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Dérégulations dans l’OPMD

La plupart des dérégulations physiopathologiques décrites dans l’OPMD ont été mise en évidences dans des modèles in vitro et in vivo de surexpression de la protéine PABPN1 mutée. Pour certaines de ces dérégulations, la confirmation sur des échantillons humains de patients OPMD reste à être réalisée, peu d’études physiopathologiques ont en effet été effectuées directement sur de tels échantillons.

4.1. Complexe ubiquitine-protéasome

Parmi les mécanismes de contrôle qualité des protéines mis en place par la cellule, celui de la voie de l’ubiquitine-protéasome permet d’éviter l’accumulation de protéines non fonctionnelles et/ou potentiellement toxiques. Ce mécanisme catalyse la dégradation sélective de protéines non correctement formées dans le noyau ou le cytoplasme ce qui conduirait à des agrégats toxiques dans le cas contraire. Cette voie a été montrée comme dérégulée dans la dystrophie myotonique de type 1 (Vignaud et al., 2010), durant le processus d’atrophie

Souris Souris Souris Souris Drosophile Nématode Référence (Hino et al.,

2004) (Davies et al., 2005) (Dion et al., 2005) (Mankodi et al., 2012) (Chartier et al., 2006) (Catoire et al., 2008)

Transgène hPABPN1 ala13 bPABPN1 ala17

hPABPN1 ala13

hPABPN1 ala16 bPABPN1 ala17 GFP- hPABPN1 ala13 Promoteur CMV early enhhancer/chick en beta actin- ubiquitaire Human skeletal actin- Muscle spécifique PABPN1- ubiquitaire Inductible Mifepristone - ubiquitaire Myosine heavy chain/Gal4 - Muscle spécifique Myosine heavy chain -Muscle spécifique Agrégats Oui Oui Oui mais neurone seulement

Oui Oui Non

Histologie Dégénérescence musculaire, fibrose et gras Apoptose, régénération musculaire Régénération musculaire Myopathie progressive Dégénérescence musculaire, apoptose, perte mitochondries Perte cellules musculaires Phénotype Faiblesse musculaire progressive, survie diminuée, perte de poids Faiblesse musculaire progressive, atrophie musculaire Faiblesse musculaire, altération neurologique Faiblesse musculaire, cardiomyopathie survie diminuée Défaut positionnement aile Défaut de motilité, dégénérescence Age d’apparition des premiers symptômes

3 mois 6 mois 12 mois 10-12 semaines après induction

2 jours (durée de vie 25 jours)

5 jours (durée de vie 25 jours)

musculaire (Bodine et al., 2001) et le vieillissement musculaire (Combaret et al., 2009 ; Taillandier et al., 2004).

Il a été montré in vitro que l’accumulation d’agrégats de PABPN1 serait une conséquence d’un dysfonctionnement partiel du complexe ubiquitine-protéasome et des molécules chaperonnes. En effet, inhiber le complexe ubiquitine-protéasome conduit à une augmentation du nombre d’agrégats tandis que l’expression exogène des protéines HSP40 et HSP70 diminue le nombre d’agrégats et la toxicité cellulaire (Abu-Baker et al., 2003). Une analyse transcriptomique croisée effectuée sur des biopsies issues de patients OPMD et les modèles murin (A17.1) et de drosophile a montré que le système ubiquitine-protéasome est la voie la plus significativement dérégulée. Ainsi par exemple les ARN codants les protéines ligases- E3, de déubiquitination et le protéasome ont été montrés comme sous exprimés dans l’OPMD dans les 3 espèces (Anvar et al., 2011).

4.2. Apoptose

L’apoptose est l’un des deux mécanismes de la mort cellulaire responsable de la suppression des cellules de manière physiologique au travers d’un programme régulé de façon intrinsèque. Elle est par exemple fortement impliquée dans le développement embryonnaire (Bao et al., 2002). L’apoptose est également présente dans la pathogenèse de nombreuses maladies (Sandri, 1999). Dans le cas du muscle elle intervient aussi au cours de nombreux processus physiologiques et pathologiques tels que l’atrophie observée lors d’un dommage musculaire induit par l’exercice ou encore dans les dystrophies musculaires.

