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Les condensats de polaritons en microcavit´e semi-conductrice sont des syst`emes for-tement hors d’´equilibre du fait de la faible dur´ee de vie de leurs composants. Comme

expos´e en section 2.1, ils pr´esentent cependant, comme les condensats de Bose–Einstein conservatifs, la propri´et´e d’ˆetre temporellement et spatialement coh´erents. Jouissent-ils d’autres propri´et´es propres aux condensats conservatifs ? Qu’en est-il, par exemple, de la superfluidit´e dans les condensats de polaritons ? De nombreux travaux exp´erimentaux et th´eoriques ont largement explor´e le lien subtil existant entre la condensation de Bose– Einstein et la superfluidit´e, c’est-`a-dire la capacit´e d’un fluide quantique de se d´eplacer par rapport `a un obstacle sans dissiper la moindre ´energie. Cette d´efinition de la super-fluidit´e est l’une des plus intuitives et des plus ´eloquentes. C’est la raison pour laquelle le mouvement de fluides quantiques donn´es par rapport `a un obstacle ext´erieur a ´et´e exp´e-rimentalement mis en œuvre pour sonder la superfluidit´e dans divers syst`emes physiques tels que l’h´elium 4 (voir par exemple les r´ef´erences [2] et [10]), l’h´elium 3 [32], certaines vapeurs atomiques ultra-froides [115, 101, 95, 41,37], ou plus r´ecemment, les condensats de polaritons [3, 4, 98,5, 123]1. Obstacle V < Vcrit Densit´e Obstacle V > Vcrit Densit´e Rayonnement de Cherenkov

Figure 2.7 — Dans un fluide quantique conservatif `a temp´erature nulle, si une « pe-tite » impuret´e se d´eplace dans le fluide `a une vitesse constante V plus petite que la vitesse critique Vcrit pr´edite par le crit`ere de Landau, aucune excitation n’est ´emise dans le liquide. Si par contre V > Vcrit, une onde lin´eaire est ´eject´ee en aval de l’obstacle ; celle-ci trans-porte de l’impulsion et l’obstacle ressent alors une force de traˆın´ee non-nulle.

Si un obstacle se d´eplace `a vitesse constante V dans un fluide quantique conservatif `a temp´erature nulle sans per-turber de beaucoup les param`etres du fluide, le crit`ere de Landau [76, 77] pr´e-dit l’existence d’une vitesse critique Vcrit

s´eparant deux r´egimes drastiquement diff´e-rents (sch´ematiquement discut´es `a la figure

2.7). Lorsque V < Vcrit, l’obstacle ne res-sent pas de traˆın´ee car il n’´emet pas d’ex-citation dans le fluide quantique. Lorsque V > Vcrit, un rayonnement de Cherenkov d’ondes lin´eaires est g´en´er´e dans le fluide ; l’obstacle diffuse alors de l’impulsion dans le liquide et subit par cons´equent une force de traˆın´ee non-nulle. Le premier r´egime est dit superfluide tandis que le second est qua-lifi´e de dissipatif2. Par exemple, dans le cas d’un condensat de Bose–Einstein atomique `a temp´erature nulle, la vitesse critique pr´e-dite par le crit`ere de Landau est la vitesse du son cs dans le condensat : Vcrit = cs. Lorsque V < cs, aucune perturbation ´el´ementaire n’est excit´ee dans le fluide et l’obstacle ne ressent pas de traˆın´ee. Si par contre V > cs, des excitations ´el´ementaires sont g´en´er´ees dans le gaz sous forme d’ondes lin´eaires et l’obstacle subit alors une force de traˆın´ee (on se

1. On pourra consulter les articles [29] et [109] dans lesquels les auteurs exposent une description th´eorique des r´esultats exp´erimentaux pr´esent´es respectivement en r´ef´erences [4] et [5].

2. Dans de nombreux cas, la v´eritable valeur de Vcritest plus petite que celle pr´edite par le crit`ere de Landau. Comme Feynman le sugg´era en premier (cf. r´ef´erence [42]), ceci est li´e `a l’´emission de perturba-tions non-lin´eaires (telles que des tourbillons quantifi´es) et non pas `a l’´emission d’excitations ´el´ementaires comme l’impose le crit`ere de Landau, qui est un crit`ere intrins`equement perturbatif.

reportera `a la figure 2.8 et `a sa l´egende pour s’en convaincre). Selon le crit`ere de Landau, un condensat de Bose–Einstein conservatif `a temp´erature nulle ne dissipe par cons´equent aucune ´energie — et est donc superfluide — si tant est qu’un « petit » obstacle s’y d´e-place `a des vitesses subsoniques, ou, d’un autre point de vue, si le condensat lui-mˆeme se d´eplace par rapport `a cet obstacle `a des vitesses plus petites que la vitesse du son cs.

