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1.2 Rayonnement de Hawking dans les condensats de Bose–Einstein unidimen-

1.2.2 Horizons acoustiques dans un condensat de Bose–Einstein unidi-

unidimensionnel

On consid`ere un gaz de Bose ultra-froid confin´e dans un potentiel harmonique trans-verse V(y, z) = m ω2

(y2+ z2)/2 de pulsation ω et en pr´esence d’un potentiel ext´erieur longitudinal et ind´ependant du temps U (x). Si les dimensions radiales du nuage bosonique sont telles que le temps d’ajustement du profil de densit´e transverse `a son allure d’´equi-libre est petit devant le temps que met une impulsion dans le gaz pour passer d’un point `a un autre dans la direction longitudinale, la dynamique des bosons est alors unidimen-sionnelle (le long de l’axe des x) [60,83] ; si en plus le gaz est suffisamment dilu´e de sorte que les bosons n’interagissent entre eux que faiblement, le hamiltonien grand-canonique du syst`eme (dans le langage de la seconde quantification) s’´ecrit [79, 113]

ˆ H = Z Rdx ˆΨ  −~2 2mxx+ U (x) + g ˆn 2 − µ  ˆ Ψ. (1.41)

Dans l’´equation (1.41), ˆΨ(x, t) = exp(i ˆH t/~) ˆΨ(x) exp(−i ˆH t/~) est l’op´erateur de champ (dans la repr´esentation de Heisenberg) qui d´ecrit le nuage unidimensionnel ; en qualit´e de champ quantique bosonique, il v´erifie les relations de commutation `a temps ´egaux

[ ˆΨ(x, t), ˆΨ(x0, t)] = δ(x− x0) (1.42a)

et [ ˆΨ(x, t), ˆΨ(x0, t)] = 0 = [ ˆΨ(x, t), ˆΨ(x0, t)]. (1.42b) On note ´egalement ˆn(x, t) = ˆΨ(x, t) ˆΨ(x, t) la densit´e longitudinale du gaz, m la masse des bosons, µ le potentiel chimique et g = 2 as~ ω [100] la constante de couplage non-lin´eaire unidimensionnelle, o`u as > 0 est la longueur de diffusion de la collision ´elastique en onde s entre deux bosons dans l’espace `a trois dimensions. L’´equation d’´evolution du champ ˆΨ(x, t) s’´ecrit [113]

i~ ∂tΨ =ˆ −[ ˆH, ˆΨ](1.41)= −~2

2mxxΨ + [U (x) + g ˆˆ n− µ] ˆΨ. (1.43)

Dans le r´egime de quasi-condensation [25] et dans le cadre de la th´eorie de Bogoliubov des fluctuations quantiques [22,113], l’op´erateur de champ ˆΨ(x, t) peut s’exprimer comme la somme d’une contribution classique Ψ(x, t) qui d´ecrit le profil de densit´e moyen n(x, t) = |Ψ(x, t)|2 et d’une correction quantique ˆψ(x, t) d´ecrivant de petites oscillations autour

unidimensionnels

du champ classique Ψ(x, t). Dans les configurations de trous noirs acoustiques que nous pr´esentons ci-apr`es, on consid`ere que l’´ecoulement du condensat est stationnaire [ce qui veut dire que Ψ(x, t) ne d´epend pas du temps : Ψ(x, t) = Ψ(x)] et on ´ecrit dans ce cas

ˆ

Ψ(x, t) = Ψ(x) + ˆψ(x, t), (1.44)

o`u Ψ(x) ob´eit `a l’´equation de Gross–Pitaevskii stationnaire [52, 111, 113]

µ Ψ =−~2

2mxxΨ + [U (x) + g n] Ψ, (1.45)

qui est le pendant classique et ind´ependant du temps de l’´equation (1.43).

Une configuration de trou noir acoustique dans l’´ecoulement d’un quasi-condensat de Bose se d´epla¸cant de la gauche vers la droite (c’est-`a-dire dans le sens des x positifs) correspond `a la dissym´etrie suivante : en amont de l’horizon acoustique (situ´e, disons, en x = 0) l’´ecoulement est subsonique et il est supersonique en aval de celui-ci. Les param`etres du fluide de Bose–Einstein seront dans la suite indic´es par α = u (respectivement α = d) lorsqu’ils seront ´evalu´es dans la r´egion subsonique, c’est-`a-dire dans le demi-espace x < 0 (respectivement dans la r´egion supersonique, c’est-`a-dire dans le demi-espace x > 0). On ´ecrit la fonction d’onde du condensat sous la forme

