• Aucun résultat trouvé

1. Le syndrome métabolique

a) Définition

L'obésité et les pathologies associées, telles que le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires, sont des problèmes croissants de santé publique. L'existence d'un lien étroit entre la graisse viscérale intra-abdominale et l'insulinorésistance est maintenant bien admise et l'association de ces paramètres a été identifiée comme risque majeur pour le développement de maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2. Ce syndrome, initialement nommé "syndrome X" par Reaven (1988) et "syndrome d'insulinorésistance" par d'autres, est désormais mieux connu sous le nom de syndrome métabolique. Deux classifications des critères de diagnostic pour le syndrome métabolique existent, celle selon le "National

Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel III" (NCEP ATPIII) et celle selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (Tableau 1). Les caractéristiques cliniques communes à ces classifications sont l'obésité androïde, l'insulinorésistance, la dyslipidémie et l'hypertension.

b) Prévalence

La suralimentation et la sédentarité sont les deux principaux facteurs à l’origine du syndrome métabolique et l’augmentation de leur incidence explique la prévalence croissante du syndrome métabolique. En utilisant les critères du NCEP ATPIII, la prévalence du syndrome métabolique chez des adultes américains âgés de plus de 20 ans a été estimée à 23,7 % (Ford

et al., 2002). Dans cette étude, la prévalence n’était pas différente en fonction du sexe même

si certaines caractéristiques (hypertriglycéridémie et hypertension) étaient plus souvent observées chez les hommes que chez les femmes. La prévalence augmente avec l'âge, atteignant 43,5 % pour la tranche d'âge 60-69 ans et 42 % pour les personnes de plus de 70 ans (Ford et al., 2002). En France, l’étude DESIR (données épidémiologiques sur le syndrome d'insulinorésistance) a mis en évidence une prévalence du syndrome métabolique (selon les critères de l’OMS) de 15 % chez les hommes et de 4 % chez les femmes âgés de moins de 40 ans, de 24 % chez les hommes et de 9 % chez les femmes âgés de 40 à 55 ans et de 34 % chez les hommes et de 17 % chez les femmes âgés de plus de 55 ans (Balkau et al., 2002).

2. Les NAFLD (non alcoholic fatty liver disease)

a) Historique et définition

Dans les années 50, Zelman (1952) et Westwater et Fainer (1958) ont décrit la présence de stéatose hépatique et de fibrose associées à des infiltrations inflammatoires dans le foie de patients obèses. Au cours des années 60, Thaler, après avoir observé à plusieurs occasions la présence de lésions hépatiques apparemment "alcooliques" chez des patients ne consommant pas excessivement de l'alcool, suggéra de remplacer le terme "hépatite alcoolique" par "stéatohépatite" (Thaler, 1962a, Thaler, 1962b, Thaler, 1969). Des cas similaires ont également été décrits dans les années 70 chez des patients obèses (Kern et al., 1973, Galambos et Wills, 1978, Adler et Schaffner, 1979), chez des patients diabétiques (Creutzfeldt et al., 1970, Itoh et al., 1979, Falchuk et al., 1980) et chez des patients ayant subit une chirurgie entérique (by-pass) pour obésité morbide (DeWind et Payne, 1976,

Campbell et al., 1977). A l'époque, ces observations basées sur la bonne foi du patient quant à l'évaluation de sa consommation d'alcool, furent reçues avec scepticisme par de nombreux auteurs convaincus que ces patients étaient en fait de gros consommateurs d'alcool. Néanmoins, le terme de "stéatohépatite non alcoolique" (ou NASH: non alcoholic steatohepatitis) fut utilisé pour la première fois en 1980 afin de désigner les lésions hépatiques similaires à celles induites par la consommation excessive d'alcool chez des patients ne buvant pas (Ludwig et al., 1980). Depuis le terme plus général de NAFLD est couramment utilisé et représente un large spectre de lésions hépatiques n'ayant pas pour origine une consommation excessive d'alcool, incluant la NASH. La forme la moins avancée est la stéatose simple qui correspond à une accumulation de triglycérides dans le foie. Cette stéatose peut évoluer en stéatohépatite (NASH) qui correspond à une stéatose associée à une inflammation et à des lésions hépatiques. La NASH peut elle-même progresser en cirrhose puis dans les formes les plus sévères, en hépatocarcinome. Les NAFLD peuvent être divisées en deux types, les NAFLD primaires associées au syndrome métabolique et les NAFLD secondaires associées à d'autres conditions telles que des maladies génétiques, la prise de médicaments, une nutrition parentérale et des chirurgies de l'obésité (gastroplastie et by-pass).

