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Chapitre 1 – Analyse de traces en milieu complexe

E. Les différents adsorbants utilisés

6. Les supports biologiques à reconnaissance moléculaire : les immunoadsorbants

Ce type de support exploite l’affinité et la spécificité des anticorps envers leur antigène.

a.Les anticorps et leur utilisation en bioessais

Les acides aminés, constituants des anticorps, possèdent des groupements hydrophobes, hydrophiles, basiques, acides ou aromatiques. Ainsi, des interactions de type électrostatique, liaison hydrogène, forces de Van der Waals et effets hydrophobes peuvent se mettre en place avec les groupements de l’antigène grâce à la complémentarité stérique du site de reconnaissance de l’anticorps. Bien que la liaison antigène/anticorps soit non covalente, elle est constituée d’une somme d’interactions de plusieurs types qui permettent d’atteindre une forte énergie de liaison. Il en résulte des constantes d’affinité élevées, d’environ 108 à 1012 mol.L-1.

Les anticorps sont capables de fixer, plus ou moins fortement, des analytes de structure proche de celui utilisé pour l’immunisation. Ce phénomène est appelé réactivité croisée. Cependant, cette réactivité croisée ne peut pas être prédéfinie, du fait de la synthèse in vivo des anticorps, et doit être évaluée pour chaque nouvel anticorps obtenu.

Les propriétés des anticorps sont exploitées dans la conception de nombreux bioessais. Ces outils analytiques présentent l’avantage d’être utilisables sur site et sont généralement dotés d’une grande sensibilité. Ils sont très souvent utilisés de manière complémentaire aux analyses chromatographiques. A titre d’exemple, la procédure pour l’analyse toxicologique de produits stupéfiants, dont la cocaïne, est composée de deux étapes : criblage par un immunoessai et confirmation par une méthode chromatographique. L’étape de criblage permet un contrôle préliminaire d’un grand nombre d’échantillons en relativement peu de temps. Étant données les lourdes conséquences que peuvent générer un faux positif, les échantillons déclarés positifs lors de cette première étape sont analysés par une méthode chromatographique plus spécifique. Concernant l’analyse de la cocaïne, les anticorps utilisés pour ces immunoessais sont essentiellement dirigés contre la benzoylecgonine, principal métabolite urinaire de la cocaïne, et possèdent des réactivités croisées très variables pour la cocaïne et les autres métabolites [15,103]. Selon la matrice biologique à analyser, l’anticorps doit être choisi en fonction de sa réactivité croisée envers le composé présent majoritairement dans cette matrice [103].

Différents de types de bioessais peuvent être utilisés pour l’analyse de la cocaïne. Bien que souvent utilisées pour leur sensibilité et leur fiabilité, les méthodes de radioimmunoessai (RIA) nécessitent de nombreuses précautions liées à l’emploi de produits radioactifs. Les techniques EMIT (enzyme multiplied immunoassay technique) et surtout ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay) sont couramment employées sur différentes matrices comme l’urine, le sang, le sérum, la salive, la sueur et les cheveux [24].

L’analyse de l’ochratoxine A dans le vin ou dans les céréales peut être réalisée par tests ELISA [52,104] basés sur l’utilisation d’anticorps anti-ochratoxine A. Un immunocapteur électrochimique a également été récemment décris pour l’analyse de l’OTA en milieu pur [105,106], mais aussi dans le vin [107] avec une très bonne limite de détection estimée à 0,7 ppb. Un immunocapteur optique a été développé, pour l’analyse de céréales, avec une fenêtre de détection comprise entre 0,5 et 10 ppb [108]. Plusieurs autres biocapteurs ont été décris pour l’identification et la quantification de l’OTA ou de mycotoxines [109-111]. Ces méthodes bio- analytiques présentent l’avantage d’être simples à utiliser, moins couteuses et plus mobiles que les méthodes chromatographiques conventionnelles.

