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Supports biomimétiques à reconnaissance moléculaire : les polymères à empreintes

Chapitre 1 – Analyse de traces en milieu complexe

E. Les différents adsorbants utilisés

7. Supports biomimétiques à reconnaissance moléculaire : les polymères à empreintes

moléculaires

Les polymères à empreintes moléculaires (MIP) sont des polymères hautement réticulés possédant des cavités spécifiques pouvant conduire à un mécanisme de reconnaissance moléculaire similaire à celui des systèmes biologiques (anticorps, enzymes, récepteurs…) [115,116]. Lors de leur synthèse, la molécule empreinte est mise en présence, dans un solvant de synthèse, d’un monomère choisi pour son affinité avec la molécule empreinte et d’un agent réticulant. Après une étape de pré-complexation par liaisons non covalentes établies entre les groupes fonctionnels de la molécule empreinte et les monomères, un initiateur de polymérisation est ajouté au mélange et, par initiation thermique ou photochimique, les monomères et les agents réticulants polymérisent autour de la molécule empreinte, formant ainsi les cavités. Une fois la polymérisation terminée, le polymère est lavé pour éliminer la molécule empreinte et pour rendre les cavités disponibles. Le principe de la synthèse est schématisé en figure 11.

a

b c

Figure 11 : Principe de la synthèse de polymères à empreintes moléculaires. Adapté de [117]

Afin d’évaluer la rétention spécifique du MIP synthétisé, on effectue en parallèle la synthèse d’un polymère non imprimé (NIP, Non Imprinted Polymer) en utilisant le même protocole de synthèse mais sans ajouter la molécule empreinte. Ce polymère sans cavités jouera le rôle de témoin pour différencier les interactions non spécifiques, présentes à la fois sur le MIP et sur le NIP, des interactions spécifiques, présentes uniquement sur le MIP, car liées à la présence des cavités.

Les étapes de conditionnement du support et de percolation de l’échantillon sont souvent effectuées dans un solvant proche du milieu de synthèse ce qui permet de développer des interactions similaires à celles obtenues lors de la formation du

complexe monomère/molécule empreinte avant polymérisation. Le lavage est effectué avec un solvant de nature très proche du solvant de percolation, dans le but d’éliminer d’éventuels interférents faiblement retenus par interactions non spécifiques avec la phase de polymère, sans éliminer les analytes cibles retenus au sein des cavités. L’élution est ensuite réalisée avec un solvant permettant la rupture les liaisons établies entre le composé cible et le MIP. Lorsqu’il s’agit d’interactions hydrophiles, on utilise un solvant polaire protique. Le solvant d’élution peut également être acidifié si des interactions électrostatiques sont mises en jeu.

A la différence des immunoadsorbants, la stabilité des MIP leur permet de pouvoir être réutilisés aussitôt après le passage d’un solvant adapté afin de reconditionner le support. La synthèse des MIP est rapide et peu onéreuse si la molécule modèle est disponible à faible coût. Les valeurs de capacité obtenues sur ces supports sont généralement comprises entre 1 et 40 µmoles par gramme de support [116]. Ces valeurs sont plus de cent fois supérieures à celle observées sur les immunoadsorbants. Une étude, comparant les capacités d’un immunoadsorbant et d’un MIP destinés à la même molécule, a mis en avant une capacité trente fois supérieure pour le MIP [118]. Ceci souligne donc le potentiel des MIP, en particulier pour leur emploi dans des dispositifs miniaturisés.

Leur principal inconvénient est le phénomène de relargage. En effet, lors de l’utilisation du support, on peut observer une libération tardive de la molécule empreinte, ce qui peut fausser les résultats par surestimation de la quantité de molécule cible détectée. Ce phénomène provient du fait que l’élimination de la molécule empreinte après polymérisation peut être difficile. Pour contourner ce problème, il est possible de synthétiser le MIP en utilisant un analogue structural de la molécule d’intérêt. Ainsi, le MIP obtenu reste capable d’extraire la molécule d’intérêt sans que le relargage de la molécule empreinte ne gêne sa quantification. Cette stratégie a été employée pour la synthèse de plusieurs MIP pour l’extraction de l’ochratoxine A [119-122]. Des MIP anti-cocaïne ont également été développés en utilisant la cocaïne comme molécule empreinte [123-125] ou un analogue structural [126]. Cependant, ces analogues structuraux peuvent être onéreux voire indisponible pour certaines molécules. D’autre part, la synthèse de polymères à empreintes moléculaires peut être difficile pour certains analytes, comme pour les molécules très polaires insolubles dans les solvants généralement utilisés.

