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PARTIE II : LE PLATEAU SUD-NAMIBIEN GEOMORPHOLOGIE ET DEFORMATION

CHAPITRE 6 : ORIGINE ET EVOLUTION DU CANYON DE LA FISH RIVER

IV- DISCUSSIONS ET ANALYSES COMPLEMENTAIRES SUR LE CANYON

IV.3- Interactions climat-tectonique

Si le contrôle tectonique sur la localisation et la géométrie du canyon est clairement établi dorénavant, pour creuser un canyon, il est fondamental aussi que le climat soit propice à l’érosion, car dans le cas contraire le creusement ne peut avoir lieu par manque d’eau. Mais, les données concernant l’évolution climatique de la région depuis le Mésozoïque sont très rares voire inexistantes. Et pourtant, le climat tout comme la tectonique ont joué et continuent de jouer un rôle primordial dans la mise en place et l’évolution du canyon.

Dans cette partie, nous utiliserons les données climatiques à des échelles différentes. Car à plus grande échelle, les reconstitutions climatiques sont complètes, mais peu précises alors qu’à petite échelle, les quelques informations qui existent sont assez bien contraintes. L’objectif pour nous est de bien cadrer l’évolution climatique dans la zone d’étude.

Chapitre 6- Origine et évolution du canyon de la Fish River 186 Figure 6.5 - MNT du canyon de la Fi

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Chapitre 6- Origine et évolution du canyon de la Fish River

187 A l’échelle mondiale, deux périodes sont particulièrement importantes (Fig. 6.6): - la période connue la plus froide : du milieu du Carbonifère jusqu’au milieu du Permien (entre -320 et -270 Ma).

- la période connue la plus chaude : de la fin du Jurassique jusqu’à un peu plus du milieu du Crétacé (-150 et -80 Ma).

Figure 6.6- Courbe montrant quelques grandes variations de la température moyenne de la terre au cours des temps géologiques obtenue à partir des indices géologiques et climatiques des modèles actuellement utilisés.

Entre les deux périodes, les variations sont plus ou moins importantes. Il y a toujours eu une alternance entre les périodes froides et les périodes chaudes. Les périodes froides sont marquées par des calottes glaciaires de hautes fréquences qualifiées de périodes « Planète- igloo » ou « Icehouse ». Lorsque les calottes glaciaires disparaissent, la terre entre dans des périodes chaudes, nommées « Planète-serre » ou « Greenhouse ». Mais, à cette échelle, il y a très peu de détails qui permettent de discuter réellement du contrôle climatique sur l’incision du canyon.

A l’échelle africaine, Guillocheau et al. (en cours), sont en train de reconstituer les grandes variations climatiques depuis le Mésozoïque à partir des données de paléoprécipitations. La tendance générale est marquée par des oscillations entre l’aridité et l’humidité.

Au Mésozoique, les données disponibles montrent que l’aridité commence dès le Trias inférieur (251-245 Ma). Cette tendance se poursuit au Jurassique inférieur (200-176 Ma), en Afrique australe, et en Afrique septentrionale, après une trêve au Trias supérieur, marquée au Sud de la Namibie et en Afrique du Sud par un climat chaud et humide. Au Valanginien- Barremien (140-125 Ma), le climat est semi-aride sauf au niveau de l’équateur. Pendant le Coniacien-Santonien (89-83 Ma), le Sud de la Namibie et la partie ouest de l’Afrique du Sud passent à nouveau dans une phase humide alors qu’au Nord, le climat est semi-aride à aride. Au Maastrichtien, on a une tendance humide en Afrique centrale et le long de la côte ouest, alors que l’intérieur des terres est resté plutôt semi-aride.

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188 Au Cénozoïque, l’évolution est similaire. On a trois grandes périodes d’aridité qui alternent avec des périodes humides : Paléocène supérieur (59-55 Ma), Oligocène inférieur (34-28 Ma) et Miocène inférieur (23-16). Les périodes humides sont l’Eocène moyen (48-40 Ma), l’Oligocène supérieur (28-23 Ma) et le Miocène supérieur (11-5 Ma). Aujourd’hui, le climat est essentiellement désertique.

L’évolution climatique au Cénozoïque est compatible avec la mise en place et l’évolution du canyon de la Fish River. Comme pour toutes les régions arides, l’eau joue un rôle important dans la sculpture des formes de relief. Les variations climatiques qui se sont succédées dès le Mésozoïque, expliquent d’ailleurs la forte densité du réseau hydrographique actuel malgré le climat devenu très aride. Celui-ci a conservé son arborescence malgré les changements climatiques car de temps en temps rajeuni au cours des périodes humides et de crues souvent violentes.

En dehors de ces grandes tendances mondiales et régionales, le climat présente des variations locales très fortes selon la température moyenne annuelle et les précipitations moyennes annuelles. Ces variations sont liées entre autres à l’orographie de la région.

L’érosion, qu’elle soit chimique ou mécanique, dépend en plus du climat, de la compétence des roches. En théorie, pour une même formation, l’érosion doit être homogène et de même ampleur. La situation change si des effets tectoniques et morphologiques s’ajoutent. Les profils topographiques nous ont révélé une forte incision vers le Sud. Dans la portion développée du canyon, la rivière coule sur trois principales formations lithologiques:

• Au Sud, elle coule sur le socle constitué par les métamorphites du complexe Namaqua, d’âge mésoprotérozoïque ;

• Vers le Nord, elle traverse d’abord les formations sédimentaires (grès, shales et calcaires) néoprotérozoïques du groupe Nama avant de se jeter sur les tillites permo- carbonifères du Karoo et plus haut, la rivière retombe sur les formations du Nama group.

Cette évolution montre que la rivière a incisé jusqu’aux formations les plus anciennes et les plus profondes au Sud alors que vers le Nord, elle est encore sur les formations jeunes et superficielles qui sont aussi les moins compétentes et donc faciles à s’altérer.

Comment peut-on expliquer une telle différence d’autant plus que l’altitude diminue au fur et à mesure qu’on va vers le Sud ?

Cette différence ne peut s’expliquer qu’en admettant l’action de la tectonique. Autrement dit, pour expliquer une telle érosion différentielle, il faut admettre l’existence d’une pente. Et la pente ici ne peut être créée que dans un contexte de soulèvement qui affecte le plateau sud- africain.

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189 Par ailleurs, à cause de la compétence contrastée de certaines formations rocheuses, qui fait que certaines formations résistent plus à l’érosion que d’autres, l’érosion s’est faite plutôt de façon latérale. C’est ce qui explique aujourd’hui les nombreux méandres que forment le cours d’eau et permet de déduire que la rivière coulait doucement, même si cet écoulement était continu lors d’une phase humide.

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