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Sulfénylation C-H d’acétanilides à partir de réactifs soufrés électrophiles électrophiles

ruthénium et nickel

2. Résultats et discussions

2.1. Formation de liaisons C Ar -S par activation dirigée de liaisons C-H métallo-catalysée métallo-catalysée

2.1.3. Sulfénylation d’acétanilides par activation de liaisons C-H métallo-catalysée métallo-catalysée

2.1.3.2. Sulfénylation C-H d’acétanilides à partir de réactifs soufrés électrophiles électrophiles

En 2011, l’équipe de Bedford a reporté des conditions réactionnelles permettant de réaliser l’ortho-halogénation d’acétanilides 2.B175 par activation de liaisons C-H pallado-catalysée.187c L’utilisation de N-halosuccinimides 2.B176, composés halogénés électrophiles, en présence d’acide

para-toluènesulfonique (50 mol %), a permis d’obtenir des acétanilides bromés ou chlorés 2.B177

avec de très bons rendements et une excellente régiosélectivité en faveur de la position ortho (Schéma 97).

Schéma 97

Ainsi, par analogie avec la méthode développée par Bedford et al., nous avons envisagé de réaliser l’ortho-sulfénylation C-H d’acétanilides en utilisant des N-thiosuccinimides (X = SR) comme partenaires soufrés.134,136 Pour étudier la faisabilité de cette réaction, le N-thiophénylsuccinimide 2.12 a été synthétisé à partir du thiophénol 2.9 par traitement avec le chlorure de sulfuryle (SO2Cl2) pour générer in situ l’intermédiaire électrophile 2.11. L’attaque nucléophile de la succinimide sur l’intermédiaire 2.11, en présence de triéthylamine, a conduit au composé attendu 2.12 avec un rendement de 93% (Schéma 98).

Schéma 98

Lorsque le composé 2.12 a été mis en présence de l’acétanilide 2.1 dans les conditions opératoires reportées par Bedford et al., le produit attendu 2.10 n’a pas été observé (Tableau 22, entrée 1). L’augmentation de la température du milieu réactionnel à 50 °C puis 100 °C n’a eu aucun effet sur la réaction de sulfénylation C-H (Tableau 22, entrées 2 et 3). De même, l’utilisation d’additifs autres que

193

p-TsOH (Cu(OAc)2, PivOH), en s’inspirant de conditions décrites par Shi et al.,190 n’a pas conduit au thioéther 2.10 (Tableau 22, entrée 4). En revanche, le remplacement de Pd(OAc)2 par Pd(TFA)2, catalyseur au palladium plus électrophile, a permis d’obtenir 2.10 avec un rendement de 8% (établi par GC/MS). Ce résultat est malgré tout peu encourageant au vu de la haute charge catalytique utilisée (20 mol %) (Tableau 22, entrée 5). Un rendement similaire en 2.10 a été obtenu lorsque les composés 2.1 et 2.12 ont été traités au reflux du TFA en présence de 20 mol % de Pd(OAc)2 (Tableau 22, entrée 6). Dans ces conditions, la dégradation complète du N-thiosuccinimide 2.12 a été observée après 24 h de réaction. Cependant, la diminution de la température à 50 °C et ta n’a pas permis d’améliorer le rendement en 2.10 ou d’éviter la dégradation de 2.12 (Tableau 22, entrées 7 et 8). Signalons que dans tous les cas, le produit secondaire 2.13, formé par substitution électrophile aromatique, a été observé sous forme de traces en GC/MS.

Tableau 22

Entrée [Pd] (x mol %) Additif(s) (y équiv) Solvant Temp Rdt 2.10[a]

1 Pd(OAc)2 (10) p-TsOH (0,5) toluène ta 0%

2 Pd(OAc)2 (10) p-TsOH (0,5) toluène 50 °C 0%

3 Pd(OAc)2 (10) p-TsOH (0,5) toluène 100 °C traces

4 Pd(OAc)2 (10) Cu(OAc)2 (2,2) PivOH (5) toluène 100 °C 0% 5 Pd(TFA)2 (20) — toluène 100 °C 8% 6 Pd(OAc)2 (20) — TFA 70 °C 8% 7 Pd(OAc)2 (20) — TFA 50 °C 8% 8 Pd(OAc)2 (20) — TFA ta 4% [a]

194 L’utilisation d’un autre réactif soufré électrophile, le thiosulfonate 2.14, moins réactif mais plus stable que le composé 2.12, n’a pas conduit à de meilleurs résultats. En effet, les produits 2.10 et 2.13 ont été observés seulement sous forme de traces en GC/MS (Schéma 99).

Schéma 99

Les essais réalisés jusqu’à présent pour la réaction de sulfénylation C-H d’acétanilides à partir de réactifs soufrés électrophiles ont conduit à des rendements nuls ou très faibles en produit attendu 2.10, et montrent à priori une absence de régiosélectivité entre les positions ortho et para.

