaptées aux diodes à forte luminance que sont les émet- teurs à section évasée. Comme nous l’avons évoqué (tableau I.2), ces émetteurs fournissent une luminance excellente : un nombre restreint permettrait déjà d’atteindre des performances intéressantes – d’autant que ces sources nous sont disponibles grâce à nos partenaires du FBH, qui maîtrisent très bien cette technologie.

Dans ce cadre, nous avons eu de nombreuses interactions avec les partenaires du projet, et en particulier avec Modulight et FBH qui nous ont fourni des sources laser et l’Université de Nottingham avec qui nous avons beaucoup échangé, pour les simulations et les modélisations d’architectures en cavité étendue.

Maintenant que le projet est terminé, revenons succinctement sur ses résultats les plus notables :

Amélioration des structures : Des progrès ont été réalisés sur les structures des émet- teurs au FBH. Ainsi, une conversion électrique-optique de 54% est maintenue jusqu’à la puissance de 10 W pour les émetteurs à section évasée stabilisés en longueur d’onde (par réseau de Bragg). Les structures à section large ont également été améliorées, en particulier les structures mi-larges (NBA, 2wx = 30 µm) apportent une puissance de

6 à 7 W avec une qualité de faisceau M2 < 5 et une conversion électrique-optique de 50%[Decker 15]. Ces émetteurs ont été montés par 5 en barrettes dédiées à la combinai- son spectrale. Chacun des émetteurs possède un spectre stabilisé entre 970 et 980 nm, l’écart deux à deux étant de 2, 5 nm (la puissance extraite atteint 25 W , P CE ≈ 50%).

Combinaison spectrale dense (a) : (BRIDLE-S5) Ces barrettes de 5 émetteurs NBA ont ainsi été combinées spectralement dans un montage très compact, illustré fi- gure I.30(a). Nous avons déjà évoqué ces travaux dans la section 2.2.2. Il s’agit d’une mise en œuvre en série par l’utilisation de filtres spectraux présentant une transition très abrupte. Une puissance de 46 W a été obtenue en sortie du système fibré (diamètre 35 µm, ON < 0, 2). Ce système utilise également des techniques de combinaison inco- hérente. Ainsi deux barrettes sont en premier lieu empilées verticalement (combinaison incohérente), vient alors la combinaison spectrale des 5 longueurs d’ondes, puis la com- binaison par polarisation avec un deuxième module identique. Au total, quatre barrettes sont utilisées dans le système.

Combineur fibré : Un combineur fibré 7 → 1 a été développé pour la combinaison inco- hérente. Il comprend 7 fibres de 35 µm de diamètre en entrée et une fibre de 105 µm de diamètre en sortie (voir figure I.30(b)). La transmission moyenne par canal est de 85%. Ce composant a pour objectif de combiner de manière incohérente 7 modules de combinaison spectrale de type BRIDLE-S5.

Module IBC : (BRIDLE-I1) Ce module basé uniquement sur la combinaison incohérente utilise 7 barrettes de diodes. Grâce au concept de "T-bar" développé chez DILAS, les barrettes peuvent être empilées très proches les unes des autres [Unger 15]. Différentes techniques sont ensuite utilisées – telles que les miroirs en escalier – afin de symétriser le paramètre de faisceau et permettre le couplage dans une fibre de 100 µm de diamètre (ON = 0, 2) ; la puissance optique atteint près de 200 W (P CE ≈ 55%).

Combinaison spectrale dense (b) : Ces modules de combinaison incohérente (IBC) ont été développés à trois longueurs d’onde proches espacées de 4 nm autour de 970 nm, afin de réaliser leur combinaison spectrale dense. La puissance atteint alors 410 W . Système kilowatt : (BRIDLE-I3) La combinaison spectrale large à deux régions spec-

trales, 94x et 97x nm, permet d’atteindre 800 W [Witte 16] ; chaque région spectrale comprenant trois longueurs d’onde combinées. Le système final est ainsi constitué de 6 modules IBC, la luminance atteint 80 MW.cm−2.sr−1. La somme des puissances indi-

viduelles des modules atteint 1, 25 kW , démontrant que des efforts peuvent encore être apportés afin de limiter les pertes. Ce système final est toujours polarisé linéairement, un facteur deux sur la puissance pourrait être envisagé aisément. Une démonstration de découpe a finalement été réalisée sur des plaques d’acier inoxydable avec ce système. De bonnes performances ont été obtenues pour des épaisseurs de l’ordre de 2, 5 mm. La luminance est toutefois encore trop limitée pour des épaisseurs de métaux plus élevées.

(a) Module de combinaison spectrale. (b) Combineur fibré 7 → 1. (c) Photographie de découpe laser.

Figure I.30: Illustrations relatives aux réalisations du projet BRIDLE. Le combineur fibré (b) est vu au microscope à gauche et vu sur une caméra CCD en fonctionnement à droite. La photographie à droite (c) est issue de la vidéo de démonstration de découpe avec le système laser final 800 W (la vidéo complète est disponible sur le site web [BRIDLE 12]).

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Plusieurs difficultés ont été rencontrées au long du projet, limitant les niveaux de per- formances atteints par rapport aux objectifs fixés. On peut notamment citer les pertes non- anticipées dans les différents modules (diffusion, dépolarisation, spectre, ...), les difficultés de réalisation de composants-clefs (combineur à fibres, barrettes stabilisées spectralement avec chirp, niveaux de performances dans les trois zones spectrales fixées) ainsi que des complica- tions pour les émetteurs de base à atteindre de telles exigences de luminance.

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Solutions étudiées pendant cette thèse

Les solutions étudiées au cours de mes travaux de thèse sont centrées sur l’utilisation d’émet- teurs à section évasée à guidage par le gain. Ces émetteurs très évasés (angle d’évasement≈ 6°, technologie présentée section 1.2.2) fournissent dès le départ une forte luminance (voir ta- bleau I.2 : plusieurs watts optiques, M2 < 2, jusqu’à 1 GW.cm−2.sr−1), nous cherchons de plus à conserver leur bonne efficacité électrique-optique. Une particularité de ces diodes éva- sées est qu’elles sont très sensibles aux retours optiques sur leur face avant qui sont susceptibles de détériorer le milieu semi-conducteur, tout particulièrement au niveau du rétrécissement de la section vers la partie droite. Or, les solutions de mise en phase par cavité étendue dans la littérature sont basées sur un retour optique en face avant : elle ne sont pas adaptées à notre cas. C’est pourquoi nous avons proposé une architecture de cavité étendue construite en face arrière des émetteurs. En plus d’être adaptée à nos émetteurs, nous montrerons que cette ar- chitecture est profitable autant pour la mise en phase que pour l’efficacité électrique-optique globale du système.

Figure I.31: Schéma d’un émetteur à section évasée vu de haut. On distingue la section droite étroite à l’arrière et la section évasée à l’avant. Les dimensions correspondent aux émetteurs utilisés dans la suite – nous les décrirons en détail dans le chapitre suivant.

Nous comparerons cette architecture à celle en MOPA, qui est aussi très séduisante concer- nant l’efficacité électrique-optique. Néanmoins, cette solution nécessite une boucle de contrôle actif de la phase. Aussi, nous l’étudierons en parallèle.