0 V Fd(V ) Vcrit = cs 2mρ0κ2 ~2 q 0 ωB(q) Spectre de Bogoliubov −csq −V q qexc ωB(qexc)

Figure 2.8 — Une impuret´e d’´energie potentielle Uext(x, t) = κ δ(x + V t) se d´eplace

`a vitesse constante V = −V ˆx, V > 0, dans un condensat atomique unidimensionnel au

z´ero absolu. On note ρ0 la densit´e longitudinale du gaz en l’absence d’impuret´e

(c’est-`a-dire dans le cas o`u κ = 0) et on la consid`ere uniforme. On suppose en outre que si

l’obstacle d´ecrit par Uext(x, t) perturbe les param`etres du condensat, comme par exemple sa densit´e, il ne le fait alors que faiblement. Lorsque V est plus petite que la vitesse du son cs dans le condensat, aucune perturbation lin´eaire n’est ´emise dans le fluide. En se souvenant que l’´energie ~ ωB(q) > 0 des excitations ´el´ementaires d’un condensat de Bose–Einstein uniforme s’´ecrit en fonction de l’impulsion ~ q = ~ q · ˆx de ses excitations comme~ ωB(q) = cs|~ q|p1 + [~ q/(2mcs)]2, o`u m est la masse des atomes, on voit en effet (analytiquement, ou plus simplement graphiquement) qu’il n’existe pas de solution non-triviale `a l’´equation~ ωB(q) =−V ~ q lorsque V < cs, o`u−V ~ q = V · ~ q est l’´energie que

l’obstacle fournit au condensat pour exciter un mode de Bogoliubov d’impulsion~ q. Dans

ce cas, l’impuret´e ne subit aucune force de traˆın´ee : Fd = 0. Si maintenant V est plus grande que cs, l’´equation ~ ωB(q) = −V ~ q admet une solution non-triviale ~ qexc < 0. L’obstacle excite le condensat et diffuse de l’impulsion en aval. On montre alors qu’il subit une force de traˆın´ee Fd non-nulle dirig´ee dans le sens des x positifs et d’intensit´e Fd = 2mρ0κ2/~2. Pour de plus amples d´etails, on se r´ef´erera aux articles th´eoriques [72], [83], [104] et [9] dans lesquels les auteurs exposent une ´etude perturbative de condensats de vapeurs atomiques.

L’existence d’une transition entre une phase superfluide et un ´etat normal — clai-rement d´emontr´ee dans les condensats atomiques et succinctement discut´ee dans le pa-ragraphe pr´ec´edent — est nettement moins ´evidente dans les condensats de polaritons

obtenus par pompage optique non-r´esonnant (voir section 2.1) car les perturbations qui

se propagent dans ces liquides sont amorties `a cause de la dur´ee de vie finie des polaritons. Dans ces syst`emes hors d’´equilibre, cette transition est en fait remplac´ee par un « crosso-ver » s´eparant deux r´egimes caract´eris´es par des structures distinctes de profils d’onde. Ces derniers sont localis´es autour de l’obstacle lorsque celui-ci se d´eplace `a « faible vitesse » ; ils s’´etendent et acqui`erent un comportement oscillatoire quand l’impuret´e se d´eplace au contraire `a « grande vitesse ». La fronti`ere entre ces deux r´egimes n’est pas abrupte ; juste

condensat de polaritons scalaire unidimensionnel

au-dessus du point de transition marquant l’´ejection des ondes de Cherenkov, la longueur typique d’amortissement des ondes rayonn´ees par l’obstacle est plus petite que leur lon-gueur d’onde, ce qui prouve que ces perturbations peuvent difficilement ˆetre distingu´ees des perturbations localis´ees. Par voie de cons´equence, l’´etude de la structure des profils d’onde g´en´er´es par un obstacle dans un condensat de polaritons ne permet manifestement pas de faire clairement la distinction entre un r´egime qui serait purement superfluide et un autre qui serait totalement dissipatif. N´eanmoins, le concept de superfluidit´e est souvent employ´e parce qu’il permet de discuter qualitativement des processus qui ont lieu dans l’´ecoulement d’un liquide de polaritons autour d’un obstacle.

L’´etude des profils d’onde g´en´er´es par un obstacle se d´epla¸cant dans un condensat de polaritons unidimensionnel en situation de pompage non-r´esonnant fera l’objet des sections2.3 et 2.4, qui elle-mˆemes font l’objet d’une synth`ese des articles inclus dans les

sous-sections 2.3.5 et 2.4.4, respectivement. Nous montrerons, tout d’abord dans le cas

simple o`u sont n´eglig´es les effets dus `a la polarisation des modes lumineux de la microcavit´e semi-conductrice (section2.3), que la transition entre une hypoth´etique phase superfluide et une phase normale est mieux comprise en termes d’un « crossover » de la force de traˆın´ee ressentie par l’obstacle d’un r´egime visqueux vers un r´egime de r´esistance d’onde, domin´e par l’´emission d’ondes de Cherenkov amorties. Ces r´esultats ne changeront qualitativement gu`ere en section 2.4 o`u les degr´es de libert´e de spin des polaritons de microcavit´e seront pris en compte. Nous y montrerons qu’une onde de polarisation tr`es faiblement amortie (comparativement aux ondes de densit´e) est ´eject´ee loin de l’obstacle si ce dernier se meut dans le fluide de polaritons `a d’« assez grandes » vitesses et si l’on applique un « faible » champ magn´etique transverse au condensat.

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