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2. U NE ANALYSE JURISPRUDENTIELLE CHRONOLOGIQUE

2.1 U N EXAMEN DE LA JURISPRUDENCE ONTARIENNE ET B COLOMBIENNE

2.1.1 Les débuts d’une interprétation ontarienne

2.1.1.2 Dobbie v Arctic Glacier Income Fund

Le 3 mars 2011, la Cour supérieure de justice de l'Ontario autorisait, deux ans après l’affaire IMAX, une action collective fondée sur les dispositions de la Loi sur les valeurs

mobilières relatives au marché secondaire316. Comme nous le verrons, la Cour prendra largement appui sur l’interprétation qu’a adoptée la juge Van Rensburg dans l’affaire IMAX maintenant ainsi à un niveau très peu élevé, le seuil d’autorisation du recours.

Dans cette affaire, les demandeurs sont des résidents de l'Ontario qui ont acheté à la Bourse de Toronto des parts du défendeur Arctic Glacier Income Fund ; une fiducie de fonds commun de placement sans personnalité morale. Étant émetteur assujetti dans dix provinces canadiennes, dont notamment l'Ontario, la vocation d’Arctic Glacier Income

315 Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Green, supra note 288. 316 Dobbie v Arctic Glacier Income Fund, supra note 293. [Artic Glacier]

Fund est de permettre la mise en marché des titres de la société Arctic Glacier Inc. à la Bourse de Toronto317. Parmi les autres défendeurs, on compte certains dirigeants, administrateurs et fiduciaires d’Arctic Glacier Income Fund et la société Arctic Glacier Inc. elle-même, qui produit, met en marché et distribue de la glace conditionnée aux consommateurs du Canada et des États-Unis318. Entre 2002 et 2008, Arctic Glacier Income Fund a déclaré dans ses documents d'information continue que le secteur de la glace conditionnée était extrêmement concurrentiel et que ses filiales étaient des entreprises socialement responsables qui exerçaient leurs activités en toute légalité319.

Cependant, en mars 2008, les défendeurs ont annoncé publiquement qu'ils avaient eu connaissance d’une enquête menée par le ministère de la Justice des États-Unis sur le secteur de la glace conditionnée et qu'ils y collaboraient pleinement320. Un an plus tard, une filiale américaine de la société plaide coupable à une accusation lui reprochant d’avoir participé à un complot criminel anti-concurrence aux États-Unis321. Les demandeurs prétendent donc, qu'après la publication par les défendeurs des déclarations inexactes concernant la vente de titres négociés sur les marchés primaire et secondaire, que le cours de ces titres a considérablement diminué322. Ces derniers ont donc intenté une action collective et présenté une demande d'autorisation pour présentation inexacte des faits sur le marché secondaire ainsi qu’une demande de certification du recours proposé.323

317 Ibid au par. 2. 318 Ibid au par. 3. 319 Ibid. au par. 92. 320 Ibid. 321 Ibid. au par. 158. 322 Ibid. au par. 168. 323 Ibid. au par. 169.

Dans un premier temps, le juge Tausendfreund a traité de l'application du délai de prescription prévu par l'article 138.14 L.v.m.o. puisque la période visée par le recours des demandeurs s'étendait du 13 mars 2002 au 18 septembre 2008. Les dispositions concernant la responsabilité envers le marché secondaire étant entrées en vigueur le
31 décembre 2005, le juge Tausendfreund a conclu que la partie XXIII.1 s'appliquait tout de même à la situation compte tenu du caractère répétitif des déclarations inexactes et a ainsi permis aux demandeurs de prétendre qu'il y avait eu présentation inexacte des faits en invoquant les documents d'information continue publiés depuis cette date324.