2.1.4. Bilan

Au cours de cette étude sur la formation de liaisons CAr-S par activation de liaisons C-H métallo-catalysée, nous avons pu nous apercevoir que la modification de la structure du groupement directeur (pyridine versus acétamide) et du mode de coordination avec le métal (N versus O) inhibait totalement la réactivité du système, et ce quel que soit le réactif soufré utilisé. Malgré un criblage conséquent de conditions réactionnelles, l’anilide ortho-sulfoné 2.5 et l’anilide ortho-sulfénylé 2.10 n’ont pas été obtenus, ou ont été seulement observés sous forme de traces, à partir de l’acétanilide 2.1 (Schéma 100).

Schéma 100

Ainsi, devant les multiples défis que semblaient présenter ces réactions, il a été décidé de ne pas pousser plus en avant notre étude, et de nous concentrer sur une réaction de sulfénylation de liaisons C-H de noyaux aromatiques sans l’utilisation de métaux de transition.

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2.2. Sulfénylation régiosélective de liaisons C-H (hétéro)aromatiques

2.2.1. Sulfénylation électrophile d’aromatiques sans métal

2.2.1.1. Objectif

Comme nous avons pu le voir dans la partie bibliographique, Saravanan et al.136 ont reporté en 2014 la thiolation de liaisons C-H aromatiques pallado-catalysée sans l’aide d’un groupement directeur. Ils ont utilisé pour cela des partenaires soufrés de type N-thiosuccinimide en milieu acide fort (TFA pur). Cependant, le champ d’application des composés aromatiques est limité à des aryles riches en électrons, généralement di- ou tri-substitués par des groupements électro-donneurs. La régiosélectivité observée est de plus concordante avec les règles de Holleman, définissant les effets d’orientation des substituants dans les réactions de substitution électrophile aromatique.198

Nous pouvons donc légitimement nous poser la question de l’utilité du palladium dans cette transformation, sachant que différentes conditions sans métaux de transition ont été développées pour la sulfénylation directe de liaisons C-H aromatiques avec des dérivés soufrés électrophiles, tels que des N-thiosuccinimides ou des N-thiophtalimides notamment. Nous avons ainsi envisagé de réaliser la synthèse de thioéthers 2.J sans catalyse métallique par thiolation électrophile d’aromatiques mono- ou polysubstitués 2.H avec des N-thiosuccinimides 2.I en présence d’acide trifluoroacétique (TFA) comme agent activant (Schéma 101).

Schéma 101

2.2.1.2. Etudes préliminaires

Afin d’étudier la faisabilité de cette réaction de sulfénylation C-H sans métal, le 1,3,5-triméthylbenzène 2.15 et le N-thiosuccinimide 2.12 ont été utilisés comme substrats modèles. Ainsi, lorsque l’aromatique 2.15 a été mis en présence du réactif soufré 2.12 dans les conditions décrites par Saravanan et al.136 (5 équiv de 2.15, TFA pur, ta) sans catalyse métallique, l’arylsulfure 2.16 a été isolé avec un excellent rendement de 89%, contre 87% avec 10 mol % de Pd(OAc)2

(Tableau 23, entrée 1). Ce résultat corrobore le fait que le palladium n’est pas nécessaire pour

198

196 réaliser la sulfénylation électrophile de 2.15 par 2.12. L’influence de la quantité de TFA sur le rendement en 2.16 a ensuite été évaluée en utilisant le dichlorométhane comme solvant à température ambiante (Tableau 23, entrées 2–6). L’emploi d’un faible excès d’acide, soit 2 équiv et 1,5 équiv, a permis de conserver de très bons rendements en 2.16, 91% et 80% respectivement (Tableau 23, entrées 2 et 3). Cependant, une diminution drastique du rendement a été constatée lorsque le TFA a été utilisé en quantité stœchiométrique (Tableau 23, entrée 4) ou en quantité catalytique (Tableau 23, entrées 5 et 6). Pour une même quantité de TFA, l’augmentation de la température du milieu réactionnel à 40 °C (reflux du CH2Cl2) a permis d’améliorer les rendements en 2.16 par rapport aux réactions réalisées à ta (Tableau 23, entrées 4 et 6 versus entrées 7 et 8). Soulignons qu’un faible excès de TFA (1,1 équiv) à 40 °C a conduit à 2.16 avec un excellent rendement de 96% (Tableau 23, entrée 9). Enfin, la réduction du nombre d’équivalents de mésitylène 2.15 à 2,5 équiv et 1 équiv a engendré une diminution du rendement en 2.16, en particulier lorsqu’une quantité stœchiométrique de 2.15 a été utilisée (Tableau 23, entrées 10 et 11).

Tableau 23

Entrée 2.15 (x équiv) TFA (y équiv) Temp Rendement 2.16[a]

1[b] 5 30 ta 89%[c] / 87%[d] 2 5 2 ta 91% 3 5 1,5 ta 80% 4 5 1 ta 44% 5 5 0,6 ta 13% 6 5 0,2 ta traces 7 5 0,2 40 °C 11% 8 5 1 40 °C 67% 9 5 1,1 40 °C 96% 10 2,5 1,1 40 °C 82% 11 1 1,1 40 °C 24% [a]

Rendement isolé. [b] Manipulation réalisée dans le TFA pur. [c] Sans catalyse métallique. [d] 10 mol % de Pd(OAc)2 utilisé.

