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Sur-réaction et sous-réaction événementielles

Une autre anomalie souvent citée par les comportementalistes est soulignée par les études d'événement : la rentabilité excessive à long terme après l'annonce d'un événement nancier porte, en moyenne, le même signe que la rentabilité observée le jour de la révélation (Grinblatt, Masulis, et Titman 1984, Bernard et Thomas 1990, Lakonishok et Vermaelen 1990, Michaely, Thaler, et Womack 1995). Par exemple, Bernard et Thomas (1990) montrent que les rentabilités ex- cessives observées 3 ans après les annonces des bénéces ( earnings announce- ments) portent, en moyenne, le même signe que la rentabilité réalisée le jour de leur publication. LaPorta, Lakonishok, Shleifer, et Vishny (1997) apportent plus de précision à ce résultat en rajoutant que  value assets réalisent proba- blement une rentabilité positive le jour de l'annonce de bénéces, tandis que growth assets ont souvent un rendement négatif. Grinblatt, Masulis, et Titman (1984) et Ikenberry, Rankine, et Stice (1996) constatent que les rentabilités exces- sives après des stock splits23 sont signicativement supérieures à zéro. Michaely,

Thaler, et Womack (1995) arment que les communications sur la valeur des di- videndes inuencent également la rentabilité excessive à long terme. Les études

22. Le rôle de la liquidité dans le mécanisme du marché est souligné dans les analyses de Bourghelle et Hyme (2009)

23. Quand le prix d'une action donnée est trop élevé par rapport aux autres, l'entreprise sous- jacente peut augmenter le nombre total de ses actions émises, en gardant la même capitalisation boursière. Cette opération fait retomber immédiatement le prix de chaque action cotée tout en préservant la valeur de l'entreprise. Par exemple, si l'action de l'entreprise A dépasse 100 euros, Apeut diviser chacune de ses actions par 2. Après la division, chaque nouvelle action de A sera cotée à 50 euros. Cette opération est nommée Stock split par les chercheurs anglo-saxons.

1.3. Certaines anomalies du marché semblent contredire l'imprévisibilité des rentabilités excessives

d'événements sur les rachats d'entreprises (Lakonishok et Vermaelen 1990) et les seasoned equity oerings24 fournissent des résultats similaires.

Pour autant, ces résultats ouvrent-ils la voie à un possible  market timing ? D'une façon générale, les études d'événements sont organisées en 4 étapes : 1. Fixer l'événement à étudier, par exemple, l'annonce du montant du divi-

dende.

2. Calculer, pour chaque titre observé, la rentabilité pendant l'événement, notée ri =

pj+1−pj−1

pj−1 , où j désigne la date de l'événement, et la rentabilité

après l'événement, notée r0 i =

pj+230×3−pj+1

pj+1 . Ici, on suppose qu'il y a 230

jours de transactions par an.

3. Calculer, pour chaque titre observé, la rentabilité du marché pendant l'événement, notée rm,i =

pm,j+1−pm,j−1

pm,j−1 , où pm,j+1 est la valeur d'un in-

dice bousier le jour après l'annonce, et la rentabilité du marché après l'événement, notée r0

m,i =

pm,j+230×3−pm,j+1

pm,j+1 .

4. La rentabilité excessive pendant (après) l'événement est calculée par rei =

ri− rm,i (resp. re0i = r 0 i− r

0

m,i) pour chaque titre observé.

5. La diérence entre la moyenne de re0

i et 0 est testée pour xer le signe des

rentabilités excessives.

Fama (1998) conteste la signication de ces tests en soulignant la diérence entre les rentabilités à long terme et à court terme. En eet, si la moyenne des ri0 réalisée pendant la première année après l'annonce d'un événement est, par hasard, 1% supérieure à la rentabilité du marché, cet écart pourrait être non signicatif selon les tests statistiques.

