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Surveillance épidémiologique de la résistance et politique de bon usage des antibiotiques

1 : Rappel historique et bibliographique

1.3. Surveillance épidémiologique de la résistance et politique de bon usage des antibiotiques

Dès le début des années 2000, la question de l’utilisation massive des antibiotiques et de ses conséquences a été prise en compte et mise en évidence au niveau européen avec notamment l’adoption en novembre 2001 de la Recommandation 2002/77/CE du Conseil relative à l’utilisation prudente des agents antimicrobiens en médecine humaine. Dans ce contexte, les Etats membres ont été invités à mettre en place une stratégie commune, des organismes durables de surveillance ainsi qu’une prescription encadrée des antibiotiques.

À l’échelle mondiale, il existe de nombreux réseaux de surveillance, tant de la consommation que des résistances aux antibiotiques, qui restent toutefois très disparates.

1.3.1. Les actions de surveillance de l’Union Européenne

Le problème de la résistance aux antimicrobiens est connu depuis plusieurs années et a été reconnu par le Conseil et le Parlement européen.

Le 12 mai 2011, le Parlement européen a adopté une résolution non législative sur la résistance aux antibiotiques dans laquelle il a souligné que le problème de la résistance aux antimicrobiens avait pris une ampleur considérable ces dernières années. Pour résoudre ce problème de plus en plus grave, le Parlement européen a invité la Commission à mettre en place à l’échelle de l’Union, un plan d’action pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, qui se décline en douze actions clés26.

L’Europe est par ailleurs dotée de plusieurs réseaux performants, tels que les réseaux de surveillance de la résistance (EARS-Net) et de la prescription d’antibiotiques (ESAC-Net).

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§ L’European Antimicrobial Resistance Surveillance Network (EARS-Net, anciennement EARSS) a été créé en 1998. D’abord coordonné par l’Institut national de santé publique et de l’environnement des Pays-Bas, puis par le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC) à partir de 2009, il regroupe aujourd’hui 31 pays européens (les 29 pays de l’UE et 2 pays de l’EEE, Norvège et Islande).

Les données sont recueillies au niveau de chaque pays par un réseau national de laboratoires.

Pour la France, le recueil et la transmission des données couvre la France métropolitaine et fait l’objet de collaborations entre l’InVS, le Centre National de Référence des Pneumocoques (CNRP) et l’ONERBA.

L’information collectée concerne les résistances de 8 espèces bactériennes isolées d’infections invasives (bactériémies et/ou méningites) à certains antibiotiques4.

Espèces bactériennes Antibiotiques étudiés

S. aureus depuis 1999 Méticilline

hémoculture seulement

S. pneumoniae depuis 1999 Pénicilline, Macrolides

E. coli depuis 2001 Aminoglycosides, C3G, Fluoroquinolones

E. faecalis et E. faecium depuis 2001 Aminosides, Vancomycine

hémoculture seulement

K. pneumoniae depuis 2005 Fluoroquinolones, C3G, carbapénèmes, Aminoglycosides

P. aeruginosa depuis 2005 Piperacilline (+/- tazobactam),Ceftazidime Fluoroquinolones, Carbapénèmes

Acinetobacter. sp depuis 2012 Fluoroquinolones, Aminosides, Carbapénèmes

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Les indicateurs produits par le réseau EARS-Net sont des proportions de résistance au sein de l’espèce et, pour certains antibiotiques, des proportions de souches de sensibilité diminuée. Une proportion de souches « productrices de BLSE » est aussi produite depuis 2009 pour les souches d’entérobactéries résistantes aux C3G.

§ L’ECDC est une agence de l’Union européenne, créée en 2005 et basée à Stockholm qui a pour but de renforcer la lutte contre les maladies infectieuses en Europe.

Il est chargé aussi de procéder à la surveillance et aux contrôles de la résistance aux antibiotiques des pays de l’Union Européenne.

Sa mission est d’identifier et d’évaluer la menace que constituent les maladies infectieuses pour la santé humaine, puis de communiquer sur ce sujet. Il s’agit des 49 maladies infectieuses dont la déclaration est obligatoire au niveau de l’Union, parmi lequelles figurent les infections à bactéries résistantes aux antibiotiques et les infections liées aux soins. L’ECDC travaille en partenariat avec les organismes de protection de la santé dans toute l’Europe.

