• Aucun résultat trouvé

II. Épidémiologie des cancers pédiatriques

3. Symptômes et signes cliniques du DIPG

Les symptômes peuvent varier d’un individu à un autre selon la localisation et l’infiltration de la tumeur dans le tronc cérébral. Ils sont souvent de courte durée (< 1 mois) avant le diagnostic. Les caractéristiques cliniques les plus classiques sont de trois types : les déficits des nerfs crâniens, les signes cérébelleux et l’atteinte des voies longues (Cohen et al., 2017). Plus précisément, les déficits des nerfs crâniens se caractérisent par une asymétrie faciale et une diplopie (vision double). Les signes cérébelleux sont l’ataxie (trouble de l’équilibre et de la marche), la dissymétrie (mauvaise coordination des mouvements) et la dysarthrie (trouble de la parole et de l’écriture). L’atteinte des voies longues conduit à des réflexes anormaux (Mathew et Rutka, 2018). Du fait de leur localisation, d’autres symptômes liés aux déficits des nerfs crâniens sont détectés tels que des problèmes oculaires, conduisant à des mouvements anormaux des yeux. Des problèmes de mastication ou de déglutition peuvent aussi apparaître. La surpression intracrânienne n’est retrouvée que dans 10 % des cas (Schroeder et al., 2014). D’autres symptômes non spécifiques peuvent aussi survenir comme des maux de têtes et des vomissements, un changement de comportement, des troubles urinaires et des difficultés scolaires.

4. Diagnostic

La combinaison de signes cliniques apparaissant dans les 6 mois ainsi que la validation par IRM permettent de poser le diagnostic (Mathew et Rutka, 2018).

19

Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) 4.1.

Le principe de l’IRM est basé sur la résonance des noyaux d’hydrogène en présence d’un champ électromagnétique. Le retour de ces noyaux à l’état d’équilibre engendre une variation du champ magnétique qui induit la formation d’un courant électrique retransmis sur ordinateur en une image. L’IRM permet de contraster les différents tissus mous et l’intensité du signal diffère souvent entre le tissu normal et le tissu pathologique.

Les caractéristiques de l’IRM classique des tumeurs DIPG se traduisent par une masse localisée dans le pont qui est hyperintense (blanc) dans une image pondérée en T2 et hypointense (noir) dans une image pondérée en T1 (figure 5). Le DIPG provoque un élargissement du pont de manière diffuse de plus de 50 %. Il a un aspect si caractéristique en IRM que des biopsies ne sont pas réalisées lors du diagnostic (Clymer et Kieran, 2018 ; Recinos et al., 2007).

Biopsie 4.2.

L’imagerie si caractéristique des DIPG ainsi que la survenue rapide des symptômes cliniques a écarté la biopsie du diagnostic pendant une trentaine d’années. Il existait donc un

Figure 5 : Caractéristiques IRM des tumeurs DIPG.

a) Image d’une coupe sagittale de la séquence pondérée en T2 montrant un signal hyperintense (blanc) dans le pont associé à une expansion de la tumeur vers les tissus avoisinants. b) Image d’une coupe axiale de la séquence pondérée en T2 montrant une tumeur infiltrante au niveau du pont. c) Image d’une coupe coronale pondérée en T1 confirmant l'infiltration hypointense (noir) dans le tronc cérébral avec une tumeur mal délimitée. Adaptée de Recinos et al. (2007).

20

déficit de matériel biologique et un réel manque de connaissances sur la biologie de la tumeur. Des recherches ont été réalisées sur des échantillons post-mortem, mais leur nombre trop limité et les traitements subis ne reflètent pas les caractéristiques biologiques de la tumeur de base. En effet, la pression de sélection engendrée par l’irradiation ou la chimiothérapie a mis en évidence des caractéristiques moléculaires différentes avant et après traitement (Clymer et Kieran, 2018). Aujourd’hui, de plus en plus de biopsies sont réalisées avant traitement afin de comprendre les caractéristiques moléculaires de la tumeur. Plusieurs centres hospitaliers (Cage et al., 2013 ; Gupta et al., 2018 ; Hamisch et al., 2017 ; Puget et al., 2015) ont démontré la faisabilité de la procédure grâce à l’utilisation de la stéréotaxie en chirurgie avant tout traitement thérapeutique (Clymer et Kieran, 2018). Après avoir réalisé plus de 130 biopsies du tronc cérébral, des chirurgiens ont démontré qu’il n’y avait aucun décès dû à la biopsie et une morbidité transitoire chez moins de 4 % des patients (Puget et al., 2015). Depuis 2012, les experts en neurooncologie pédiatrique et en neurochirurgie recommandent donc de pratiquer des biopsies pour l’analyse génomique, cela avant l’irradiation de la tumeur afin d’éviter l’émergence de mutations post-rayons qui pourraient fausser les conclusions ou les résultats des études (Walker et al., 2013).

