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Ayant pour but de répondre à certaines questions fondamentales à propos de notre univers en exposant les possibles différences intrinsèques entre la matière et l’antimatière, l’étude de la symétrie CP s’avère donc d’une grande importance pour expliquer, par exemple, l’asymétrie flagrante entre la quantité de matière et d’antimatière présente dans l’univers observable (qui ont été produites, en principe, en proportions égales lors du big bang). En fait, la raison pour laquelle la combinaison des transformations discrètes C et P revêt un caractère spécial dans le modèle standard relève essentiellement du fait qu’il s’agit d’une théorie chirale (ce qui implique que les spineurs de Weyl de chiralité gauche et droite possèdent des nombres quantiques de jauge différents). Plus précisément, comme les transformations C et P , lorsqu’appliquées sur un spineur de Dirac, échangent les composantes de chiralité gauche et droite de ce dernier [12],90cela implique que dans une théorie invariante sous ces transformations respectives,

le lagrangien détaillant les interactions de jauge peut être entièrement écrit en termes de spineurs de Dirac. Cela signifie donc également que tous les champs de Weyl présents dans ce modèle peuvent être combinés pour former des spineurs de Dirac sans que les différents nombres quantiques de jauge n’entrent en conflit. Par construction, cette formulation particulière du lagrangien n’est évidemment pas possible dans une théorie chirale puisque les spineurs de Weyl de chiralité gauche et droite possèdent des interactions de jauge différentes. Autrement dit, le lagrangien du modèle électrofaible (1.13) n’est pas invariant sous l’échange des champs chiraux.

3.3.2.1 Brisure de la symétrie CP dans le secteur électrofaible

Ainsi, bien que les symétries discrètes C et P , prises séparément, sont brisées explicitement (et maxima- lement, c’est-à-dire brisées par le contenu en champs) par la structure même du secteur électrofaible (et donc ne peuvent pas correspondre à des symétries fondamentales de la nature), la combinaison CP (qui préserve la chiralité, c’est-à-dire qu’un spineur de Weyl est simplement transformé en son complexe conjugué ou en lui-même) est a priori libre de toute contrainte théorique dans ce modèle (c’est-à-dire que le fait que cette symétrie soit brisée ou non n’est pas une conséquence de la structure chirale SU(2)L⊗U(1)Y). Cette combinaison particulière permet ainsi d’établir une relation entre des

particules de charges opposées (on peut penser au nombre leptonique ou baryonique par exemple) et représente donc une transformation bien définie, que la théorie sous-jacente soit chirale ou non. Celle-ci est donc susceptible de correspondre à une symétrie de la nature tout en constituant un canal privilégié pour sonder la relation matière-antimatière à des échelles d’énergie arbitrairement élevées. Concrète- ment, une théorie possédant la symétrie CP implique donc que le lagrangien associé demeure inchangé

90. Pour un spineur de Dirac, la transformation P implique ψ(t, x)→ γP 0ψ(t, −x). Ainsi, en se référant aux définitions

(1.2) et (1.3), on constate que la matrice γ0échange les composantes χ

L↔ χR, ce qui implique que cette opération change

la chiralité d’un spineur de Weyl. En ce qui concerne la conjugaison de charge, on a plutôt que ψ(t, x)→ iγC 2ψ†T(t, x),

ce qui implique également que les champs de Weyl sont échangés. Ce faisant, la transformation CP préserve la chiralité des spineurs de Weyl puisque ψ(t, x)CP→ iγ2γ0ψ†T(t, −x).

lorsqu’une particule est échangée par son antiparticule (la conjugaison de charge C) et que les coor- données spatiales de celle-ci sont inversées (la parité P ). Cela signifie, par exemple, que les prédictions de cette théorie concernant l’image miroir d’une désintégration particulière impliquant les antiparti- cules correspondantes (taux de désintégration, etc.) doivent être les mêmes que pour la désintégration d’origine. C’est le cas, en fait, pour tous les processus relevant des interactions électromagnétiques (QED) observés à ce jour de même que pour ceux relevant des interactions fortes (QCD).91 Ce fut

donc une surprise, au milieu des années 1960, lorsque les premières preuves indirectes d’une violation de cette symétrie eurent été observées (par Val Fitch et Jim Cronin) au niveau des interactions faibles, impliquant du même coup que la matière et l’antimatière avaient des comportements différents. Cette découverte importante a par ailleurs fait l’objet d’un prix Nobel en 1980.