197 D’après l’étude présentée ci-dessus, les conditions réactionnelles optimisées pour généraliser la réaction de sulfénylation C-H d’aromatiques correspondent à l’utilisation de 5 équiv du substrat aromatique, 1 équiv de N-thiosuccinimide en présence d’un léger excès de TFA (1,1 équiv) dans le CH2Cl2 à 40 °C (Tableau 23, entrée 9).

Différents aromatiques di- et monosubstitués ont ainsi été soumis aux conditions optimisées en présence du N-thiophénylsuccinimide 2.12 comme partenaire soufré (Tableau 24). L’utilisation du 1,3-diméthoxybenzène 2.17 a conduit au sulfure 2.18 avec un très bon rendement de 76% (Tableau 24, entrée 1). En revanche, à partir d’aromatiques moins riches en électrons, tels que le diméthylbenzène 2.19, l’anisole 2.21 ou le toluène 2.23, le produit soufré attendu n’a pas été obtenu (Tableau 24, entrées 2 et 4), ou formé en très faible quantité (Tableau 24, entrée 3). Par conséquent, l’utilisation d’un faible excès de TFA (1,1 équiv) n’est pas optimale pour réaliser la thiolation d’aromatiques moins riches en électrons que le mésitylène 2.15 ou le diméthoxybenzène 2.17. Tableau 24

Entrée Aromatique Produit (Rendement)

1

2

3

4

[a] Rendement isolé. [b] Rendement déterminé par spectroscopie RMN 1H du brut réactionnel avec le 1,3,5-triméthoxybenzène comme étalon interne.

198 Suite à l’échec précédent pour généraliser la méthode de sulfénylation C-H sans métal, une nouvelle optimisation a été conduite avec l’anisole 2.21 comme substrat modèle en fixant certains paramètres réactionnels, à savoir l’utilisation d’une quantité stœchiométrique du dérivé aromatique à température ambiante (Tableau 25). Dans un premier temps, différents réactifs soufrés électrophiles ont été employés en présence de 30 équiv de TFA (Tableau 25, entrées 1–3). Aucun produit n’a été observé à partir du disulfure 2.8, tandis que le composé 2.22 a été obtenu avec un rendement de 39% lorsque 2.21 a été traité avec le benzènethiosulfonate 2.14 (Tableau 25, entrée 2). Une amélioration significative du rendement en 2.22 a été observée en utilisant le N-thiosuccinimide 2.12 (Tableau 25, entrée 3). L’influence de la quantité d’acide sur le rendement en 2.22 a ensuite été étudiée avec le réactif 2.12 comme partenaire électrophile (Tableau 25, entrées 4–9). Ainsi, l’utilisation de 15 équiv de TFA dans le CH2Cl2 à température ambiante a permis d’obtenir 2.22 avec un excellent rendement de 97% (88% isolé) (Tableau 25, entrée 4). Signalons que la diminution de la quantité de TFA à 10 équiv, 5 équiv et 2,5 équiv n’a pas eu de conséquences néfastes sur la réaction de sulfénylation puisque 2.22 a été formé avec des rendements respectifs de 91%, 87% et 85% (Tableau 25, entrées 5–7). En revanche, un rendement très faible de 5% a été observé avec 1,5 équiv de TFA (Tableau 25, entrée 8), et aucun produit n’a été détecté en utilisant une quantité stœchiométrique de TFA (Tableau 25, entrée 9).

199 Tableau 25

Entrée R—SPh TFA (x équiv) Solvant Rendement 2.22[a]

1 2.8 30 TFA 0% 2 2.14 30 TFA 39% 3 2.12 30 TFA 85% 4 2.12 15 CH2Cl2 97% (88%)[b] 5 2.12 10 CH2Cl2 91% 6 2.12 5 CH2Cl2 87% 7 2.12 2,5 CH2Cl2 85% 8 2.12 1,5 CH2Cl2 5% 9 2.12 1 CH2Cl2 0% [a]

Rendement déterminé par spectroscopie RMN 1H du brut réactionnel avec le 1,3,5-triméthoxybenzène comme étalon interne. [b] Rendement isolé indiqué entre parenthèses.

Suite à cette étude, il semblerait que l’emploi de 2,5 équiv ou 5 équiv de TFA soit suffisant pour promouvoir la réaction de sulfénylation, quantité satisfaisante en termes d’économie d’atomes, d’écotoxicité et de sécurité dans une optique de montée en échelle. Néanmoins, afin de généraliser cette méthode à un maximum d’aromatiques et de N-thiosuccinimides plus ou moins riches en électrons, les conditions suivantes ont été retenues : substrat aromatique (1 équiv),

N-thiosuccinimide (1 équiv), TFA (15 équiv), CH2Cl2 (c = 0,5 M), ta, 6 h (Tableau 25, entrée 4).

Signalons également qu’une expérience de contrôle a montré que le N-thiosuccinimide 2.12 était entièrement dégradé après 6 h d’agitation dans les conditions optimisées.