Ψ(x) =

(√n

uexp(ikux) φu(x) (x < 0),

n

dexp(ikdx) φd(x) (x > 0), (1.46)

o`u |φu(x)| et |φd(x)| sont voisins de 1 lorsque x est respectivement loin en amont ou en aval de l’horizon acoustique, de sorte que nu et nd correspondent aux densit´es du quasi-condensat loin de l’horizon `a l’ext´erieur et `a l’int´erieur du trou noir, respectivement. Dans les ´equations (1.46), on note aussi kα = mVα/~ (avec Vα> 0) la vitesse (en unit´es de~/m) de l’´ecoulement loin en amont de l’horizon (α = u) ou loin en aval de ce dernier (α = d). Les vitesses du son asymptotiques cu et cd sont d´efinies par cα =p

gαnα/m, o`u gu et gd

sont les constantes de couplage loin de l’horizon `a l’ext´erieur et `a l’int´erieur du trou noir acoustique (on garde la possibilit´e d’une d´ependance en position des interactions entre bosons afin de traiter la configuration de profil plat des r´ef´erences [12] et [30]). `A l’aide des vitesses du son cα, on d´efinit les longueurs de corr´elation ξα =~/(mcα) et les nombres

de Mach asymptotiques mα = Vα/cα (dans une configuration de trou muet, mu < 1 et

md> 1). Notant Uu et Ud les valeurs que prend le potentiel U (x) lorsque x est tr`es n´egatif ou tr`es positif, on obtient en combinant (1.45) et (1.46)

µ = mV

2 α

2 + Uα+ gαnα et nuVu = ndVd. (1.47)

La premi`ere ´equation exprime une n´ecessit´e de la stationnarit´e de l’´ecoulement : les po-tentiels chimiques asymptotiques sont ´egaux. La seconde ´equation exprime la conservation du courant, qui elle aussi est requise dans une configuration d’´ecoulement stationnaire. L’allure pr´ecise du profil de l’´ecoulement est sp´ecifi´ee par les fonctions φu(x) et φd(x),

qui d´ependent de la configuration de trou muet que l’on consid`ere. Dans chacune des configurations introduites ci-apr`es, φd(x) est une constante complexe de la forme

φd(x) = exp(iβd) (βd∈ R), (1.48)

ce qui signifie que le profil de densit´e en aval de l’horizon acoustique est plat et carac-t´eris´e par une vitesse V (x) constante et ´egale `a Vd [cf. ´equations (1.46)]. La valeur de βd d´epend de la configuration de trou noir consid´er´ee. La stationnarit´e de l’´ecoulement impose ´egalement que φu(x)' exp(iβu) (βu ∈ R) lorsque x est loin en amont de l’horizon acoustique.

Ayant d´efini les notations communes aux trois configurations de trous noirs acoustiques ´etudi´ees dans ce chapitre (configurations de profil plat, de pic δ et de chute d’eau), nous donnons maintenant les valeurs pr´ecises que prennent les param`etres de l’´ecoulement dans ces trois configurations.

Configuration de profil plat

Nous rappelons ici les valeurs des param`etres de l’´ecoulement du condensat dans la configuration de profil plat ´etudi´ee en r´ef´erences [12], [30] et [117]. Dans cette configura-tion, les fonctions φα(x) des ´equations (1.46) sont tr`es simples : φu(x) = φd(x) = 1 (et ainsi βu, βd≡ 0 [2π]). Le potentiel ext´erieur

U (x) = UuΘ(−x) + UdΘ(x) (Uu, Ud∈ R) (1.49)

et la constante de couplage non-lin´eaire

g(x) = guΘ(−x) + gdΘ(x) (gu, gd > 0), (1.50)

o`u Θ d´esigne la fonction de Heaviside, sont choisis de sorte qu’un ´ecoulement de vitesse Vu = Vd = V0 = cste (c’est-`a-dire tel que ku = kd = k0 = cste) et de densit´e nu = nd = n0 = cste soit solution des ´equations (1.45) et (1.47). Ceci ´etant, on montre que

cu cd = ξd ξu = md mu (1.51a) et Uu+ gun0 = Ud+ gdn0. (1.51b)

Dans la configuration de profil plat, on a cd< Vd= Vu < cu.

Dans les simulations num´eriques effectu´ees en r´ef´erences [12], [30], [92] et [93], les auteurs g´en´eralisent cette configuration [dans laquelle les fonctions U (x) et g(x) sont

discontinues en x = 0] en consid´erant que U (x) et g(x) sont r´eguli`eres sur tout R et

en les for¸cant `a v´erifier la contrainte U (x) + g(x) n0 = cste, ∀x ∈ R [qui est la version continue de l’´equation (1.51b)]. L’approche th´eorique d´evelopp´ee dans ces r´ef´erences est en r´ealit´e la mˆeme que celle mise en œuvre en r´ef´erence [117], `a ceci pr`es que les ´equations de Bogoliubov–de Gennes (cf. sous-section 1.2.3) ne peuvent, dans ce cas, ˆetre r´esolues que num´eriquement tandis que la configuration discontinue caract´eris´ee par les ´equations (1.49) et (1.50) offre la possibilit´e d’un traitement analytique des fluctuations quantiques.