Dans la limite des basses énergies, il est donc maintenant bien établi que le secteur des quarks des interactions faibles présente une violation claire de cette symétrie (supporté par certains processus de désintégrations associés aux kaons neutres et aux mésons B) et ce n’est qu’à partir de 1973 que ce phénomène a pu être expliqué convenablement dans le contexte du modèle standard, se manifestant ultimement par une matrice CKM complexe.92 En effet, une violation directe de la symétrie CP est

possible dans le secteur électrofaible du modèle standard dans le cas où une phase complexe apparait dans la matrice CKM paramétrisant le mélange des quarks. Par ailleurs, il ne suffit pas que cette ma- trice soit complexe pour que cette phase soit présente. En fait, celle-ci implique également l’existence d’au moins trois générations de quarks (à l’époque, seulement deux générations étaient connues, ce qui a mené Kobayashi et Maskawa à postuler l’existence d’une troisième génération) puisque la matrice CKM doit être au minimum de dimensions 3 × 3 pour qu’une phase complexe soit préservée dans la paramétrisation la plus générale possible (par exemple, la paramétrisation d’une matrice unitaire 2 × 2 donnée par (3.46) implique que la seule phase ayant une signification physique (φ12) est du type

Majorana et celle-ci n’est donc pas présente dans ce secteur puisqu’elle peut toujours être absorbée par une redéfinition des champs de quarks, qui sont des fermions de Dirac). Ainsi, une fois cette condi- tion remplie, il existe donc deux avenues principales pour générer cette phase dans la matrice CKM. L’approche la plus commune est bien entendu de considérer directement des couplages de Yukawa complexes provenant de la théorie à haute énergie, ce qui correspond à une brisure explicite de la symétrie CP . La seconde option, plus subtile, implique de considérer une phase complexe relative dans le VEV du champ de Higgs, ce qui introduit une brisure spontanée de la symétrie CP à basse énergie

91. Dans le cas de QCD, le lagrangien le plus complet pouvant être écrit admet également la possibilité d’une brisure de la symétrie CP , suggérant du même coup qu’il n’existe aucune raison particulière pour que cette symétrie soit préservée par les interactions fortes. Cependant, comme aucune observation expérimentale ne justifie un tel apport à la théorie, la symétrie CP est donc « imposée » au lagrangien afin de reproduire les observations actuelles, ce qui est interprété comme un problème d’ajustement fin de la théorie (strong CP problem).

92. Pour obtenir les conditions nécessaires à la brisure de la symétrie CP dans ce secteur, il faut appliquer la trans- formationLef

CP

L0

efet trouver les conditions permettant d’obtenir l’égalitéLef=Lef0 [6], où le lagrangien du secteur

électrofaibleLef est donné par (1.13). Connaissant le résultat de cette transformation sur les différents champs de la

théorie (voir les tableaux 3.4 et 3.5 de [6] pour une synthèse des transformations d’un champ scalaire, pseudoscalaire, vectoriel et pseudovectoriel (incluant également les combinaisons construites à partir des champs spinoriels) sous les symétries discrètes C, P et T ), la transformation de chaque terme du lagrangien peut donc être obtenue séparément [6]. Ainsi, cela permet de vérifier que ce lagrangien préserve la symétrie CP sous les conditions suivantes, soit Yl= Yl∗, Yd = Yd∗ et Yu = Yu∗. En d’autres mots, les couplages de Yukawa doivent être réels. Enfin, comme ces matrices

peuvent toujours être exprimées dans une base où celles-ci sont diagonales, réelles et non négatives (ce qui définit, à la suite d’une brisure spontanée de la symétrie électrofaible, la base des états propres de masse) que les éléments de la matrice d’origine soient réels ou complexes, cela a pour effet de transposer les conditions préservant la symétrie CP au terme d’interaction de type courant chargé pour les leptons et les quarks. Plus précisément, cela implique que la matrice CKM doit être réelle en ce qui concerne les quarks, soit V = V∗.

(voir également la note52) [72]. Naturellement, ces deux options peuvent être réalisées conjointement et un processus similaire est attendu pour le secteur leptonique également.