b) Diagnostic et classification

Afin de déterminer la présence d'une NAFLD le diagnostic repose sur le principe d'exclusion des autres types de maladies hépatiques (Tableau 2). Le motif de consultation le plus fréquent est une anomalie du bilan hépatique chez un patient se déclarant asymptomatique ou présentant seulement des symptômes cliniques non-spécifiques (asthénie, hépatomégalie…). Les niveaux d'aspartate aminotransférase (ASAT) et de gamma-glutamyl transpeptidase (GGT) sont augmentés dans la plupart des cas mais peuvent être normaux chez certains patients présentant une NASH ou une cirrhose (Ong et al., 2005). Les techniques d'imagerie (échographie, tomodensitométrie, IRM) sont utiles pour détecter une stéatose mais ne sont pas assez sensibles et spécifiques afin de permettre de différencier la stéatose simple de la NASH ou de diagnostiquer la fibrose. La biopsie hépatique reste le seul moyen diagnostique de référence en permettant d'affirmer la présence de lésions, de préciser l'activité inflammatoire et le degré de fibrose et d'exclure d'autres pathologies hépatiques (Skelly et al., 2001, Brunt, 2004, Ahmed et al., 2006). Les NAFLD sont ainsi classées selon le degré d'activité nécrotico-inflammatoire ou grade et selon le degré de fibrose ou stade (Brunt et al., 1999, Kleiner et al., 2005) (Tableau 3).

c) Prévalence

La prévalence exacte des NAFLD dans la population générale est inconnue. Néanmoins, les NAFLD représentent la cause la plus fréquente des maladies hépatiques chroniques (Browning et al., 2004). La prévalence des NAFLD est comprise entre 17 et 33 % de la population générale des Etats-Unis (Browning et al., 2004, Ruhl et Everhart, 2004, Farrell et Larter, 2006). Une stéatose simple est présente dans 15 à 25 % de la population générale et chez 60 à 95 % des patients obèses (Wanless et Lentz, 1990, Angulo, 2002, Browing et al., 2004). La NASH est identifiée dans 2 à 3 % de la population générale et chez 20 à 25 % des patients obèses (Wanless et Lentz, 1990, Silverman et al., 1990, Dixon et al., 2001).

d) Pathogénèse des NAFLD : la théorie des "2 hits"

La pathogénèse des NAFLD primaires n'est pas complètement déterminée. Cependant, la théorie des "2 hits" ou "two hits hypothesis" proposée par Day et James en 1998 afin de décrire le développement de la NAFLD, est actuellement bien admise. La première phase ou "first hit" correspond à l'accumulation de triglycérides dans le foie due à un déséquilibre entre les voies conduisant à la formation et à la dégradation des triglycérides. Le développement de la stéatose fragilise les hépatocytes qui sont alors plus vulnérables face aux agressions. La deuxième phase ou "second hit" correspond au développement de lésions cellulaires et de l'apparition d'une fibrose hépatique due à un stress oxydant.

3. NAFLD : composante hépatique du syndrome métabolique

La relation entre NAFLD et le syndrome métabolique est désormais bien admise. Approximativement 90 % des patients avec une NAFLD présentent au moins une des caractéristiques du syndrome métabolique et environ 33 % présentent le diagnostic complet (Marchesini et al., 2003). La présence d'un syndrome métabolique augmente le risque de développer une NAFLD que ce soit chez l'homme ou chez la femme (Hamaguchi et al., 2005). De nombreuses études ont démontré que les caractéristiques du syndrome métabolique (obésité, insulinorésistance, diabète de type 2, dyslipidémie et hypertension) sont fortement associées à la présence d'une NAFLD (Falck-Ytter et al., 2001, Hsiao et al., 2004, Bedogni et

al., 2005, Bugianesi et al., 2005b, Oh et al., 2006). De même, les NAFLD sont fortement

associées à la composante majeure du syndrome métabolique, l'insulinorésistance (Ryysy et

laissent à penser que les NAFLD représenteraient la composante hépatique du syndrome métabolique (Marchesini et al., 2001a, Yki-Järvinen, 2005). Cependant, la place de l'insulinorésistance comme cause ou conséquence des NAFLD reste à démontrer précisément (Marchesini et al., 2005, Utzschneider et Kahn, 2006). Néanmoins, dans le chapitre suivant nous verrons que l'insulinorésistance du tissu adipeux apparaît comme initiateur du développement de la stéatose hépatique et en retour l'accumulation excessive de lipides dans le foie est probablement à l'origine de l'insulinorésistance hépatique.