L’apoptose a été observée dans des modèles cellulaire OPMD de surexpression/sous expression de PABPN1 (Bao et al., 2004 ; Bhattacharjee, Bag, 2012 ; Bhattacharjee et al., 2012 ; Davies et al., 2006) et dans deux modèles de souris OPMD (Davies et al., 2005 ; Hino et al., 2004). L’utilisation de composés tels que la doxycycline (Davies et al., 2005), le tréhalose (Davies et al., 2006) et la cystamine (Davies et al., 2010) améliorent le phénotype de la souris A17.1 en diminuant la nombre d’agrégats nucléaires mais aussi par un effet anti- apoptotique. De même le croisement de la souris A17.1 avec la souris surexprimant la protéine BCL2 diminue l’apoptose et améliore le phénotype musculaire (Dominov et al., 2005). Chez la drosophile des résultats similaires sont retrouvés : l’expression de PABPN1 mutée conduit à une dégénération musculaire progressive impliquant les mécanismes d’apoptose (Chartier et al., 2006).

4.3. Atrophie musculaire

L’atrophie est définie comme la diminution de la taille d’une cellule, d’un tissu ou d’un organe due à la contraction du volume cellulaire. Cette diminution est causée par la perte d’organites, du volume du cytoplasme et des protéines. Ce mécanisme est contrôlé par 2 voies de dégradation responsables du renouvellement protéique: ubiquitine-protéasome et autophagie-lysosome. Dans le muscle la taille des fibres musculaires et les performances contractiles sont contrôlées par un réseau complexe de voies de signalisation et 4 voies majoritaires ont été montrées comme impliquées dans l’atrophie musculaire : IGF1-Akt- FoxO, myostatine, NFκB et glucocorticoides (Bonaldo, Sandri, 2013). Une étude histologique effectuée sur des biopsies de patients OPMD a mis en évidence une atrophie des fibres au niveau du muscle cricopharingien, touchant plus particulièrement les fibres rapides oxydative de type MyHC IIa. Aucune atrophie n’a été observée dans les muscles cliniquement non atteints (quadriceps, SCM et deltoïdes) (Gidaro et al., 2013). Une étude similaire effectuée précédemment dans la souris modèle de l’OPMD A17.1 avait également mis en évidence une atrophie musculaire progressive touchant spécifiquement les fibres rapides avec une augmentation de l’atrogène Murf1 (Trollet et al., 2010).

4.4. Polyadénylation alternative (APA)

Deux études ont mis en évidence une dérégulation générale de la polyadénylation alternative dans des modèles de l’OPMD (cellules surexpimant PABPN1 mutée et la souris A17.1) (Jenal et al., 2012 ; de Klerk et al., 2012). Elle est caractérisée par un raccourcissement du 3’UTR consécutif à un usage non canonique des sites de polyadénylation proximaux ce qui conduit à une augmentation de l’expression de certains transcrits. Lorsque l’expression de la protéine est éteinte par RNAi la même dérégulation est retrouvée (Jenal et al., 2012), suggérant un mécanisme lié à une perte de fonction de PABPN1 dûe au piégeage de la protéine dans les agrégats nucléaires. Différentes hypothèses ont été émises pour expliquer ce défaut : 1) l’usage des sites proximaux de polyadénylation est favorisé en absence de PABPN1 car la protéine se fixe normalement sur ces sites prévenant ainsi leur usage, 2) le rôle de la stœchiométrie entre PABPN1, CPSF et la ARN polymérase II est responsable. En effet le complexe CPSF et la protéine PABPN1 fixent la RNA pol II lors de la transcription et le complexe CPSF se dissocie pour se fixer sur un site canonique de polyadénylation. Lorsque la stœchiométrie change suite à une diminution de niveau de PAPBN1, le complexe CPSF se

dissocie prématurément conduisant à un usage des sites proximaux et à un raccourcissement du 3’UTR (Jenal et al., 2012 ; de Klerk et al., 2012).

4.5. Fibrose

La matrice extracellulaire (MEC) est une structure dynamique au sein des tissus qui joue une rôle dans la signalisation cellulaire, participe à l’homéostasie et la réparation tissulaire (Lieber, Ward, 2013). Dans le muscle strié squelettique la MEC participe à la maintenance de la structure du muscle et apporte un environnement nécessaire pour la contraction des fibres (Grounds et al., 2005) mais aussi participe à la biodisponibilité de certains facteurs tel que l’IGF-1. Cette MEC est constituée principalement de glycoprotéines structurelle et de protéines fibrillaires comme le collagène et les protéoglycannes (Frantz et al., 2010 ; Raghow, 1994). La fibrose, qui correspond à une accumulation excessive de MEC, est retrouvée dans un grand nombre de dystrophies musculaires : elle remplace progressivement le tissu musculaire lors des processus de réparation. Les muscles atteints de patients OPMD sont caractérisés par une fibrose excessive pouvant atteindre 40% du muscle (Bouazza et al., 2009 ; Gidaro et al., 2013). La fibrose a aussi été retrouvée dans les muscles de la souris modèle de l’OPMD A17.1 âgée (Trollet et al., 2010). Une étude récente rapporte une dérégulation de la MEC dans l’OPMD avec une diminution de la présence de la protéine procollagen C-endopeptidase enhancer 1, régulateur positif du dépôt de collagène, dans la MEC (Raz et al., 2013).