En fait, dans le secteur leptonique des interactions faibles, la situation est tout autre en ce qui concerne la brisure de la symétrie CP . Puisque les neutrinos sont sans masse dans le modèle standard, il n’existe aucune façon d’introduire une brisure de la symétrie CP analogue à celle des quarks. Comme mentionné au chapitre 1, tout mélange étant introduit par la diagonalisation de la matrice de masse des leptons chargés (ou de façon équivalente la matrice Yl) peut être absorbé par une redéfinition des champs des

neutrinos (voir la discussion suivant le résultat (1.25)). Ainsi, le secteur leptonique préserve la symétrie CP. Cependant, comme il en a été fait mention à plusieurs reprises, la découverte du phénomène d’oscillation des neutrinos, qui implique que ceux-ci ont une masse, permet certaines extensions du modèle standard impliquant nécessairement la présence de la matrice PMNS dans le terme d’interaction de type courant chargé, ouvrant ainsi la porte à de nouvelles sources possibles pour la brisure de la symétrie CP . Dans ce cas, la phase de Dirac δ, de même que les deux phases de Majorana α21 et

α31, sont susceptibles de contribuer à la brisure de cette symétrie dans le secteur leptonique et le

traitement devient alors analogue à celui des quarks. Toutefois, bien que la brisure de la symétrie CP soit gouvernée par un seul paramètre dans le secteur des quarks et par (potentiellement) trois paramètres dans le secteur des leptons, il n’en demeure pas moins que ces phases ne constituent pas une mesure adéquate de la force (ou de l’importance) de la brisure de cette symétrie dans ces secteurs respectifs. En effet, puisque ce type de mesure (de même que pour toute autre quantité physique qui en dépend) ne doit pas dépendre du choix de la paramétrisation utilisée et doit demeurer invariant sous changement de base, un formalisme plus adéquat à cette mesure a été développé dans [73,74], ce qui a mené à l’introduction de quantités invariantes sous rephasage appelées « Jarlskog ».

3.3.2.2 Invariants sous rephasage

Une fois la brisure de la symétrie CP introduite, il s’avère intéressant de pouvoir quantifier ce phéno- mène ainsi que la description des processus physiques qui en découlent. Il va sans dire que ce formalisme a été développé à l’origine pour le secteur des quarks et qu’il a été abondamment étudié dans la lit- térature. En ce qui concerne le secteur leptonique, l’analyse ayant été développée est beaucoup plus récente et une construction analogue peut être trouvée pour les invariants de ce secteur [75]. Une brève introduction aux invariants sous rephasage est donc maintenant présentée suivant les résultats obtenus dans le secteur des quarks, qui ne contient qu’un seul invariant. Cela permet ensuite d’introduire les trois invariants du secteur leptonique et de présenter les résultats obtenus concernant l’étude de leur comportement sous l’hypothèse anarchique [33]. Ainsi, puisque toute quantité observable est indépen- dante de la paramétrisation choisie pour la matrice de mélange, et que cette matrice peut toujours être modifiée par une transformation de phase découlant d’une redéfinition des champs de quarks, il s’avère possible de travailler uniquement avec des quantités dites « invariantes sous rephasage » construites à partir des éléments de la matrice CKM.93 Plus précisément, il s’agit de construire des quantités

invariantes sous la transformation

V →e−iφuVed, (3.73)

93. Toute observable relevant des interactions de type courant chargé dans le secteur des quarks (en particulier, toute quantité obtenue à partir de diagrammes de Feynman) contient une fonction polynomiale d’un produit des éléments de

V et V∗(en quantité égale) car celles-ci émergent du module au carré d’une amplitude invariante |M|2. Celles-ci peuvent donc toujours s’écrire en termes de quantités « invariantes sous rephasage » [76].

où φu = diag(φ

u, φc, φt) et φd = diag(φd, φs, φb) sont des matrices de phases distinctes associées

aux quarks de type « up » et de type « down » et V est la matrice CKM. Naturellement, la première quantité qui respecte cette contrainte correspond au module d’un élément de la matrice CKM au carré,

|Vαk| 2

= VαkVαk, (3.74)

ce qui constitue l’invariant le plus simple permettant d’inclure les effets liés au mélange des quarks sur les observables. Par la suite, on peut construire des invariants plus élaborés (contenant de l’information sur les phases) qui relèvent d’un produit quartique d’éléments, noté

αk βj = VαkVβjVαjVβk, (3.75)

avec α 6= β et k 6= j. La procédure qui permet d’obtenir ces quantités consiste d’abord à éliminer une ligne et une colonne de la matrice CKM, de prendre le conjugué des éléments sur la diagonale de la matrice 2×2 résultante pour ensuite prendre le produit des quatre éléments de cette matrice [74]. Dans la littérature, ces invariants portent plusieurs noms (plaques, quartets, boîtes) et ont été introduits dans le but d’offrir une description « standardisée » de la phénoménologie des quarks à basse énergie [76]. De plus, ceux-ci satisfont la relation de conjugaison

αk βj = βj αk= βk  ∗ αj= αj  ∗ βk. (3.76)