Des phénomènes d’effets de matrices, perturbant la réponse du bioessai et conduisant à des résultats erronés, ont cependant été observés [52]. De plus, une grande spécificité étant requise, la réactivité croisée des anticorps peut être à l’origine de faux positifs. Bien qu’étant un inconvénient pour la conception de bioessais, la réactivité croisée peut être un avantage pour l’extraction sur phase solide. En effet, elle permet l’extraction sélective et simultanée d’une famille de composés, comme par exemple un analyte et ses métabolites, qui pourront ensuite être séparés par chromatographie.

b.Les immunoadsorbants

La première méthode d’extraction sélective développée et basée sur la reconnaissance moléculaire est l’immunoextraction. Les supports d’immunoextraction sont appelés immunoadsorbants, et sont constitués d’anticorps spécifiques de la molécule cible, immobilisés sur un support solide. Lors de la percolation de l’échantillon sur ce type de support, seuls les composés cibles seront retenus de manière spécifique par les anticorps. Après l’étape de lavage, l’élution rompt la liaison antigène/anticorps permettant de récupérer un extrait contenant uniquement les molécules d’intérêt.

L’échantillon percolé doit être aqueux pour se placer dans des conditions proches du milieu physiologique dans lesquelles les anticorps ont été produits.

Concernant l’étape de lavage, une solution purement aqueuse ou avec un faible pourcentage de solvant organique peut être utilisée en fonction de la stabilité de l’anticorps employé [112]. L’élution peut être réalisée en modifiant la conformation de l’anticorps. La géométrie du site de reconnaissance n’est alors plus complémentaire à celle de l’antigène. Pour l’élution des macromolécules, souvent peu stables en présence de solvants organiques, une solution de pH acide et de force ionique élevée suffit. Concernant les petites molécules, les solvants organiques sont fréquemment choisis lorsque l’immunoadsorbant utilisé est à usage unique. En cas de réutilisation, notamment en phase de développement, une solution hydro- organique, comportant jusqu’à 80 % de solvant organique, permettra l’élution des analytes sans induire la dénaturation irréversible des anticorps. Une étape de régénération des anticorps dans une solution de tampon salin durant 48h à 4°C est toutefois nécessaire avant réutilisation [113].

Concernant l’immobilisation des anticorps, l’approche la plus commune consiste en une immobilisation covalente par la réaction de groupements amines de l’anticorps sur les sites actifs d’un support. Ce type d’immobilisation est dit aléatoire puisque chacun des groupements amines présents à la surface de l’anticorps peut être impliqué, conduisant à plusieurs orientations possibles. On estime qu’environ un anticorps immobilisé sur deux est correctement orienté pour fixer sa molécule cible [112]. D’autre part, la quantité d’anticorps introduite lors du greffage influe sur la capacité. En effet, celle-ci augmente dans un premier temps avec la quantité d’anticorps introduite puis diminue après avoir atteint une valeur maximale, probablement à cause de la gêne stérique engendrée. L’immobilisation aléatoire des anticorps ainsi que leur taille relativement importante sont les deux principaux facteurs limitant la valeur de capacité des immunoadsorbants. Généralement, des valeurs de capacité comprises entre 5 et 100 nmoles par gramme de support sont obtenues, ce qui reste toutefois suffisant pour l’extraction de composés à l’état de traces.

L’analyse chromatographique de l’OTA est très souvent précédée d’une étape de purification sur immunoadsorbants [12,50-52,54- 57,61,62,66,69,70,76,77,114]. Plusieurs d’entre eux sont commercialisés (OchraprepTM de R-Biopharm Rhône, OchraTestTM de Vicam) et leur utilisation a été validée par plusieurs organismes tels que l’AOAC (Association of Analytical

Communities) et l’Union Européenne. De nombreuses méthodes démontrant leur

apport en fiabilité et en sensibilité ont été normalisées par le Comité Européen de Normalisation (NF EN ISO 15141, EN 14132, EN 14133). Ce type de support reste néanmoins relativement onéreux puisque le prix d’une cartouche est compris entre

10 et 15 euros. Concernant l’analyse de la cocaïne, aucune étude décrivant le développement d’immunoadsorbants n’est à mentionner.

7.Supports biomimétiques à reconnaissance