Or, en supposant que la rentabilité du marché est de 6% par an, la rentabilité du marché durant les 3 ans après l'événement serait de (1 + 6%)3− 1 = 19, 10%,

tandis que la rentabilité moyenne des r0

i pendant la même période serait de

(1 + 7%)(1 + 6%)2− 1 = 20, 23%. Si la diérence initiale de 1% n'est pas signi- cativement diérente de zéro, l'écart entre 19, 10% et 20, 23% l'est probablement. Ainsi, en remplaçant les rentabilités à 1 an par celles à 3 ans, on augmente arti- ciellement la signication des rentabilités excessives. Fama conteste donc l'usage des rentabilités à long terme dans les études d'événements.

Même sans remettre en cause la signication des rentabilités excessives, on re- marque que les études d'événements sont plus dans une logique de  stock picking

24. Ou secondary equity oering, ce terme désigne l'issue des nouvelles actions concernant les entreprises déjà publiquement cotées sur les marchés boursiers. Cette opération est le contraire de l'IPO (Initial Publique Oering) qui permet aux entreprises non cotées d'ouvrir, pour la première fois, leur capital aux investisseurs nanciers.

1.3. Certaines anomalies du marché semblent contredire l'imprévisibilité des rentabilités excessives

que de market timing. Exploiter les annonces publiques avec les stratégies du type market timing reste un travail dicilement réalisable.

La stratégie buy and hold est battable, s'il est possible de prévoir les renta- bilités négatives. Donc, si la publication des mauvaises nouvelles25 engendre une

rentabilité négative pendant les 3 ans après l'annonce, on doit pouvoir proter du phénomène en évitant de tenir les actifs durant ces périodes. Or, les résultats des études d'événements n'impliquent pas une telle possibilité car :

1. La négativité des rentabilités excessives anticipées n'implique pas celle des rentabilités réalisées. La plupart des études d'événements utilisent la pé- riode d'observation 1976-1988 où le marché boursier américain a connu une croissance annuelle de 10% en moyenne.26À condition que sa valeur absolue

ne dépasse pas 10%, la rentabilité excessive, dénie dans ces études, par la diérence entre la rentabilité réalisée et la rentabilité de marché, peut être négative sans que la rentabilité réalisée le soit. Donc, prévoir une renta- bilité excessive inférieure à 0, n'implique pas une baisse de prix dans le futur. Vendre les titres après les annonces des mauvaises nouvelles ne peut pas toujours permettre de battre la stratégie  buy and hold.

2. Comme Elton (1999) l'a souligné à juste titre, la moyenne des rentabilités réalisées n'est pas toujours une bonne estimation de la rentabilité espérée. Les valeurs extrêmes sont parfois responsables des conclusions obtenues. En suivant cette logique, la négativité des rentabilités excessives peut être due à un petit nombre d'annonces publiques qui sont eectivement les pre- miers indicateurs d'une détresse économique ou nancière de l'entreprise concernée. Les rentabilités excessives après ces signes de détresse sont consi- dérablement inférieures à 0 car les entreprises qui rentrent dans une période dicile continueront à émettre des mauvaises nouvelles pendant un certain temps.

Par conséquent, pour exploiter le résultat des études événementielles avec une stratégie de market timing, il faudrait distinguer les vrais signes de détresse et les annonces publiques sans conséquence signicative. Cela est en pratique dicilement réalisable. Une stratégie de  market timing doit donc avoir un horizon d'investissement extrêmement long pour tomber sur susamment de signes de détresse et engendrer une diérence de gains signicative par rapport à la stratégie  buy and hold. Et si la proportion des signes de détresse est peu élevée sur l'ensemble des informations néga- tives, le market timing peut devenir impossible en présence des coûts de transaction.

Dans cette section, nous avons étudié les principales anomalies de marché dans

25. C'est-à-dire que les nouvelles qui engendrent une rentabilité négative le jour de l'annonce. 26. Le taux de croissance est calculé avec les données historiques de l'indice Dow-Jones, pendant la période 02/01/1976-03/01/1989.