Bien que la synthèse des polymères à empreintes moléculaires soit relativement rapide, l’optimisation de la procédure d’extraction est souvent plus complexe que pour les immunoadsorbants, en particulier pour le traitement d’échantillons aqueux. En effet, contrairement aux immunoadsorbants, les

interactions développées lors de la percolation d’échantillons aqueux sont principalement hydrophobes, donc de nature non spécifique. Une ou plusieurs étapes de lavages sont ensuite nécessaires pour ne développer uniquement les interactions spécifiques et éliminer les composés non ciblés. A titre d’exemple, la procédure de lavage développée sur un polymère à empreintes moléculaires spécifique à l’OTA est composée de quatre lavages indispensables à l’élimination des interférents retenus par interactions non spécifiques [122]. Ces différents lavages sont constitués de 1 mL de HCl 0,1 M, 1 mL d’un mélange HCl 0,1 M / acétonitrile (60/40), 10 mL d’eau ultrapure afin d’éliminer les interférents polaires et moyennement polaires, puis 4 mL d’acétonitrile avec 0,01% d’acide acétique afin d’éluer les composés apolaires tout en permettant la rétention de l’OTA par le développement d’interactions polaires spécifiques au sein des cavités.

F.

Conclusion

Après cette revue des différents supports d’extraction disponibles, il apparaît clairement qu’il n’existe pas de support universel. Le choix de ce support est dicté par la nature de l’échantillon, mais également par le nombre de composés à extraire. Lorsque l’objectif de l’étape d’extraction est de concentrer l’échantillon pour y rechercher la présence de nombreux composés, les supports peu spécifiques, comme les silices greffées ou les polymères hydrophobes, restent ceux présentant le plus fort potentiel. L’inconvénient de ces supports est qu’ils conduisent également à l’extraction de nombreux composés interférents ; un grand soin doit alors être apporté à la séparation chromatographique afin de limiter d’éventuelles coélutions, qui sont source d’erreurs et d’effets de matrice. Un temps d’analyse long et des détecteurs spécifiques sont alors très souvent nécessaires.

Concernant l’extraction d’un nombre réduit de composés, les supports plus spécifiques paraissent mieux adaptés. Ceci est d’autant plus vrai lorsque le ou les analytes à extraire sont présents à l’état de traces dans des matrices complexes. En effet, de hauts degrés de purification limitent la co-extraction de composés interférents, ils autorisent ainsi une étape de séparation moins poussée, donc plus rapide, et l’utilisation de détecteurs moins spécifiques, donc moins onéreux. Ces supports plus sélectifs permettent également de limiter les risques d’effets de matrice pour les détecteurs spécifiques tels que la spectrométrie de masse. Les supports dont la rétention est basée sur des mécanismes de reconnaissance moléculaire, les immunoadsorbants ou les polymères à empreintes moléculaires, sont ceux qui permettent d’atteindre la meilleure purification.

La figure 12 présente un exemple d’application de ces deux types de supports. Le chromatogramme correspondant à l’injection d’un extrait de sol dopé par des pesticides (A) est comparé à ceux obtenus lors de l’injection de ce même extrait traité par un polymère à empreintes moléculaires (B) ou un immunoadsorbant (C).

Figure 12 : Chromatogrammes obtenus après l’injection d’un extrait de sol dopé par des pesticides sans traitement (A) et avec traitement par un polymère à empreintes moléculaires

(B) et un immunoadsorbant (C). (1) atrazine; (2) simazine; (3) terbutylazine. Adapté de [118]

Comme le montre cette figure, ces supports hautement sélectifs permettent l’élimination de très nombreux composés interférents qui empêchent la détection des analytes ciblés lors de l’injection de l’échantillon non traité. Les chromatogrammes sont ainsi considérablement simplifiés ce qui facilite la quantification des analytes recherchés.

Cependant, une nouvelle classe de molécules, nommées « aptamères », est de plus en plus employée comme outil de reconnaissance moléculaire dans des applications diverses. Ces oligonucléotides possèdent des propriétés d’affinité et de spécificité qui leur confèrent un grand potentiel pour des applications analytiques. Leur utilisation en tant que support pour extraction sélective sur phase solide a fait l’objet de cette thèse. Ces molécules aux propriétés prometteuses seront très largement décrites dans le chapitre suivant.