Grâce à la faisabilité des biopsies, le génome de ces tumeurs a pu être séquencé et on a ainsi mis en évidence des différences génétiques entre le glioblastome adulte et les gliomes pédiatriques de haut-grade. Ces différences seront répertoriées dans la suite du chapitre.

Classification 4.3.

Depuis 2016, l’organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les tumeurs du SNC selon l’histologie, le grade de malignité mais aussi selon les paramètres moléculaires spécifiques à chaque tumeur. Le gliome infiltrant du tronc cérébral est maintenant classé dans les tumeurs astrocytaires et oligodendrogliales diffuses sous le nom de “diffuse middline glioma, H3K27M-mutant” ou autrement dit gliome médian diffus muté pour l’histone H3K27M (Louis et al., 2016).

4.3.a. Histopathologie

Dans la nouvelle classification, les gliomes diffus sont inclus dans un seul groupe “diffuse astrocytic and oligodendroglial tumors”, dans les grades OMS II (bas grade), III (tumeur anaplasique) et IV (haut-grade) (Louis et al., 2016). Les grades sont basés sur des critères histologiques comme la densité, l’atypie et le pléomorphisme cellulaire ainsi que

21

l’activité mitotique, la prolifération vasculaire et la nécrose (figure 6) (Huttner, 2017). Les DIPG sont des tumeurs hétérogènes qui n’ont pas de morphologie type en histologie. C’est pourquoi on retrouve en majorité des biopsies DIPG de classification histologique de grade III et 10 % qui sont de grade II. Cependant, après autopsie, on peut retrouver une classification histologique de grade IV. Il est important de noter que le caractère de bas grade ou de haut-grade n’est pas représentatif de la survie des patients. Toutefois, les DIPG ne se caractérisent plus seulement selon leur classification histologique mais également par la mutation de l’histone H3 au niveau de la lysine 27 remplacée par une méthionine (H3K27M). C’est une des caractéristiques moléculaires prise en compte depuis 2016 dans la classification. Elle représente 80 % des cas de DIPG et elle est toujours associée à un mauvais pronostic. Il est donc important de réaliser des biopsies afin de classifier la pathologie selon les critères moléculaires, histologiques et pas uniquement sur la morphologie (Buczkowicz et Hawkins, 2015).

Figure 6 : Apparence morphologique des gliomes (coloration à l’hématoxyline et l’éosine)

a) Astrocytome diffus de grade II caractérisé par peu de cellules et un léger polymorphisme nucléaire. b) Astrocytome anaplasique de grade III avec une forte densité cellulaire et la présence de noyaux anaplasiques. c) Glioblastome de grade IV avec des cellules tumorales pléomorphes, mitotiques et un aspect pseudo-palissadique des cellules autour d’un foyer de nécrose. d) Gliome diffus médian ou DIPG avec un haut degré de pléomorphisme (Huttner, 2017).

22

4.3.b. Classification moléculaire

Une première étude génomique des tumeurs DIPG a permis de classer ces tumeurs selon trois groupes : prolifératif, pro-neural et mésenchymateux qui sont caractéristiques des gliomes pédiatriques de haut-grade et des gliomes adultes (Paugh et al., 2011). En 2012, une nouvelle étude des altérations génétiques a classé les DIPG selon deux groupes. Le premier est défini par un phénotype pro-neural et une différenciation oligodendrogliale associée à l’amplification du gène PDGFRA. Ces tumeurs sont plus agressives en comparaison du deuxième groupe qui présente un phénotype mésenchymateux et pro-angiogénique (Puget et

al., 2012). Une classification plus précise a permis de définir trois groupes potentiels selon

l’analyse du génome, l’histopathologie et les données cliniques. Le premier groupe, MYCN, est caractérisé par un grade IV et un ADN hyperméthylé avec un réarrangement de gène important au niveau du chromosome 2p conduisant à une amplification des gènes MYCN et

ID2. Ce groupe ne contient aucune tumeur DIPG mutée pour l’histone H3. Le second groupe,

appelé “Silent” pour silencieux, est caractérisé par un taux de mutations moins important par rapport aux deux autres groupes et présente un phénotype histologique de bas grade. Ce groupe est plus fréquemment retrouvé chez les jeunes enfants (Buczkowicz et al., 2014). Le dernier groupe, appelé H3K27M, est le plus important (44 %) et il est caractérisé par la

Figure 7 : Classification moléculaire des DIPG.

23

mutation de l’histone H3 mais aussi par un génome hypométhylé et des mutations dans de nombreux autres gènes (ACVR1, TP53, PAX3, PGFRA, EGFR, ATRX, PPM1D, PI3KCA,

PTEN…) (figure 7) (Buczkowicz et Hawkins, 2015 ; Misuraca et al., 2015).