Les deux types d’invariants (quadratique et quartique) ainsi introduits sont très importants puisqu’il s’avère que ceux-ci sont suffisants pour caractériser tout produit d’ordre supérieur. En effet, on peut montrer que ces produits peuvent toujours être ramenés à des combinaisons particulières de modules et de produits quartiques [1, 76]. De plus, puisque le produit (3.75) est en général complexe pour une matrice V complexe, on peut extraire les parties réelle et imaginaire afin de pouvoir quantifier explicitement la violation de la symétrie CP , soit

Im αk βj  = Im VαkVβjVαjVβk , Re αk βj  = Re VαkVβjVαjVβk . (3.77)

Ainsi, on a que la partie imaginaire est antisymétrique sous l’échange α ↔ β et k ↔ j alors que la partie réelle est symétrique sous cet échange (voir équation (3.76)). De ces deux quantités, un intérêt particulier est maintenant porté à la partie imaginaire de (3.77), qui peut être détaillée davantage en constatant que l’ensemble des produits qui satisfont cette relation sont tous équivalents à un signe près. En effet, puisqu’il existe neuf façons distinctes d’éliminer une ligne et une colonne de V pour construire ces produits et que la matrice CKM est unitaire, les neuf combinaisons résultantes sont toutes équiva- lentes à un signe près. Cela implique qu’on peut extraire, par exemple, la quantité Im (VudVcsVusVcd∗)

et définir le signe des autres combinaisons à partir de celle-ci, soit [74]

Im VαkVβjVαjVβk∗  = jD X γ,l αβγjkl, jDIm (VudVcsVusVcd) , (3.78)

où le signe est déterminé à partir de la somme sur les indices des deux tenseurs de Levi-Civita. De plus, cette somme permet de garder automatiquement les bonnes combinaisons, c’est-à-dire qu’elle est valide pour toutes valeurs de α, β, j et k. Un résultat important de cette section, démontré pour la première fois dans [74], est que la quantité jD de (3.78) joue un rôle de premier plan dans la caractérisation de

la violation CP du secteur des quarks. Plus précisément, il s’agit de la quantité qui apparaît dans le calcul du commutateur des matrices de masse des quarks de type « up » et « down » et ce déterminant regroupe l’ensemble des contraintes nécessaires à la brisure de la symétrie CP dans ce secteur, soit

det −i MuMu†, MdMd†

= −2jD(m2t− m 2 c)(m 2 t− m 2 u)(m 2 c− m 2 u) ×(m2 b− m 2 s)(m 2 b− m 2 d)(m 2 s− m 2 d). (3.79)

Par ailleurs, comme jD est une quantité mesurable, celle-ci peut être exprimée en fonction des obser-

vables de la matrice CKM. En fait, à l’aide de l’expression (3.78) et de la paramétrisation standard de la matrice CKM présentée dans [4], le résultat suivant est obtenu

jD= sin(θ12) cos(θ12) sin(θ13) cos213) sin(θ23) cos(θ23) sin(δ13), (3.80)

ce qui implique que jD est l’invariant associé à la phase de Dirac δ13 et qu’il est défini sur l’in-

tervalle −1/(63) ≤ jD1/(6

3).94 Les résultats (3.79) et (3.80) permettent donc de regrouper

l’ensemble des conditions nécessaires à la violation de la symétrie CP sous une seule équation, soit det −i MuMu†, MdMd† 6= 0. Entre autres, il s’avère possible de conclure que si cette condition

est respectée, il devient impossible d’éliminer la phase physique δ13 par un rephasage des champs de

quarks puisque la quantité jDest nécessairement non nulle. La matrice CKM est donc complexe. Ainsi,

ces résultats permettent de constater que la symétrie CP est brisée dans le modèle standard tant que les conditions suivantes sont respectées :

 il n’y a pas de dégénérescence au niveau des masses des quarks ;  aucun angle de mélange n’est égal à 0 ou π

2;

 la phase physique δ13est différente de 0, π ou 2π.

L’élément clé ici est de réaliser que jDest une quantité unique invariante sous changement de base qui

caractérise l’ensemble des phénomènes qui violent la symétrie CP dans le modèle standard, ce qui en fait une mesure tout à fait adéquate pour évaluer la magnitude (l’échelle de grandeur) de cette brisure. La valeur numérique actuellement admise de cette quantité est [4]

jDexp= (3.04+0.21−0.20) × 10−5, (3.81)

qui peut être directement comparée à la valeur jmax

D =

1

6√3 '0.0962 attendue dans le cas où la symé-

trie CP est maximalement violée. On peut donc constater que dans le secteur des quarks, la brisure de la symétrie CP est relativement petite. Ceci est principalement dû aux petits angles de mélange de ce secteur puisque jD dépend directement de ces trois angles en plus de la phase δ13. Ainsi, des

invariants quadratiques et quartiques, l’invariant quartique jDest le seul qui contient de l’information

sur le signe de la phase et sur la brisure de la symétrie CP .

