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Spectre de masse des neutrinos

3.4 Analyse et discussion

3.4.2 Spectre de masse des neutrinos

Les courbes de la figure3.6 et les résultats du tableau 3.3 sont d’abord considérés. D’entrée de jeu, la figure 3.6 permet de constater que les ensembles seesaw préfèrent une masse non nulle pour les trois générations de neutrinos actifs. De plus, une plus grande diversité est observée dans la forme des courbes obtenues pour l’ensemble seesaw de type I-III, comparativement à celles de l’ensemble seesaw de type II. Cet aspect relève principalement du fait que l’obtention des distributions ˜PI-III

influencée par l’intégration d’un grand nombre de paramètres fondamentaux due à la présence de l’inté- grale Iβ=2

N =3( ˆm ν

1,mˆν2,mˆ3ν), contrairement aux distributions de type gaussien ˜PνII( ˆmνi). Cette complexité

prééminente, caractérisée par les couplages compliqués entre les paramètres angulaires et les valeurs singulières de la matrice ˆMD présents dans cette intégrale, contribue de ce fait à l’émergence d’un

comportement plus riche pour ces distributions. Il s’agit, en fait, de la raison pour laquelle l’ensemble seesaw de type I-III est jugé plus intéressant du point de vue d’une théorie de matrices aléatoires. Afin de soutenir cette analyse à l’aide d’arguments plus quantitatifs, une comparaison entre les valeurs moyennes et les valeurs médianes du tableau 3.3 est maintenant réalisée, ce qui permet d’évaluer le niveau de « symétrie » des distributions présentées à la figure 3.6. Ainsi, on constate que les valeurs moyennes sont beaucoup plus près des valeurs médianes (et donc des modes) pour le cas de l’ensemble seesaw de type II, ce qui implique des distributions plus « symétriques » comparativement à l’ensemble seesaw de type I-III (cette remarque est aussi valide pour le cas N = 2 ). Enfin, les résultats du tableau

3.3démontrent que les valeurs moyennes sont étendues sur un plus grand intervalle [h ˆ

mini, hmˆνmaxi]

dans le cas de l’ensemble seesaw de type I-III. De plus, cette caractéristique peut également être obser- vée pour le cas N = 2, mais sur un intervalle plus restreint (voir tableau3.1). Ainsi, cette observation suggère que la portée de l’intervalle couvert par les valeurs moyennes augmente lorsque N augmente. On peut ensuite s’attarder à l’analyse des distributions de la figure3.7concernant le comportement du ratio R (donné par l’expression (3.63)) dans les deux ensembles seesaw. Une fois ces courbes obtenues, il devient alors possible de déterminer laquelle des deux différences de masses entre les trois générations est la plus probable pour ces deux ensembles (selon l’ordre fixé pour les masses, qui implique la relation (3.63), les deux possibilités sont ∆ ˆm221<∆ ˆm322 ou ∆ ˆm221>∆ ˆm232). Pour ce faire, il suffit de réaliser

qu’en intégrant (numériquement) ces deux distributions sur l’intervalle 0 ≤ R ≤ 1 (1 ≤ R < ∞), on obtient la probabilité que la différence de masse ∆ ˆm2

21 <∆ ˆm232 (∆ ˆm221 >∆ ˆm232) soit réalisée. Ainsi,

pour l’ensemble seesaw de type I-III, cette probabilité est de 95.8% (4.2%) alors que pour l’ensemble seesaw de type II, celle-ci est de 79.0% (21.0%). Par ailleurs, ces probabilités sont conformes à ce qui est attendu des courbes de la figure3.7. Ces résultats permettent donc de conclure que la tendance dominante pour ces deux ensembles est l’obtention de la différence de masse ∆ ˆm2

21 < ∆ ˆm232 entre

les trois générations, rappelant ainsi le scénario associé à la hiérarchie normale (voir la figure 1.1). De plus, en examinant les comportements distincts des deux courbes et en comparant les probabilités ainsi obtenues, on constate que l’ensemble seesaw de type I-III est mieux adapté pour générer cette différence de masses particulière. Dans ce contexte, cela signifie que les différences de masses générées à partir de l’ensemble seesaw de type I-III sont plus susceptibles de correspondre à la différence de masses expérimentale associée à la hiérarchie normale, mais que l’ordre des masses demeure inconnu. En d’autres mots, puisque la valeur expérimentale de ce ratio est de Rexp'0.03 pour la hiérarchie nor-

male (Rexp'32.65 pour la hiérarchie inverse), les courbes et les probabilités obtenues suggèrent que

la valeur de Rexpest mieux représentée par les tendances observées dans l’ensemble seesaw de type I-III.

