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De la symbiose entre population - Grand-Bassam - compétences : Qui devrait faire quoi ?

Les causes de dégradation dues à l’homme : abandon des bâtiments, manque d’entretien, suroccupation, mauvaises interventions (restauration ou rénovation), vandalisme et destruction, vieillissement, défiguration, déstructuration et ruine des bâtiments, sont également l’expression que ce bien n’enregistre pas une adhésion satisfaisante des populations de Grand-Bassam. A cela il faut ajouter des pollutions et l’insalubrité.

La pollution des rivages par les populations riveraines, à travers le dépôt d’immondices, est une source de menace de la lagune et de la mer. Entre le bien Grand-Bassam et les populations qui le côtoient il devrait avoir une symbiose. Pour mettre fin à ces nuisances des séances de sensibilisation à l’entretien régulier du site, sont à mettre en œuvre (ICOMOS, 2012). Une ressource humaine compétente, en techniques de conservation et de gestion, de l’aménagement et des infrastructures pour les visiteurs doit être suscitée. Elle doit prendre en main et en toute responsabilité, le domaine de la gestion du patrimoine, de la guidance touristique et de la conservation.

On constate, quatre ans après l’inscription, qu’il n’y a pas eu de personnels spécialisés formés pour accompagner les touristes. Les agents du patrimoine en place actuellement sont demandeurs de recyclage et de formation. C’est en cela qu’ils seront capables de formaliser une organisation spécifique pour accompagner tous les touristes. Une bonne gestion nécessite, est-il besoin de le souligner, des ressources humaines adéquates (Galland et al., 2016). Il faut éviter de donner à ces visiteurs l’impression qu’ils sont des laissés pour compte et contraints de s’orienter par eux-mêmes. Une coordination au niveau des structures qui interviennent sur place est souhaitée. Elle devra consister à la mise en place d’une plate-forme qui permette de centraliser l’activité pour accompagner le touriste de façon idoine, en lui désignant un guide spécialisé. Il faut rectifier cette apparente négligence dans la gestion de l’après inscription car la présentation du site et son organisation, l’accompagnement et la prise en charge des touristes, participent de l’attrait qu’on pourrait donner au site.

Il faut étendre la formation aux taximètres afin qu’ils puissent accompagner au mieux les touristes et donner un visage plus intéressant à Grand-Bassam. La population dans son ensemble doit être aussi éduquée dans ce sens pour éviter que le touriste se sente harcelé comme on l’observe bien souvent (Témoin 3). Dans la mesure où Grand-Bassam est un concentré d’offres touristiques (culturel, scientifique, balnéaire, d’affaire, d’agrément, écotourisme), il faudrait en faire la promotion et surtout bon usage. Il faudrait ici aussi former au métier du tourisme guide, ceux qui travaillent avec les tours operators et les voyagistes. Le professionnalisme doit être de mise pour vendre au mieux ce patrimoine. A l’heure actuelle, la gestion des visiteurs est devenue un élément clé de l’administration de presque tous les biens UNESCO. Il devient de plus en plus important de combiner la gestion des biens du patrimoine mondial avec d’autres activités et avec la communauté locale, car cet élément joue un rôle clé dans ce qui se passe sur le site et autour de lui (Galland et al., 2016).

Une synergie d’action des différentes associations qui visent la promotion de la ville historique est nécessaire. Entre Côte d’Ivoire tourisme et les organes qui gèrent la ville il n’y a pas encore un plan de promotion. Il n’a jusqu’ici pas été organisé de festivals. Le volet animation du site est un pan non encore ébauché. Des cycles de conférences sont à envisager dans ce sens (Témoin 4).

Les autorités chargées de faire respecter le schéma ancien de la ville, pour la cohérence entre les discours et les actes, doivent faire leur travail avec rigueur. Des projets, aussi défigurant que l’installation d’antennes radio (Fig. 5) doit être corrigé avec diligence.

C’est aussi à ce prix que l’inscription pourra aider les hôteliers, restaurateurs, commerçants à exercer leurs métiers en toute quiétude et apporter la richesse à la localité. Le label UNESCO doit être ici perçu comme un moyen pour améliorer certains disfonctionnements du quartier France en autorisant pas des projets qui sont totalement contraires au principe de l’inscription au patrimoine de l’humanité.

Ce sont entre autres la présence de la Société Ivoirienne de Contrôle Technique Automobile (SICTA) qui chaque jour repend dans la rue des centaines de véhicules, des constructions anarchiques en béton qui n’ont rien à avoir avec l’architecture d’origine (Témoin 2).

Fig. 5: Antenne de radio récemment construite

Il est aussi important dans ce cadre de concilier recherche archéologique – valorisation du patrimoine. La documentation du site par des archéologues et historiens par exemple, doit être de mise pour une meilleure approche du terrain. A l’issue de ce travail, des circuits de visites objectifs seront définis pour une exploitation rationnelle du site. Ces universitaires pourront de même prendre une part active dans le renforcement des compétences des structures, administrations et des acteurs locaux (Comité Local de Gestion, Maison du Patrimoine Culturel, guides touristiques) pour une prise en charge managériale satisfaisante du bien au quotidien. C’est cette démarche que l’Europe des nations adopte pour se construire (COMMISSION EUROPÉENNE, 2014). Grand-Bassam, par rapport à sa valeur, peut y conduire les ivoiriens vu qu’il est un instrument puissant qui offre un sentiment d’appartenance parmi et entre les citoyens. La question de la continuité dans l’action devra de même être résolue très rapidement.

