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PARTIE II : LE PLATEAU SUD-NAMIBIEN GEOMORPHOLOGIE ET DEFORMATION

CHAPITRE 5 : LA TOPOGRAPHIE DU SUD DE LA NAMIBIE

IV- INTEGRATION DES DONNES DE TERRAIN ET DISCUSSIONS

IV.2- Les surfaces d’aplanissement

Sur le terrain, plusieurs surfaces d’aplanissement ont été observées. Elles se présentent sous forme de vastes étendues planes ou presque (plusieurs dizaines de km) qui s’emboîtent très souvent au niveau des escarpements, ce qui confère à l’ensemble du relief une morphologie en gradins. Par exemple, entre les villes de Keetmanshoop et Seeheim, au point GPS : 18°6’36’’E, 26°37’26’’S, on a observé un emboîtement progressif de deux surfaces différentes par leur géométrie (Fig. 5.25):

• une surface ancienne et plus haute, située à 1200 m et constitué de deux types de cônes : des cônes aux sommets aplatis (C1) et de cônes aux sommets anguleux (C2). • une surface plus jeune et très aplanie située entre 900 et 1000 m d’altitude.

Figure 5.25- Photo montrant l’emboîtement progressif entre deux surfaces d’aplanissement dans la région de Keetmanshop. La surface supérieure (1200 m d’altitude) montre deux types de cônes : les cônes au sommet anguleux (C1) et les cônes au sommet aplani (C2). La surface inférieure (entre 900 et 1000 m d’altitude) est très aplanie.

Surface inférieure

plane

Surface supérieure

à cônes

C2 C1 Surfaces Observées

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158 De vastes surfaces de calcrètes très aplanies ont été également observées à plusieurs endroits parfois à 1200 m d’altitude. On pense qu’il existe une phase de calcretisation très importante qui modèle une surface plane à 1200 m sur de très grandes surfaces (plusieurs dizaines de Km2). Cette calcretisation est présente sur le socle et sur les basaltes du Karoo (Figs. 5.26A & B). Les calcrètes ont pu être observées jusqu’à 1500 m d’altitude au point GPS : 16°46’26,2’’E, 26°37’05’’S (Fig. 5.26C).

Figure 5.26- Photos de terrain montrant l’étalement de vastes surfaces calcrètes dans la zone d’étude.

A. Basaltes du Karoo calcretisés dans la région de Kalkrand située au Nord de la zone d’étude. B. Photo montrant une épaisse couche de calcrètes (plus de 2 m),au-dessus des basaltes du Karoo.

C. Calcrète observée à 1500 m d’altitude sur le lit d’un cours d’eau asséché entre Ludéritz et Aus.

C

B

A

Kalkrand Calcrètes à 1500 m d’altitude

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159 CONCLUSION ET DISCUSSION

L’analyse de la topographie du Sud de la Namibie apporte des résultats notables dans la compréhension des relations entre morphologie, érosion, tectonique et lithologie en domaine continental aride ou semi-aride. Deux grands résultats permettent de discuter de l’existence de la déformation dans cette zone réputée « stable » :

Les surfaces planes et les escarpements

Plusieurs surfaces planes ont été mises en évidence à travers une étude de la morphologie sur MNT. Ce résultat est confirmé par les observations de terrain qui montrent que ces surfaces sont de très faibles pentes (< 0,5°) et emboîtées. Ceci suggère que chaque surface a une dynamique érosive différente liée à trois paramètres : la lithologie, le climat et la chute du niveau de base. Ce dernier point semble être imputable essentiellement à la tectonique régionale et locale et non pas à l’eustatisme compte tenu des différences cumulées d’altitude entre chaque surface (> 300 m), et de la surface impliquée par l’érosion. Le climat apparaît comme un facteur prépondérant pour l’aplanissement du plateau interne alors que le domaine côtier semble être plus soumis aux variations eustatiques. Les profils en long des rivières attestent bien de cette dichotomie.

Le deuxième résultat porte sur les escarpements qui ne peuvent pas être dissociés de la formation des surfaces d’aplanissement. En effet, en dehors de l’escarpement occidental, dénommé « grand escarpement » et connu, d’autres escarpements non décrits ont été mis en évidence. Ils constituent pour l’essentiel, les limites des surfaces décrites plus haut. L’analyse des pentes est compatible avec l’emplacement de ces escarpements et montre que le passage d’une surface à une autre est soit brutal, soit progressif. Les données de terrain montrent que ces escarpements sont contrôlés par la lithologie.

Mais la question essentielle est celle de l’origine de ces escarpements. Les modèles conceptuels proposés dans la littérature, ne justifient entièrement ni leur origine, ni leur emplacement, encore moins leur âge.

• Le premier modèle qui est celui du retrait progressif de l’escarpement principal du rift parallèlement à lui-même sous l’effet de l’érosion (Beaumont et al., 2000 ; Gallagher et al., 1995 ; Gilchrist & Summerfield, 1990, 1994 ; Gunnel, 1998 ; Tucker & Slingerland, 1994), ne correspond pas à ce que l’on observe en Namibie, car les données de dénudation déduites de l’analyse des traces de fission montrent une dénudation faible en aval de l’escarpement actuel. Or d’après ce modèle, le taux de dénudation doit être plus important au niveau de la hauteur maximale de l’escarpement initial (Gallagher et Brown, 1999a).

