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Surveillance et dégradation des ARNs

2. La protéine « Poly (A) binding protein nuclear 1 » (PABPN1)

2.5. Les fonctions moléculaires de PABPN1

2.5.5. Surveillance et dégradation des ARNs

L’état d’équilibre d’un ARN est déterminé par une balance entre sa synthèse et sa dégradation. La demi-vie est très variable allant de 15 min à 10 heures en fonction du type considéré. Cependant pour un ARN donné sa demi-vie varie très peu elle mais peut toutefois être modifiée en fonction de stimuli externes (Jacobson, Peltz, 1996). Les mécanismes de dégradation des ARN sont nombreux et existent chez toutes les espèces vivantes. Ils interviennent dans le métabolisme des ARN mais aussi dans la dégradation des introns après que ceux-ci aient été retirés de la molécule de pré-ARN. Ils sont aussi responsables de la dégradation des ARNm non correctement maturés (structure tridimensionnelle, modifications post-transcriptionelles, épissage, export) lors d’étapes de contrôle qualité. Trois grandes classes d’enzymes de dégradation de l’ARN existent (appelées ribonucléases ou RNAses) : des endonucléases, des 5’ exonucléases et 3’ exonucléases qui vont respectivement hydrolyser l’ARN en interne ou à partir des extrémités. Le complexe exosome eucaryote qui est retrouvé à la fois dans le noyau et dans le cytoplasme, présente des activités 3’ exonucléases et endonucléases et le complexe humain multiprotéique de polyadénylation TRAMP (contenant une protéine hélicase, une protéine de type PAP et une protéine de liaison à l’ARN) intervient comme cofacteur de ce complexe exosome. Ensemble ils interviennent dans la surveillance nucléaire des ARN nécessitant une étape de polyadénylation pour initier la dégradation des ARN par les exosomes. Ainsi lorsqu’un ARN nucléaire est défectueux il est hyperadénylé comme marqueur de dégradation par le complexe TRAMP pour ensuite recruter les exosomes. Des études ont en effet montré qu’environ 30 nucléotides non liés par des protéines doivent être présents pour fixer le canal central du cœur du complexe exosomique conduisant ainsi à la dégradation de la molécule d’ARN (Anderson, Wang, 2009 ; Bresson, Conrad, 2013). Dans cette voie métabolique la

queue poly(A) sert à la fois à contrôler l’état d’équilibre de la molécule d’ARN mais aussi de levier pour dégrader les ARN non correctement maturés.

Des études réalisées par Beaulieu et al et Bresson et al ont montré que les protéines PAP et PABPN1 font partie des cofacteurs impliqués dans ce processus qui a récemment été nommé « PABPN1 and PAP mediated RNA decay » (PPD) (Beaulieu et al., 2012 ; Bresson, Conrad, 2013 ; Bresson et al., 2015). Dans ce mécanisme l’activation de PAP dépendante de PABPN1 et indépendante de CPSF stimule la polyadénylation qui est reconnue comme de l’hyperadénylation car ayant lieu après l’étape de maturation en 3’ des ARN. Cette voie semble permettre de contrôler à la fois le niveau d’expression de nombreuses classes d’ARN mais aussi à les dégrader lorsqu’ils ne sont pas correctement maturés et fait intervenir le complexe TRAMP/exosomes. Différentes classes d’ARN semblent régulées par ce mécanisme : des ARN non codant, comprenant des transcrits en amont des promoteurs (promoter upstream transcripts - PROMPT en Anglais), des ARN anti-sens, des pré- microARN, des longs ARNs non codants et des ARN non codant hôtes de gènes snoRNA (non coding snoRNA host genes - ncSNGH en Anglais). Une faible mais significative proportion d’ARNm est effectivement la cible de cette voie de dégradation. Les PROMPT est la classe la plus impactée par inactivation de la voie PPD. De façon intéressante il semblerait que les transcrits ayant moins d’exons ou subissant moins d’épissage sont plus susceptibles d’être une cible de la voie PPD. Les ARN avec une rétention d’intron et ceux où l’épissage n’est pas correctement effectué sont dégradés par la voie PPD. Dans ce dernier cas, une majorité des transcrits soumis au PPD sont des ARN avec un seul exon. L’hypothèse proposée par les auteurs est que l’épissage conduit à la formation d’une molécule RNP qui est transloquée vers le cytoplasme échappant à cette voie de dégradation (Bresson, Conrad, 2013). Le même mécanisme a été retrouvé pour la maturation de la partie 3’ de l’ARN télomerique (hTR) chez l’homme, qui sert de matrice à la protéine « human reverse transcriptase hTERT » pour l’élongation des télomères. Il s’agit d’un ARN non polyadénylé dans sa forme mature mais passe par une étape d’hyperadénylation de son précurseur. Cet ARN contient la séquence nécessaire pour l’élongation graduelle des télomères avec un domaine conservé parmi les petits ARN nucléolaire (Small nucleolar RNA = snoRNAs en Anglais) et les petits ARN avec un motif spécifique des corps de Cajal (Small Cajal body-specific RNAs = scaRNA en Anglais). Le contrôle de sa maturation passe par le raccourcissement de sa queue poly(A) qui est dépendante de la protéine PABPN1 et de la protéine PARN (poly(A)-specific RNase). Cette voie est en compétition avec celle de dégradation qui elle est dépendante du complexe TRAMP/exosome. Ensemble elles

permettent de réguler son niveau d’expression. Ainsi au cours de cette étude il a été montré que PABPN1 intervient dans la maintenance des télomères en interagissant directement avec l’ARN hTR. Une diminution de expression de PABPN1 conduit à une hyperadénylation de hTR, une accumulation de sa forme non mature, et donc au raccourcissement des télomères par une dysfonction de l’activité de la télomérase (Nguyen et al., 2015). Ce mécanisme est conservé au cours de l’évolution. Chez la levure S. pombe l’extinction de Pab2 (l’homologue de PABPN1) conduit à une hyperadénylation des ARN. Bien que globalement peu d’ARN voient leur état d’équilibre affecté, une augmentation de l’expression des snoRNAs est retrouvée chez ces mutants déficients en Pab2 (∆Pab). Non polyadenylés dans leur forme mature ces snoRNA s’accumulent sous forme polyadénylés dans les souches ∆Pab dont la protéine interagit normalement avec Rrp6 et Dis3, deux exonucléases du complexe exosomique. En condition sauvage la protéine Pab2 est retrouvée à l’extrémité 3’ des snoRNA polyadénylés et semble nécessaire pour l’étape de déadénylation par le complexe exosomique nucléaire, étape nécessaire pour obtenir un SnoRNP mature. Dans le cas où l’ARN serait incorrectement maturés il est dégradé par le complexe TRAMP/exosome (Lemay et al., 2010).

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