En ce qui concerne le premier critère d’autorisation, soit celui de la bonne foi, le juge Tausendfreund s'est appuyé sur la décision IMAX325 pour établir que ce premier critère ne doit pas être présumé, mais doit plutôt être établi par les demandeurs selon la prépondérance des probabilités326. Le juge Tausendfreund a noté que l'examen de la bonne foi nécessitait une analyse objective de la preuve et, à cette fin, il a repris les commentaires de la juge van Rensburg, selon laquelle la « bonne foi » prévue à l'article 138.8 L.v.m.o., « oblige les demandeurs à établir qu'ils intentent leur action en croyant honnêtement avoir une cause valable qui repose sur des motifs conformes au droit d'action conféré par la loi et non sur des motifs inavoués ou indirects»327. En outre, le tribunal, s’appuyant une fois de plus sur la décision IMAX328, a considéré que la bonne foi s'établit d'après l'étude des

324 Ibid au par. 71.

325 Silver c. Imax Corporation, supra note 293.

326 Dobbie v Arctic Glacier Income Fund, supra note 293 au par. 105. 327 Ibid. au par. 106.

raisons subjectives pour lesquelles les demandeurs ont intenté leur action, raisons qui s'établissement une fois de plus par l'examen d'une preuve objective329.

Indiquant dans leurs déclarations sous serment que cette action était intentée afin que les défendeurs soient tenus responsables de leurs agissements et afin d’éviter qu’une situation semblable ne se reproduise, les demandeurs ont en outre indiqué que les défendeurs avaient plaidé coupables aux États-Unis à des accusations de complot de nature commerciale330. Les demandeurs se sont ainsi fondés sur ces plaidoyers de culpabilité pour démontrer à la Cour qu'ils avaient une chance de succès raisonnable dans le recours proposé331. Le juge Tausendfreund a conclu que la preuve objective présentée par les demandeurs était suffisante pour établir la bonne foi en vertu de l'article 138.3 L.v.m.o. ; il a donc conclu que le premier critère était satisfait.

En ce qui concerne le deuxième critère d'autorisation, le juge Tausendfreund a indiqué qu'il n'avait aucune raison de rejeter l'analyse faite par la juge van Rensburg selon laquelle le qualificatif « raisonnable » est utilisé au lieu du qualificatif « simple » pour indiquer que la chance de succès du demandeur doit représenter plus qu'une possibilité ou qu’une chance minime332. Le juge Tausendfreund a indiqué que pour évaluer correctement l'existence d'une possibilité raisonnable de succès, on doit étudier la preuve pertinente dans

329 Ibid. au par. 112. 330 Ibid. au par.158. 331 Ibid. au par. 159. 332 Ibid. au par. 160.

le contexte de la requête en question333. Il a également conclu que le succès au procès doit être plus qu'une simple possibilité, mais pas une probabilité334.

Selon le juge Tausendfreund, afin de démontrer une possibilité raisonnable de succès, les demandeurs doivent mettre en application les éléments de l'article 138.3 L.v.m.o. à chacun des défendeurs335. Ceci étant, il conclut qu'il existait une possibilité raisonnable de succès au procès contre le fonds de revenu ; Arctic Glacier Income Fund, contre la société ; Arctic Glacier Inc., contre les fiduciaires à titre d'administrateurs et de personnes influentes, et contre les dirigeants, les administrateurs et les autres personnes influentes.

En février 2012, les parties sont parvenues à un accord de principe pour régler l'action au montant de 13,75 millions de dollars336. L'entente de règlement et le plan d'attribution ont été approuvés par la Cour supérieure de justice de l'Ontario par ordonnance datée du 1er juin 2012337. Bien que le juge se soit fondé en majeure partie sur la décision

IMAX pour régler la plupart des questions en litige concernant les critères d'autorisation et

de certification, la jurisprudence subséquente démontrera qu’une tangente différente s’opérera auprès des décideurs.

333 Ibid au par. 96. 334 Ibid au par. 130. 335 Ibid au par. 19.

336 Voir : Dobbie v. Arctic Glacier Income Fund, supra note 293. 337 Ibid.