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160 • Le deuxième modèle proposé, prédit un recul d’escarpement, puis un rebond

isostatique conduisant à la création d’un second escarpement au niveau d’une limite de partage des eaux à l’intérieur du continent (Beaumont et al., 2000 ; Cockburn et al., 2000 ; Persano et al., 2002 ; Van der Beek et al., 2002). La distribution des âges des traces est similaire à celle du modèle précédent, sauf au niveau du domaine de transition où est localisé l’escarpement, et où les âges des traces de fission sont plus jeunes que l’âge du rifting. Ce modèle est partiellement vérifié, car si on retrouve des escarpements parallèles aux lignes de partages des eaux, la question d’âge reste entière.

Toutefois, ces deux modèles sont applicables à l’évolution de l’escarpement occidental, et semblent peu adaptés aux escarpements internes car, le niveau de base (la mer) est très éloigné et qu’ils nécessitent déjà un escarpement initial ; ce qui n’est pas le cas dans la partie interne du plateau, apparemment.

Nous pensons que la formation des escarpements en Namibie en particulier, et en Afrique australe en général, n’est pas liée à un simple processus d’érosion mécanique, mais résulte d’un équilibre entre altération et érosion dans lequel il existe une épaisseur de matériel altéré grossièrement constante qui s’équilibre entre un niveau de base d’altération en profondeur et une évacuation mécanique en surface. Cet équilibre est obligé d’exister car, on ne peut pas imaginer un front d’altération qui s’enfonce en permanence sans perdre son efficacité. Nous avons mis aussi en évidence la présence d’un réseau hydrographique dendritique fruste mais bien visible sur les MNT. Celui-ci traverse très rarement les escarpements, indiquant qu’ils sont présents et constituent des barrières. Ce réseau pourrait correspondre au stade terminal du réseau ayant servi à l’évacuation mécanique du matériel.

La deuxième constatation de terrain semble révéler que les escarpements internes sont plus anciens que les escarpements plus occidentaux. Ceci se traduit par une maturité et un tracé plus complexes pour les anciens. Il semble qu’il existe un processus de rajeunissement des escarpements d’Ouest en Est capable de se propager vers l’intérieur. Deux possibilités peuvent être proposées :

(1) soit une dynamique mantellique qui migre vers l’Est provoquant un léger uplift, rajeunissant ainsi le système en déstabilisant le couplage altération/érosion décrit précédemment (Fig. 5.27, modèle 1) ;

(2) soit une propagation interne du rebond isostatique induit par le retrait de l’escarpement occidental. Ainsi au fur et à mesure du retrait de l’escarpement initial, l’uplift déséquilibre la dynamique altération/érosion permettant ainsi un aplanissement important dans la partie centrale. Le basculement de ces surfaces vers l’Est, fait émettre l’hypothèse de la surrection pour leur mise en place (Fig. 5.27, modèle 2). Une telle hypothèse a déjà été évaluée en Afrique de l’Ouest. En effet, Chardon et al. (2006) et Beauvais et al. (2008) ont pu

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161 dater une série surfaces (bauxites, ferricrètes et glacis) et montrer que leur formation était liée à la tectonique. Dans le cas de la Namibie, ces surfaces doivent être datées, ce qui permettrait non seulement de mieux les discriminer, mais aussi de définir les différents épisodes de surrection responsables de leur mise en place.

Les deux modèles proposés reposent sur un déséquilibre du couplage altération/érosion provoqué par un mouvement vertical d’origine mantellique ou crustale. On perçoit donc bien le rôle prépondérant de la déformation dans l’évolution du système. La morphologie du plateau sud-africain est bien la trace du couplage entre climat et déformation. Toutefois, le modèle proposé (Fig. 5.27) ne pourra être complètement validé qu’après l’acquisition d’âge permettant de caler cette évolution.

Figure 5.27- Modèle proposé pour expliquer la présence de plusieurs escarpements au Sud de la Namibie.

La déformation du plateau.

L’analyse de la morphologie du plateau sud-namibien a clairement mis en évidence la nécessité d’une déformation impliquant au moins la croûte mais dont l’origine reste à déterminer. Cette déformation déstabilise l’équilibre altération/érosion, ce qui permet ainsi un aplanissement important mais variable spatialement du relief. Cette déformation s’inscrit dans un contexte plus général de déformation extensive dans lequel, la dynamique mantélique semble jouer un rôle important. Il existe donc deux échelles de déformation l’une locale et l’autre régionale impliquant des niveaux crustaux et mantéliques différents. De plus il semble y avoir plusieurs processus de déformation qui interfèrent. Chacun de ces processus correspond à de faibles taux de déformation mais leur conjonction peut engendrer localement une déformation qui devient non négligeable à l’échelle du plateau et de la plaque africaine.

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