Ayant introduit les motivations derrière la construction d’invariants pour le secteur des quarks, cela permet maintenant d’amorcer la discussion concernant les invariants du secteur leptonique qui peuvent être construits dans le cadre des extensions du modèle standard présentées au chapitre 1. Comme

94. Cette distinction est sans conséquence pour le secteur des quarks mais est particulièrement importante dans le secteur leptonique, qui contient un invariant pour chaque phase complexe présente (δ, α21et α31).

discuté précédemment, on s’intéresse uniquement au cas des invariants quartiques pour obtenir de l’information sur la brisure de la symétrie CP . Pour le cas des leptons, il faut donc élargir la définition d’invariants sous rephasage pour inclure également ceux pouvant être construits à partir des phases de Majorana. En fait, pour le cas d’une matrice unitaire U de dimensions N ×N (contenant N2paramètres

libres, voir la note45) contrainte par les propriétés du contenu en champs du terme d’interaction de type courant chargé, il existe un total de N(N − 1)/2 invariants quartiques associés aux N(N − 1)/2 phases physiques complexes brisant la symétrie CP (en supposant que les neutrinos sont des fermions de Majorana, autrement les N −1 phases de Majorana doivent être considérées comme non physiques). De plus, la forme exacte des deux types d’invariants est connue pour tout N et s’écrit [75]

jD, (k−1, l−1) = Im(U11UklU1lUk1), 2 ≤ k ≤ l ≤ N − 1 (3.82)

jk−1 = Im(U1kU1kU11∗U11∗), 2 ≤ k ≤ N (3.83)

ce qui implique qu’il existe un total de N(N − 3)/2 + 1 invariants de type Dirac (3.82) et un total de N −1 invariants de type Majorana (3.83). Évidemment, cela signifie que pour le cas N = 1, il n’existe aucun invariant pouvant être construit alors que pour le cas N = 2, le seul invariant existant est du type Majorana et s’écrit

j1= Im(U12U12U11∗U11∗) = 2 sin212) cos212) sin(φ12) cos(φ12), (3.84)

où la transposée de la paramétrisation (3.46) a été utilisée pour concorder avec la définition (3.83).95

Cela implique également que cet invariant est défini sur l’intervalle −1/4 ≤ j1 ≤ 1/4 uniquement.

Naturellement, ce résultat permet de constater que l’invariant obtenu ne dépend pas des phases non physiques ϕ1 et ϕ2 mais seulement de l’angle de mélange θ12 et de la phase de Majorana φ12. Consi-

dérons ensuite le cas N = 3, qui correspond encore une fois au modèle standard étendu (la matrice PMNS). Dans ce cas, il n’y a seulement qu’un invariant de type Dirac jD, (1, 1)(que l’on note simplement

jD) et deux invariants de type Majorana et ceux-ci prennent la forme

jD = Im(U11U22U12∗U21∗) = sin(θ12) cos(θ12) sin(θ13) cos213) sin(θ23) cos(θ23) sin(δ), (3.85)

j1 = Im(U12U12U11∗U11∗) = sin 2

12) cos212) cos413) sin(α21), (3.86)

j2 = Im(U13U13U11∗U

11) = cos 2

12) sin213) cos213) sin(α31−2δ), (3.87)

où la paramétrisation standard (3.56) a été utilisée. Il va sans dire que l’invariant (3.85) est le même que celui obtenu dans le secteur des quarks, soit l’expression (3.80), à la différence que les paramètres angulaires sont maintenant ceux appartenant au secteur leptonique. Ces résultats impliquent donc que d’un point de vue analytique, ces invariants sont définis sur les intervalles −1/(63) ≤ jD1/(6

√ 3), −1/4 ≤ j1 ≤ 1/4 et −1/4 ≤ j2 ≤ 1/4 respectivement. Cependant, comme les valeurs des angles de

mélange sont maintenant connues avec précision, ce ne sont pas toutes les valeurs de ces intervalles qui sont permises par les mesures expérimentales. En fait, en substituant les valeurs des angles de

95. Cette correction s’avère nécessaire puisque la définition des invariants présentée dans [75] a été introduite en considérant une paramétrisation où les phases non physiques apparaissent complètement à gauche dans le produit