unidimensionnels

La configuration de profil plat peut ˆetre g´en´er´ee dynamiquement au moyen de si-mulations num´eriques [12, 30]. Sa r´ealisation exp´erimentale s’av`ere ˆetre en contrepartie difficile car cette configuration de trou muet [caract´eris´ee par une constante d’interaction `a deux corps g(x) spatialement variable] n’est possible qu’en pr´esence d’un potentiel ex-t´erieur U (x) con¸cu afin d’exactement contrecarrer les variations de g(x) et ainsi assurer la constance du potentiel chimique µ =~2k2

0/(2m) + U (x) + g(x) n0. C’est pourquoi nous avons propos´e deux nouvelles configurations d’horizons acoustiques qui pourraient ˆetre bien plus facilement mises en œuvre que la configuration de profil plat.

Configuration de pic δ

V (x)

0

x ξu n(x) nu

U (x) = Λ δ(x)

1

V

u

< c

u

V

d

> c

d

Figure 1.5 — Densit´e n(x) = |Ψ(x)|2 (en

bleu) d’un quasi-condensat unidimensionnel en configuration de pic δ. Le fluide s’´ecoule de la gauche vers la droite [sa vitesse V (x) est mat´erialis´ee par la fl`eche violette]. Le po-tentiel r´epulsif U (x) = Λ δ(x) (Λ > 0) est repr´esent´e en rouge. La densit´e en amont de l’horizon (x < 0) est une portion de soli-ton gris (voir le texte) et l’´ecoulement y est subsonique. En aval de l’horizon (x > 0), la densit´e est uniforme et l’´ecoulement superso-nique. Cette r´egion est gris´ee afin de rappeler qu’elle correspond `a l’int´erieur du trou noir acoustique.

Dans cette configuration, le param`etre non-lin´eaire g est uniforme et le potentiel ext´erieur est repr´esent´e par un pic de Dirac r´epulsif : U (x) = Λ δ(x), o`u Λ > 0. Dans ce cas, une configuration de trou noir acous-tique peut ˆetre g´en´er´ee car on montre qu’il est possible de trouver une solution stable de l’´equation de Gross–Pitaevskii station-naire (1.45) d´ecrivant un ´ecoulement qui, loin en amont (respectivement en aval) de x = 0, est subsonique (respectivement su-personique) [83,104]. Le profil de densit´e `a l’ext´erieur du trou muet correspond `a une portion de soliton gris ; en effet, lorsque x < 0, φu(x) = cos θ tanh  cos θ x− x0 ξu  − i sin θ, (1.52)

o`u sin θ = mu (on peut se restreindre `a θ ∈ [0, π/2], en cons´equence de quoi βu = θ + π). Comme dans les autres configura-tions de trous noirs ´etudi´ees dans ce cha-pitre (profil plat et chute d’eau), le profil

de densit´e en aval de l’horizon acoustique est homog`ene et l’´ecoulement y est caract´eris´e par une vitesse Vd> cdconstante [cf. ´equations (1.48) et (1.46)]. Une repr´esentation

sch´e-matique de la configuration de pic δ est donn´ee `a la figure 1.5. Une fois le nombre de

Mach mu = Vu/cu < 1 fix´e, tous les autres param`etres de l’´ecoulement sont d´etermin´es `a l’aide des ´equations (1.47). D´efinissant y = 12(−1 +p1 + 8/m2

u), on trouve nu nd = Vd Vu = y, cu cd = ξd ξu =y et mu md = 1 y3/2. (1.53)

Tirant parti de la continuit´e de la fonction d’onde du condensat [Ψ(0) = √nd exp(iβd) =

n

uφu(0)] et de la discontinuit´e de sa d´eriv´ee premi`ere [∂xΨ(0+) − ∂xΨ(0) = 2 m Λ Ψ(0)/~2] en x = 0, on obtient ´egalement sin βd=−muy et x0 ξu = 1 cos θ tanh −1 tan θ r y− 1 2 ! , (1.54) ainsi que Λ =~ cuλ, o`u λ = mu  y− 1 2 3/2 . (1.55)

Dans la configuration de pic δ, on a Vu < cd< cu < Vd.

Il semblerait que cette configuration de trou noir acoustique puisse ˆetre dynamique-ment g´en´er´ee en envoyant un condensat de Bose–Einstein unidimensionnel sur un obstacle localis´e (repr´esent´e par exemple par un pic δ, mais pas n´ecessairement). Les auteurs de la r´ef´erence [65] ont en effet montr´e qu’il existe une assez large gamme de param`etres pour lesquels le profil de densit´e du condensat tend vers celui d´epeint `a la figure 1.5 suite `a un r´egime transitoire marqu´e par l’´ejection d’une onde de choc dispersive dans la r´egion subsonique.