4.6. Vieillissement prématuré

Le vieillissement est un processus multifactoriel caractérisé dans le muscle squelettique par une diminution de la masse et de la force. Le métabolisme protéique est régulé par un réseau de mécanismes cellulaires qui contrôlent la concentration, le repliement, la localisation et l’interaction des protéines de leur synthèse à leur dégradation. La diminution de ce métabolisme est une caractéristique du vieillissement et s’accompagne d’une dérégulation du protéome qui peut, dans certains cas, conduire à la formation d’agrégats protéiques retrouvées dans des maladies liées à l’âge tel que la maladie d’Alzheimer ou de Huntington. Les complexe ubiquitine-protéasome et autophagie-lysosome servent à dégrader les protéines malformées, endommagées, agrégées et à réguler leur concentration protéique intracellulaire (Raz et al., 2014). Le protéasome est un cofacteur de nombreuses voies cellulaires impliquant

le contrôle qualité des protéines, la réponse au stress cellulaire, ou la régulation du cycle cellulaire et un dysfonctionnement de ce complexe est retrouvé de façon caractéristique au cours du vieillissement et des maladies neurodégénératives. La dégradation dépendante du protéasome est un mécanisme complexe. Les protéines sont d’abord ciblées par la machinerie de l’ubiquitination et sont ensuite reconnues et dégradées pas le protéasome (Saez, Vilchez, 2014). Il a ainsi été montré que le niveau de PABPN1 diminue au cours du vieillissement musculaire par un mécanisme directement régulé par le complexe ubitquitine-proteasome (Raz et al., 2011) et par la protéine E3-ligase ARIH2. Au cours de cette étude il a été montré que dans les muscles de patients OPMD le niveau de ARIH2 est plus faible comparé à des individus contrôles dont le niveau diminue de manière physiologique au cours du vieillissement. Ceci est exacerbé dans l’OPMD par une augmentation de l’usage d’un site de polyadenylation alternatif dans l’ARN de ARIH2 dépendant de la diminution de PABPN1, la présence de la protéine dans les agrégats conduisant à une diminution de son niveau d’expression mais aussi à une perte fonctionnelle (Raz et al., 2014). In vivo, une réduction modérée du niveau de PABPN1 chez la souris par ARN interférence, qui mime une perte de fonction de PABPN1 dans l’OPMD causé par l’emprisonnement dans les agrégats, entraîne des caractéristiques histologiques similaires à celles du muscle âgé : atrophie, centro- nucléation, épaississement de la MEC, et un changement du typage des fibres (Riaz et al., 2016). L’OPMD présente donc des caractéristiques d’un vieillissement accéléré du muscle, et ceci est conforté par une étude montrant que le transcriptome issu de muscles de patients est similaire à celui de muscles sains mais issu de personnes de plus de 85 ans (Anvar et al., 2013).

4.7. Défauts mitochondriaux

Plusieurs études ont mis en évidence la présence de défauts mitochondriaux sur les muscles de patients OPMD. En 1974, Julien et al décrit le cas d’un patient présentant des inclusions pathologiques dans les mitochondries issus de muscle deltoïde de patients OPMD (Julien et al., 1974). Par la suite de nombreuses études de cas ont rapporté les mêmes observations (Pauzner et al., 1991 ; Pratt, Meyers, 1986 ; Schröder et al., 1995). Cependant toutes les études ne décrivent pas des structures exactement similaires, ce qui n’est pas en faveur d’une caractéristique phénotypique commune de la pathologie. Deux cas de délétion dans l’ADN mitochondrial dans des muscles de patients OPMD ont également été rapportés (Lezza et al.,

1997 ; Muqit et al., 2008). L’étude que nous avons réalisée sur les défauts mitochondriaux dans l’OPMD est présentée dans la partie « Résultats ».

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