En effet, on constate dans ce premier quinquennat d’inscription de la ville historique de Grand-Bassam, que l’équipe qui a travaillé à l’inscription a été mise de côté. On a donc changé une équipe qui a gagné. Conséquence, la stagnation hier se traduit aujourd’hui par une régression, montrant ainsi que la bonne option n’a pas été prise.

Aussi il y a des soucis de fonctionnement au niveau de l’organe qui gère le site. Avant le classement, il avait une autonomie certaine, il disposait d’un budget. Depuis le classement, le Secrétariat exécutif, organe opérationnel a été dépouillé de ses prérogatives. Il dépend maintenant de l’OIPC et a perdu dans le même moment ses moyens de fonctionnement quotidien. La situation devait se concevoir de manière à ce que, le secrétaire exécutif ait en main le dossier très urgent de la réhabilitation. Cela n’est pas le cas. C’est plutôt la Direction des Infrastructures Culturelles (DIC) au Ministère de la Culture et de la Francophonie qui est en train de gérer la rénovation.

Il y a donc problème ! Le plan proposé par l’équipe technique pour l’inscription de la ville n’est plus en vigueur. Dans cette phase cruciale d’après inscription, des structures informelles ne comprenant pas de professionnels du patrimoine, ne devraient pas avoir la primauté (Témoin 5). Pour éviter le déclassement il faudrait, en attendant que l’État revienne à de meilleurs sentiments dans la redistribution des rôles, que le Comité Local de Gestion soit élargi à des personnes vivant à Grand-Bassam et qui ont la passion du patrimoine (Témoin 3). Une place plus importante doit être accordée à l’individu. En Europe on a remarqué que les approches adoptées par le passé visaient à protéger le patrimoine en l’isolant de la vie quotidienne.

Les nouvelles approches ont pour but de l’intégrer pleinement dans le tissu local. Elles donnent aux sites une deuxième vie et un sens nouveau qui répond aux préoccupations et aux besoins actuels (COMMISSION EUROPÉENNE, 2014).

En effet, les seuls fonctionnaires de la Maison du patrimoine assignés à cette tâche ne peuvent, dans les conditions actuelles, assurer le suivi. Son fonctionnement quotidien doit être moins opaque en mettant tous ses membres au même niveau d’information. L’œuvre devant être collégiale, les débats se doivent d’être réguliers (Témoin 5). Il est indiqué de mettre en place un plan de gestion ou un système de gestion tout à fait adéquat (Galland et al. 2016). Il faut réagir au plus vite pour sauver ce qui peut l’être encore. Si la mobilisation est

suffisante et que dans un an ou deux, l’UNESCO voit que des choses sont faites, il peut avoir un sursis pour l’évaluation. Cependant si dans un an ou deux on est au même stade, cela risque d’être dommageable pour le pays et le bien Grand-Bassam, parce qu’on se trouve dans le renouvellement. Il ressort comme l’ont compris les européens, que le patrimoine culturel et la manière dont il est préservé et valorisé sont des facteurs déterminants de la place qu’un territoire occupe dans le monde et de l’attrait qu’il exerce sur ceux qui y vivent, qui y travaillent ou qui le visitent (COMMISSION EUROPÉENNE, 2014). Il est pour finir indiquer de mentionner que des maisons qui peuvent être sauvées dans la ville historique ne peuvent être achetées. L’État doit faire pression pour que les détenteurs qui ne peuvent les entretenir les cède. Autrement, et chose toute aussi grave, le bien sera défiguré avec la perte de certains de ses symboles (Témoin 2).

CONCLUSION

Les recommandations ci-dessous :

- étendre la zone tampon afin d’en faire un territoire unique ; - renforcer la dimension pratique et opérationnelle du Plan de conservation et de gestion en le complétant d’un inventaire détaillé des travaux à réaliser et respecter le calendrier des actions prioritaires à mener afin de garantir la conservation du bien ;

- confirmer la mise en place de l’Agence opérationnelle de gestion du bien et garantir ses moyens matériels et humains ;

- définir des indicateurs opérationnels correspondant à des actions de suivi précises, périodiques et quantifiées, en s’inspirant des standards internationaux en la matière ;

- assurer la présence de personnels qualifiés pour les mettre en œuvre (ICOMOS 2012) ;

qui avaient entrainé le rejet du dossier de Grand-Bassam en juin 2009 à Séville ne sont pas résolus quatre ans après l’inscription obtenue en juillet de 2012. Les solutions intéressantes proposées en 2012, que nous avons rappelées et qui ont valu l’inscription par le Centre du Patrimoine Mondial (CPM), n’ont pu être encore traduites en actes concrets sur le terrain.

L’alternative c’est de tout simplement tenir les engagements pris.

Si les États africains voient les biens qu’ils abritent reversés sur la liste des sites en péril, quelques années après leur inscription, cela est du à un fait notable. Ces pays dépensent leur énergie dans une certaine éphorie qui se résume à des tapages médiatiques autour du montage du dossier d’inscription et dans les festivités qui découlent de l’inscription. L’inscription dans ces conditions devient une fin en soi. C’est là où, il importe de suivre le bon exemple, de regarder comment les européens qui ont le plus de biens sur la liste du patrimoine, arrivent à les y maintenir sans être débordé par ce grand nombre. For heureusement il y a à espérer.

Il faut juste être passionné du patrimoine, avoir de l’ambition pour les générations à venir, et considérer les biens hérités du passé comme le socle de tout développement harmonieux. C’est pour cette raison que les contraintes de gestion des biens doivent être levées coûte que coûte. C’est cette idée qui devra guider les autorités qui ont la charge de la gestion de la ville historique de Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, inscrite au patrimoine mondial, en vue d’en faire un exemple de pérennité sur ladite liste.

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