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2. U NE ANALYSE JURISPRUDENTIELLE CHRONOLOGIQUE

2.3 U N EXAMEN DE LA JURISPRUDENCE SUBSÉQUENTE

2.3.1 Une influence pancanadienne

2.3.1.3 Swisscanto v BlackBerry

La décision468 du 17 novembre 2015 rendue par le juge Belobaba de la Cour supérieure de l’Ontario examine pour la première fois ce que constitue une rectification rendue publique suite à de fausses déclarations sur les marchés secondaires. Mettant en application les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Teratechnologies469, le juge a autorisé l’action collective proposée par le demandeur concluant que l'objectif premier de la rectification rendue publique est de servir de « marqueur temporel » quant à l'évaluation des dommages470. Cette décision est donc d’importance capitale puisqu’elle rappelle aux émetteurs assujettis qu’il est préférable de consacrer leurs ressources

466 Rahimi v SouthGobi Resources Ltd., 2016 ONSC 1634. 467 Ibid.

468 Swisscanto v BlackBerry, 2015 ONSC 6434.

469 Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc., supra note 2. 470 Swisscanto v BlackBerry, supra note 468.

juridiques à contester une requête ayant des chances raisonnables de réussir au procès sur d’autres bases que sur celles contestant l'existence ou le moment d’une rectification rendue publique471.

Dans cette affaire, Swisscanto Fondsleitung, un fonds d'investissement basé en Europe et détenteur de 1700 actions de la société BlackBerry, a demandé l'autorisation d'intenter une action collective pour fausses déclarations sur le marché secondaire472. La revendication découle de la sortie d’un nouveau téléphone intelligent, un produit à l’aide duquel la société de téléphonie sans fil BlackBerry espérait revitaliser son entreprise473. Toutefois, les ventes du nouvel appareil ont été extrêmement décevantes et seulement environ un quart des téléphones expédiés aux distributeurs ont été achetés par les utilisateurs474. Ceci étant, la société BlackBerry a annoncé publiquement qu'elle essuyait un surplus d'inventaire d’environ un milliard de dollars et que par conséquent, elle souhaitait éliminer 40 pour cent de sa main d’œuvre mondiale afin de se limiter aux clients professionnels et à la recherche d’acheteurs potentiels475. Au bas de la première page du communiqué de presse, la société a également ajouté qu’elle souhaitait changer sa pratique concernant la comptabilisation de ses recettes afin que celles-ci ne soient pas connues du public avant que les appareils soient vendus aux clients finaux. Ce communiqué de presse engendra une chute immédiate du cours des actions de la société de 15 pour cent et poussa le demandeur à intenter une action collective en Ontario visant, entre autres, à réclamer des

471 Ibid.

472 Swisscanto v BlackBerry, supra note 468 au par. 5. 473 Ibid. au par. 7.

474 Ibid. au par. 8. 475 Ibid. au par. 9.

dommages-intérêts en vertu du droit d'action prévu par le paragraphe 138.3 (1) de la L.v.m.o.

Dans un premier temps, le juge Belobaba rappella qu’une action pour fausse déclaration sur le marché secondaire entreprise en vertu de l'article 138.3 L.v.m.o. exige l'autorisation du tribunal. Celle-ci ne sera accordée que si le tribunal est convaincu que l'action est intentée de bonne foi et s’il existe une possibilité raisonnable que l'action soit résolue au procès en faveur du demandeur476. Dans son analyse du critère de la « possibilité raisonnable » le juge Belobaba fait notamment référence à l’affaire Coffin477 en reprenant

l’interprétation de la Cour suprême dans l’arrêt Theratechnologies478. Rappelant une fois

de plus que le seuil d’autorisation était plus qu'un « dos d’âne » et que les tribunaux devaient entreprendre un examen raisonné de la preuve afin de s'assurer que l'action présente un certain mérite, le juge Belobaba a autorisé la requête en autorisation jugeant que le demandeur avait démontrer une possibilité raisonnable que l'action soit résolue en sa faveur au procès479.

En ce qui concerne la question de savoir si la déclaration constituait une rectification rendue publique, le demandeur a soutenu que l'annonce du changement faite par la société BlackBerry quant à la comptabilisation de ses recettes constituait une divulgation publique480. La société a quant à elle fait valoir qu’il s’agissait simplement

476 Ibid. au par. 25.

477 Coffin v Atlantic Power Corp., supra note 288.

478 Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc., supra note 2. 479 Swisscanto v BlackBerry, supra note 468 au par. 28. 480 Ibid. au par. 53.

d’une note de bas de page dépourvue de tout lien avec l’échec du nouvel appareil481. Avant de rendre sa décision, le juge Belobaba a énoncé une série de critères482 afin de déterminer si les exigences de l'article 138.3 L.v.m.o. visant la rectification étaient satisfaits. En raison du libellé ainsi que des termes employés dans la déclaration, le juge est d’avis que les exigences de la L.v.m.o. sont remplies483. Ce dernier ajoute que la déclaration, lorsque lue dans son contexte, pouvait raisonnablement être comprise de manière à ce qu’elle informait les actionnaires que la société procèderait au changement de sa méthode de comptabilisation des revenus484. Le juge Belobaba conclut donc que la présentation inexacte des faits de même que les exigences en matière de rectification ont été satisfaits et par conséquent, autorise le demandeur à poursuivre485.

Cette décision est particulièrement pertinente pour les investisseurs puisqu'elle établit un ensemble de lignes directrices permettant de déterminer si les exigences de la L.v.m.o. visant les rectifications ont été satisfaites. Précisant que celles-ci représentent un marqueur temporel quant à l'évaluation des dommages, le juge Belobaba précise qu’elles clôturent la période visée par le recours qui s’étend du moment où la déclaration inexacte a été faite à la date où la rectification est rendue publique. Il ne s’agirait donc pas, selon ce dernier, d'un obstacle de fond à l'obtention de la permission d'introduire un action collective sur le marché secondaire sur la base d'une fausse déclaration alléguée, mais plutôt d’un repère temporel afin de procéder à l'évaluation des dommages. Son importance est donc

481 Ibid. au par. 51. 482 Voir : Ibid. au par. 64. 483 Ibid. au par. 67. 484 Ibid. au par. 71. 485 Ibid. au par. 74.

bien relative en comparaison à l'exigence de faire la démonstration d’une fausse déclaration alléguée.