§ L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en collaboration avec l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) de Paris, a développé, en 1999, AR InfoBank (Antimicrobial Résistance Information Bank), destiné à faciliter l’échange d’informations sur la résistance aux antibiotiques et sa surveillance.

Concernant le versant vétérinaire, l’Agence européenne du médicament a lancé en 2010 un projet de surveillance de la consommation vétérinaire d’antimicrobiens : European Surveillance of Veterinary Antimicrobial Consumption (ESVAC). Dix-neuf pays sont concernés.

Depuis 2008, une journée de sensibilisation à l’usage des antibiotiques, initiative européenne de santé publique se déroule le 18 novembre chaque année afin de sensibiliser l’opinion publique à la menace que représente la résistance aux antimicrobiens pour la

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santé publique et inciter à une utilisation davantage prudente des antibiotiques. Cette journée représente une tribune sans équivalent pour favoriser la diffusion d’informations et de messages clés dans ce domaine26.

1.3.2. La stratégie française

1.3.2.1. Surveillance des consommations et des résistances bactériennes

La France fait partie des pays européens au sein desquels la mobilisation politique pour le contrôle de la résistance bactérienne aux antibiotiques est parmi les plus actives.

La surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques en France repose en effet sur de nombreux partenaires et réseaux de surveillance dont la coordination est placée sous l’égide de l’InVS. (Figure 25)

Figure 25 : Organigramme des acteurs impliqués dans la surveillance des consommations antibiotiques et des résistances bactériennes

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· L’Institut de Veille Sanitaire (InVS)

C’est un établissement public, placé sous la tutelle du Ministère chargé de la santé. Il réunit les missions de surveillance, de vigilance et d’alerte dans tous les domaines de la santé publique dont celui de la résistance bactérienne.

· Au sein du ministère de la santé, la Direction Générale de la Santé (DGS) est responsable des politiques de prévention et de sécurité sanitaire.

· Créé en 2001, le Réseau d’Alerte, d’Investigation et de Surveillance des

Infections Nosocomiales (RAISIN) est un réseau dépendant de l’InVS, issu du

partenariat entre les 5 CCLIN et l’InVS, offrant ainsi un cadre national pour l’harmonisation et la coordination des activités de signalement et de surveillance.

§ Les CCLIN sont des structures publiques créées en 1992 par le Ministère de la santé. Ils coordonnent actuellement plusieurs réseaux de surveillance en incidence des infections nosocomiales (sur une période donnée) auxquels peuvent adhérer de façon volontaire tous les établissements de santé des inter-régions concernées. Ces réseaux sont au nombre de cinq dont:

- le réseau ATB-RAISIN : réseau de surveillance de la consommation des antibiotiques.

Il a été mis en place en juillet 2009 concernant la surveillance des consommations 2008.

Il a plusieurs objectifs : 1) quantifier et décrire la consommation d’antibiotiques (par type d’établissement et par type d’activité médicale) ;

2) suivre ces consommations dans le temps ;

3) inciter les établissements à participer et à se situer par rapport à des établissements comparables ;

4) mettre les résultats de consommation en parallèle avec les résistances bactériennes (volet optionnel)

Les établissements inclus sont ceux ayant une activité d’hospitalisation complète. Les antibiotiques inclus dans la surveillance sont ceux à visée systémique de la

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classification J01 de l’ATC-OMS (Annexe 5) ainsi que les imidazolés per os et la rifampicine.

- le réseau BMR-AISIN : réseau de surveillance des bactéries multi résistantes aux antibiotiques.

Les BMR qui font l’objet du programme national sont les SARM et les EBLSE en raison de leur fréquence élevée, de leur potentiel pathogène, de leur caractère commensal qui expose au risque de diffusion, de leur caractère clonal ou du caractère aisément transférable des mécanismes de résistance impliqués.

Il s’agit de souches isolées des prélèvements à visée diagnostique réalisés durant la période de l’enquête chez les patients hospitalisés au moins 24 heures (hospitalisations dites « complètes », c’est-à-dire hospitalisations de jour et séances de dialyse ou de soins ambulatoires exclus).

Les indicateurs retenus au niveau national sont la densité d’incidence pour 1000 Journées d’Hospitalisations (JH) des malades ayant au moins un prélèvement à visée diagnostique positif à SARM ou EBLSE (indicateur principal) et le taux d’attaque pour 100 patients hospitalisés27.

Depuis 2010, la densité d’incidence des bactériémies à SARM et EBLSE est également calculée.