Configuration de chute d’eau

V (x)

0

x ξu n(x) nu U (x) U0

= −Θ(x)

−1

1

V

u

< c

u

V

d

> c

d

Figure 1.6 — Profil de densit´e n(x) d’un condensat unidimensionnel en configuration de chute d’eau. Les symboles et les codes de couleurs utilis´es sont les mˆemes que ceux em-ploy´es `a la figure 1.5.

Dans cette configuration de trou noir acoustique, la constante d’interaction `a deux corps g est constante (comme dans le cas de la configuration de pic δ dont le descriptif est donn´e ci-dessus) et le poten-tiel ext´erieur est repr´esent´e par une marche du type U (x) = −U0Θ(x) (U0 > 0), o`u Θ est la fonction de Heaviside. Dans ce cas, un ´ecoulement stationnaire caract´eris´e par une vitesse subsonique en amont et super-sonique en aval de x = 0 a ´et´e identifi´e en r´ef´erence [84]. La densit´e en amont de l’ho-rizon acoustique est d´etermin´ee via l’´equa-tion (1.52) avec, ici, x0 = 0, ce qui signifie que le profil de densit´e dans la r´egion sub-sonique est exactement une moiti´e de soli-ton gris (voir figure1.6). Les ´egalit´es (1.47) et la continuit´e du param`etre d’ordre `a l’origine imposent

nu nd = Vd Vu =  cu cd 2 =  ξd ξu 2 = 1 m2 u = md, (1.56)

unidimensionnels exp(iβd) = −i (c’est-`a-dire βd≡ −π

2 [2π]) et U0 g nu = m 2 u 2 + 1 2m2 u − 1. (1.57)

Dans la configuration de chute d’eau, on a Vu = cd< cu < Vd.

Comme dans le cas de la configuration de pic δ (relire sa description et consulter la r´ef´erence [65]), il est sˆurement possible de g´en´erer dynamiquement la configuration sta-tionnaire d´epeinte `a la figure 1.6. Les r´esultats exp´erimentaux de l’´equipe de Jeff Stein-hauer [75] soutiennent cette id´ee ; les membres du groupe ont en effet mis en œuvre une configuration de trou muet tr`es similaire `a la configuration de chute d’eau pr´esent´ee ici (avec l’occurrence d’un horizon de trou blanc9) et montr´e qu’il n’existait pas de d´epen-dance temporelle dramatique au voisinage de l’horizon de leur trou noir acoustique, ce qui laisse esp´erer que la configuration stationnaire de chute d’eau de la figure 1.6 est stable et exp´erimentalement atteignable.

n

u

n

d

x

0

n(x)

Horizon

V = c V > c

V (x)

Figure 1.7 — Prenant comme d´efinition de l’horizon acoustique l’endroit `a partir duquel la vitesse de l’´ecoulement V (x) devient plus grande que la vitesse du son c(x), il vient que l’horizon d’un trou noir en configuration de chute d’eau doit ˆetre situ´e en amont de x = 0. Ce constat tient ´egalement dans le cas de la configuration de pic δ.

Faisons une derni`ere remarque tenant ´egalement pour la configuration de pic δ : la localisation pr´ecise de l’horizon acous-tique n’est pas bien d´efinie dans ces deux configurations inhomog`enes (chute d’eau et pic δ). On trouve en effet que l’horizon du trou muet, d´efini comme l’endroit `a par-tir duquel la vitesse V (x) de l’´ecoulement d´epasse la vitesse locale c(x) des ondes so-nores dans le fluide, est situ´e un peu en amont de l’origine des coordonn´ees. Par exemple, dans une configuration de chute d’eau, on trouve V (x) c(x) x=0 = s 2 m2 u − 1, (1.58) et alors V > c en x = 0 puisque mu < 1, ce qui signifie que l’horizon d’un trou noir en configuration de chute d’eau doit ˆetre localis´e en amont de l’interface x = 0 (voir figure1.7). Ceci dit, ce petit souci de d´efinition ne nous gˆenera gu`ere car ce qui importe dans les analyses du rayonnement de Hawking que nous d´etaillerons ci-apr`es est que la vitesse de l’´ecoulement soit asymptotiquement

(lorsque x/ξu → −∞) subsonique : Vu < cu, ce qui est effectivement le cas dans nos

configurations de chute d’eau et de pic δ.

9. Un trou blanc (ou fontaine blanche) acoustique est le sym´etrique d’un trou noir acoustique dans le sens o`u si le son ne peut pas s’´echapper d’un trou muet, les phonons ne peuvent pas p´en´etrer dans une fontaine blanche acoustique.

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