Enfin, la dernière partie de cette discussion concernant le spectre de masse des neutrinos porte sur le test de probabilité introduit précédemment et donc, sur l’information qui peut être extraite de la figure

3.8. Premièrement, en comparant les probabilités obtenues pour les hiérarchies normale et inverse d’un même ensemble, on constate que la hiérarchie normale est favorisée dans les deux ensembles seesaw considérés. Plus précisément, pour l’ensemble seesaw de type I-III, les probabilités maximales résultant

d’un balayage sur les valeurs possibles du paramètre Λν impliquent qu’il est environ ∼ 1100 fois plus

probable que les différences de masses observées proviennent de la région définie par les paramètres de la hiérarchie normale (à 1σ). Autrement dit, l’ensemble seesaw de type I-III est plus susceptible de générer des valeurs (pour ∆m2

21 et ∆m231(2)) qui sont comprises dans l’intervalle contraint par les

données expérimentales relevant de la hiérarchie normale plutôt que dans celui contraint par les don- nées expérimentales relevant de la hiérarchie inverse.98 Dans le cas de l’ensemble seesaw de type II,

la même tendance est observée, mais avec un ratio beaucoup plus petit entre les probabilités maxi- males. En effet, on trouve à partir de la figure 3.8 qu’il est environ ∼ 25 fois plus probable que les différences de masses observées proviennent de la région définie par les paramètres de la hiérarchie normale. Ainsi, on peut donc conclure que des deux régions considérées dans ce test de probabilité, les ensembles seesaw favorisent naturellement des valeurs provenant de la région définie par la hiérarchie normale (pour les deux différences de masses). Par ailleurs, cette préférence (ou cette probabilité) est fortement accentuée dans l’ensemble seesaw de type I-III. Deuxièmement, une comparaison entre les deux ensembles peut être faite sachant que l’une des régions est grandement favorisée par rapport à l’autre. Il devient alors intéressant de comparer les probabilités maximales obtenues pour la hiérarchie normale entre les deux ensembles. Cette fois, les conclusions pouvant être tirées de ce ratio ne sont pas aussi tranchantes. Néanmoins, celui-ci permet tout de même d’affirmer que l’ensemble seesaw de type I-III est environ ∼ 2 fois plus susceptible (que l’ensemble seesaw de type II) de générer des différences de masses dans cette région particulière [32].99 Les résultats obtenus avec ce test de probabilité sont

donc en accord avec ceux obtenus à partir des distributions du ratio R et contribuent ainsi à quantifier les différentes tendances observées dans les ensembles seesaw.

Un dernier point d’intérêt qui mérite maintenant d’être soulevé en lien avec ce test de probabilité concerne l’échelle d’énergie Λν. À partir de la figure3.8, on constate que le fait de choisir une région

d’intégration bornée, qui correspond essentiellement aux différences de masses expérimentales et leurs incertitudes (à 1σ) dans ce cas-ci, permet de fixer l’échelle d’énergie des mécanismes seesaw. En effet, chacune des courbes indique que la probabilité maximale est atteinte pour un paramètre Λν de l’ordre

de O(10−2) eV et ce, pour les deux ensembles considérés. Comme Λ

ν correspond à l’échelle d’énergie

des masses des neutrinos gauches (légers) dans les mécanismes seesaw et que pour ces trois mécanismes, cette échelle d’énergie prend la forme générale Λν = v2/Λn (voir chapitre 1), où v ' 246 GeV est la

valeur moyenne du champ de Higgs dans le vide, une estimation rapide de la nouvelle échelle d’énergie Λn associée au contenu en particules introduit dans le modèle standard étendu peut être faite (pour

les trois mécanismes, il s’agit des singulets fermioniques de chiralité droite, du triplet de Higgs et des triplets fermioniques de chiralité droite respectivement). En utilisant les valeurs précédemment mentionnées, on obtient que Λn ∼ O(1015) GeV, ce qui implique que la nouvelle échelle d’énergie

fondamentale obtenue pour le modèle standard étendu est très près de celle de la grande unification. De plus, il va sans dire que Λnest directement reliée aux masses des nouvelles particules ainsi introduites.

Cependant, pour en déduire l’échelle d’énergie des masses, il faut d’abord spécifier l’ordre de grandeur des constantes de couplages présentes dans chaque mécanisme seesaw (les couplages de Yukawa). Dans la littérature, l’approche usuelle consiste à postuler des constantes de couplages d’ordre O(1) puisqu’il

98. Comme les intervalles des hiérarchies normale et inverse ont pratiquement la même grandeur (voir le tableau1.2

ou les expressions (3.67) et (3.68)), cette différence notable dans les probabilités obtenues ne peut pas être attribuée à la différence de taille entre les deux intervalles considérés.

99. La tendance inverse est observée pour la hiérarchie inverse, c’est-à-dire que la probabilité maximale obtenue pour l’ensemble seesaw de type II est environ ∼ 18 fois plus grande que celle obtenue pour l’ensemble seesaw de type I-III.

n’existe pour l’instant aucun principe fondamental ou symétrie particulière nécessitant que la force de ces couplages soit petite. En retour, cela implique que ces nouvelles particules sont très lourdes puisque Λn devient essentiellement l’échelle d’énergie associée à leur masse. En fait, ce résultat est typique

des mécanismes seesaw (comme discuté au chapitre 1) et est souvent considéré comme un prérequis pour que ces mécanismes donnent des prédictions sensées concernant les masses des neutrinos actifs (lorsque l’argument de « naturalité » est pris en considération pour éviter des problèmes d’ajustements fins pouvant être introduits par les mécanismes seesaw, voir également la note54). Bien sûr, l’échelle d’énergie des masses peut toujours être abaissée simplement en postulant des constantes de couplages plus petites, déviant ainsi quelque peu de l’argument de naturalité. En somme, le test de probabilité donne donc des résultats qui sont conformes à ce qui est attendu de la phénoménologie du modèle standard étendu (à partir des mécanismes seesaw) à haute énergie [32].