Chapitre1 : Conclusion

la littérature en nance. Ces anomalies sont souvent citées par les comportemen- talistes pour réfuter l'ecience informationnelle. Or, il est argumenté ici que les anomalies de marché sont souvent liées aux limites du CAPM. Aucune de ces anomalies n'implique la réussite des stratégies de  market timing.

Cette argumentation fondée sur la loi de l'ore et de la demande, est en ligne avec notre discussion sur la validité des modèles d'équilibre. Comme il a été montré dans la section précédente, le CAPM qui fonctionne dans un monde espérance - écart-type, présente des défauts empiriques incontestables. La notion d'équilibre multi-facteurs, dans le sens de Fama et French (1996), semble mieux adaptée aux faits empiriques. L'existence d'anomalies contre le CAPM reste, par conséquent, une observation cohérente avec les sections précédentes.

Or, faute d'un modèle d'équilibre universel, la relation entre ces anomalies et la rationalité des agents s'avère dicile à interpréter. En conséquence, l'ecience informationnelle ne peut être rejetée qu'en démontrant la possibilité de  market timing. Puisque aucune anomalie étudiée ne semble impliquer une telle possibi- lité, la théorie de l'ecience demeure, de notre point de vue, compatible avec ces anomalies du CAPM.

Conclusion

L'objectif de ce chapitre était de mettre en évidence la manière dont les cours boursiers évoluent d'un point de vue théorique. Pour eectuer une telle analyse, il est introduit, comme cadre général explicatif, la loi de l'ore et de la demande, principe autour duquel sont organisées la plupart des places boursières.

À l'aide de ce cadre, il a été étudié trois grands courants théoriques qui s'inter- rogent sur les comportements des agents économiques : la théorie de l'ecience, la nance comportementale, et la nance conventionnaliste. Notre conclusion à l'issue de cette analyse est la suivante : l'absence de rentabilités excessives à long terme, souvent considérée comme une implication directe de l'ecience, est en réalité compatible avec les trois théories concurrentes.

Or, si la performance des stratégies de type  market timing ne permet plus de distinguer les diérentes théories nancières, comment peut-on réfuter l'ecience informationnelle ? Étant donné le problème de l'hypothèse jointe, le seul point à même de fragiliser l'hypothèse d'ecience est le succès des stratégies du type market timing.

Chapitre1 : Conclusion

La distinction entre les stratégies de  market timing et de stock picking est un autre point essentiel dans la compréhension de l'ecience informationnelle. Les techniques de stock picking sont souvent utilisées pour battre la performance de marché. Cependant, la supériorité du portefeuille de marché est une implication du CAPM, un modèle d'équilibre dont la validité est démontrée dans un monde espérance écart-type. En retenant un autre modèle d'équilibre, comme celui de Fama et French (1993) ou de Carhart (1997), le succès des stratégies de  stock picking devient tout à fait possible.

Après une étude détaillée des anomalies de marché, il est montré que ces faits empiriques sont plutôt liés aux échecs du CAPM plutôt qu'à des faiblesses de l'ecience, car aucune de ces anomalies n'implique, de notre point de vue, la possibilité de market timing.

Si ces conclusions vont en faveur de l'ecience informationnelle, nos analyses théoriques ne visent pas à minimiser les contributions de la nance comporte- mentale ou conventionnaliste. L'introduction de la psychologie ou la sociologie en nance a incontestablement amélioré notre compréhension des phénomènes nan- ciers. Cependant, comme les comportements humains disposent d'une complexité et d'une exibilité extrêmes, leur analyse, voire leur prévision pour anticiper les uctuations du marché et mettre en place des stratégies permettant de réaliser des rentabilités excessives, semble peu crédible à ce jour.

2. RÉGULARITÉS EMPIRIQUES SUR LES MARCHÉS

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